La Théorie des Contrastes - Violet & Blake 1 (ÉDITÉ AUX ÉDITIONS ADDICTIVES)

1 | violet

« Le premier pas pour quitter ce que vous voulez, c'est d'avoir le courage de quitter ce que vous ne voulez plus. »

Je suis loin de ma famille, de mon pays, et pourtant, je suis en train de revivre. Cela fait à peine vingt minutes que je déambule dans les rues de Londres, mais je sens déjà un changement qui s'opère en moi. C'est comme prendre une grande bouffée d'air frais après des mois de suffocation, comme se réveiller d'un long et sombre cauchemar. La sensation est bien plus forte que tout ce que je pouvais imaginer : je suis apaisée, sereine même. Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas sentie comme ça. Je peux marcher la tête haute et le coeur léger sans craindre de le croiser. Ici, je suis libérée de mes chaînes.

Après l'obtention de mon baccalauréat, mon père était tellement heureux qu'il m'a demandé de lui dresser une liste de tout ce qui me ferait plaisir. C'était sa façon de me féliciter, et surtout, de m'encourager à poursuivre sur la même voie que lui, celle de la réussite. Il s'attendait sûrement à ce que je lui réclame un chien, de l'argent, des vacances sur une île paradisiaque, une nouvelle voiture ou peut-être même un stage au sein de sa grande entreprise.

Alors quelle a été sa surprise lorsque je lui ai remis ma liste en main propre et qu'il a découvert mon souhait le plus cher : « passer une année sabbatique comme fille au pair à l'étranger. » Au début, il a cru à une blague. C'est vrai, j'avais été acceptée dans l'une des universités les plus réputées de Los Angeles, non loin de notre ville, Riverside, alors il était impensable que je renonce à cette place qui, pour lui, valait de l'or. Mais au dernier moment, je l'ai refusée. Et les disputes ont alors éclaté. Jusqu'à mon départ, elles n'ont jamais vraiment cessé.

Comme si j'avais besoin de ça.

Heureusement, ma mère était là pour apaiser les tensions entre nous. C'est même elle qui l'a convaincu de me laisser partir. Tout d'abord, ils m'ont proposé d'aller vivre à New York pendant quatre mois, grand maximum, chez ma tante que je n'ai pas revue depuis mes neuf ans. Bien sûr, ce deal ne me convenait pas. J'ai insisté. Je voulais impérativement une famille d'accueil avec des enfants à garder dans un autre pays. Pour un an. Non négociable.

Mon père a mis du temps avant d'accepter mes conditions, tellement de temps, qu'au bout d'un moment, j'ai fini par renoncer à mon besoin de partir. Puis un miracle s'est produit. Et ce miracle, je le dois à ma mère. Quelques mois auparavant, elle avait repris contact avec une de ses amies d'enfance qui habite maintenant Mayfair, un quartier chic de Londres. Et lorsqu'elle m'a dit qu'elle avait besoin d'une nourrice pour son bébé, je n'ai pas hésité une seule seconde. C'était la chance de ma vie, alors je l'ai saisie !

Bon, je suis là-bas seulement pour six mois, mais c'est mieux que rien. Mes parents ont la certitude que je ne vais pas atterrir dans une famille de tordus. Quant à moi, je suis loin de ma ville et de ce mec qui m'a pourri la vie. Au final, tout le monde y trouve son compte.

Avant de monter dans l'avion, il faisait à peu près trente cinq degrés. Maintenant, la température ne doit pas dépasser les vingt degrés. Dès que j'ai posé un pied sur le sol anglais, ça a été le choc thermique. Je pensais qu'en plein mois de juillet, il faisait un peu plus chaud que ça, à Londres. Mais non, il fait un froid de canard. Et moi, ignorante que je suis, je n'ai pas pensé à apporter des vêtements plus épais qu'une tranche de prosciutto.

Avec mon débardeur, ma jupe volante — sans collants je le précise — et mes sandales, je me sens drôlement stupide. En plus je suis pile sous une averse. Pas une petite avec quelques gouttelettes qui tombent par-ci par-là, mais la bonne pluie, celle qui te fait ressembler à un rat mouillé. Bienvenue à Londres ! Mais avec tout ce que j'ai traversé, ce n'est pas un épisode pluvieux qui va me plomber le moral.