1⎜ Un rayon fragile

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La profondeur du silence m'enveloppe et je m'abandonne à son étreinte. Les yeux clos et le souffle lent, j'écoute cet ami si particulier. Un océan de calme s'ouvre, m'ouvre, se dévoile, m'entraîne.
L'univers semble s'être tu, s'être anéanti dans une feutrine douce et étouffante. Anéanti. J'aime les sonorités de ce mot, comme s'il roulait sur lui-même avant de s'effondrer, un peu, de rester suspendu à la dernière lettre, un instant. Comme s'il restait un espoir, une chance, un peut-être, un rebond...
Lorsque j'ai été anéanti, j'ai espéré un rebond. Je l'ai attendu. En vain.
Je me suis habitué aux quatre murs d'incompréhension qui m'entourent. Je les pare d'ombres et de couleur pour qu'ils me parlent de l'extérieur, de fragments de l'extérieur. Pour ne pas l'oublier. Je me demande ce qu'il devient. Sans moi. Je me souviens de la tendresse du Soleil, des caresses du vent, des chants des oiseaux, des rêves nichés dans les regards,... Je m'en souviens. Malgré les tâches floues et les contours qui s'étiolent, malgré un soupçon de rien et un éclat de douleur.
Et surtout, je me souviens du papier, de son odeur et de son bruissement. C'est net, chaud, tendre, fiable. Le papier, une odeur douce – liée à son âge, un bruissement – quand on le feuillette, un chant étrange – quand on l'agite, le rythme des pages que l'on tourne... Quatre livres m'escortent depuis mon arrivée ici. Lus et relus, admirés et respirés, légèrement écornés à certaines pages.
Quatre livres que je peux réciter de mémoire, quatre chemises bientôt trop petites, deux pantalons de toile qui grattent. Mon trésor.

J'ai perdu le compte des jours.

Tout se ressemble

J'ai perdu l'espoir.

ici

J'ai perdu la lumière.

au coeur de la pénombre

J'ai perdu le sens

malgré un fragile rayon qui me rend parfois visite...


Et pour finir, je me suis perdu. Enfermé dans un cauchemar que personne ne daigne m'expliquer...


✬ ✬ ✬


Elle le regarde.
Il est calme, il dessine sur les murs de la chambre. Il est si grand, à présent. Elle se souvient de l'enfant qu'il a été, joyeux et enthousiaste, un peu réservé, souvent fourré au milieu du papier ou des livres. Puis, impuissante, elle l'avait observé se refermer sur lui-même. Il ne comprenait plus ce qui l'entourait, ne communiquait plus. Elle l'avait vu devenir prisonnier de cette incompréhension infranchissable. Il était beau, un créatif incompris, dépassé par ce qui lui arrive. Elle l'avait entouré, douceur et sourires. Il s'était retrouvé enfermé.
Elle le regarde. Parfois, leurs regards se croisent et un sourire fleurit sur leurs lèvres. Comme un rayon, fragile et chaleureux.
La profondeur du silence les enveloppe et ils s'abandonnent à son étreinte.


✒️ Imagin'encre 

Huis closOù les histoires vivent. Découvrez maintenant