16h42 - NADIA

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- Nadia Bensaïd, c'est la troisième fois que je te vois dans mon bureau cette semaine. Pourquoi ne veut tu pas te plier aux règles ?

- Ça s'appelle de la désobéissance civile, monsieur.

- La désobéissance civile est faite pour protester contre une injustice ou une oppression, pas pour n'en faire qu'à sa tête !

Je ne peut m'empêcher de soupirer ; comme d'habitude, le proviseur me crache ses arguments, et moi, je les démonte avec plaisir.

- Pas une oppression ? Me demander de me changer parce que je ne corresponds pas à vôtre code vestimentaire macho, c'est pas une oppression ?

- Nadia, ce n'est pas une histoire d'oppression masculine ou je ne sais quoi, l'école nécessite une tenue appropriée à l'apprentissage.

- Vous être en train de me dire que la longueur de ma jupe gêne mon apprentissage ?

Je reconnais ce stade de colère ; il est a deux doigts d'exploser.

- Très bien. J'appelle tes parents. Va attendre devant mon bureau.

- Je n'ai pas de parents.

Un silence gêné s'installe entre nous deux, tandis qu'il essaye de se reprendre.

- Oui, bon, j'appelle ton... éducatrice.

Je soupire encore et me dirige tranquillement vers la sortie de son bureau ; avec le temps, les visites ici sont devenues habituelles et je me mets presque à apprécier d'enrager Monsieur Maurin. En sortant, je lance a la fille qui attends son tour :

- Fait attention, il est sur les nerfs.

Elle se recule en ouvrant grands les yeux, comme si j'avais une maladie contagieuse. C'est peut-être ce qu'elle pense, après tout.

Je me laisse tomber sur une des chaises qui suivent la porte du bureau ; à côté de moi se tient Yacine Bensaad, dont je n'ai retenu le nom que parce qu'il est identique au mien a une lettre près.

Contre toute attente, il se retourne vers moi et après un instant d'hésitation, me demande :

- Comment tu a réussi à assumer que tu étais lesbienne ?

Je reste perplexe quelques instants, pendant qu'il reformule sa question.

- Tu assumes ton homosexualité comme si c'était la chose la plus naturelle au monde, je sais pas, il faut des couilles.

- Déjà, c'est la chose la plus naturelle au monde. Autant que la sainte et sacrée hétérosexualité. Et je n'ai jamais réussi quoi que ce soit, je suis juste née comme ça et je sais que ça ne changera jamais genre jamais, du coup, autant assumer, tu vois.

- Tu as vachement de courage, réponds-t-il en baissant les yeux vers ses genoux.

J'analyse nôtre discussion quelques secondes, avant de me rendre compte de quelque chose d'évident :

- Tu es gay ?

Il relève la tête tellement vite que j'ai peur qu'il se soit fait mal au cou.

- Quoi ?

- Je ne veut pas trop m'avancer, mais on dirait vachement un mec pas très subtil qui essaye de me demander des conseils en coming out.

- Non, non, je suis pas gay, se défends-t-ils en secouant la tête, quelle idée. Un mec comme moi, gay ? Hahaha.

Soudain, il se redresse brusquement et me regarde dans les yeux.

- Quelqu'un t'a dit que j'étais gay ?

- Ok, tu es gay.

Il se prends la tête dans les deux mains et marmonne :

- Si tu le dit à qui que ce soit, je te tue.

- T'inquiète pas, à qui je pourrais le dire, de toute façon ?

Il se frotte les yeux et sa respiration ralentit. Il s'apprête à me dire quelque chose, mais une femme qui lui ressemble comme deux goutte d'eaux – sûrement sa mère – entre en vitesse l'attrape et le sort du couloir. Avant de franchir la porte, il m'articule un merci puis disparaît. 

Ta différence deviendra ta force  ~ 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant