4 | violet

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« Le masque est si charmant que j'ai peur du visage. »


De surprise, je me cogne le dos contre le mur. Je m'attends à ce qu'il fasse preuve d'un minimum de décence en baissant les yeux, ou même, en faisant semblant de regarder ailleurs, mais il continue à me regarder bien fixement sans cesser de sourire. Instinctivement, je croise mes bras en travers de ma poitrine pour la cacher.

— Tu aurais pu frapper, lui reproché-je.

J'essaie de prendre un ton autoritaire, mais le tremblement de ma voix donne tout l'effet inverse.

— Pour accéder à ma propre chambre ? rétorque-t-il, sarcastique. Pas question. La prochaine fois, évite de te désaper sur mon territoire... à moins que la boniche aime jouer à l'allumeuse.

Son sourire en coin et son air suffisant me tapent sur les nerfs, bien plus encore que son insinuation désobligeante et son surnom rabaissant. Sachant pertinemment qu'il cherche à me provoquer, je ne relève pas et prends sur moi pour lui demander :

— Est-ce que tu pourrais... enfin, tu vois...

— Non, je ne vois pas.

Il se met à ricaner à la manière d'un grand méchant de dessin animé. Je ne sais pas si c'est moi et mes bégaiements qui le font marrer ou bien le contexte en lui-même — certainement un peu des deux. En tout cas, j'ai du mal à trouver cette situation comique.

— Tu pourrais sortir, ou au moins te tourner, pour que je puisse finir de m'habiller ?

— Si tu veux, bien que j'aie déjà eu le temps de tout voir. Enfin, tout, c'est un grand mot. Il n'y a rien de transcendant là-dessous, se moque-t-il, un doigt insolent pointé en direction de ma poitrine dissimulée sous mes bras.

Sa remarque me vexe, mais je ne laisse rien paraître. J'ai mis du temps à accepter mes petits seins, la génétique et le sport intensif ne m'ayant pas aidé à les faire grossir, mais aujourd'hui, je les assume pleinement. Et jusqu'ici, personne ne s'était jamais permis de les critiquer.

Je le foudroie du regard et il rit davantage. Dès qu'il me tourne le dos, je m'accroupis près de ma valise en soupirant. Je me permets de jeter un coup d'oeil vers lui pour vérifier qu'il ne me regarde pas à la dérobée, et alors que j'observe ses épaules larges, ses avant-bras tatoués, mon esprit se met à divaguer.

L'espace d'une seconde, je me demande où il a bien pu passer la nuit après que je l'aie chassé. Et la seconde d'après, je m'en fiche. Sans doute qu'il doit avoir des plans culs éparpillés un peu partout dans Londres.

— J'ai pas la journée ! râle-t-il, ce qui me fait accélérer.

Je fouille au fond de ma valise avec l'espoir que mon sweat-shirt beige soit dans celle-ci et bingo ! Il y est. Je me dépêche de l'enfiler, craignant que Blake ne s'impatiente et ne se retourne trop tôt.

— C'est bon.

Il pivote vers moi tandis que je me redresse en époussetant mon short.

— J'ai un deal à te proposer.

Intriguée, je relève lentement la tête et plante mes yeux dans les siens. Son sourire vaguement blagueur vissé aux lèvres et son regard scrutateur ne me disent rien qui vaille.

— Et si on partageait ma chambre ? Tu n'as pas l'air très chaude pour bouger dans le bureau ou sur le canapé, moi non plus, mais comme je n'ai pas envie de me bagarrer avec toi, je suis prêt à faire des concessions. Surtout que t'as déjà pris tes marques. Ça sent la meuf partout, ici.

— Tu veux dire que tu serais d'accord pour dormir sur le tapis et me prêter ton lit ?

Dans tous les cas, il est hors de question que j'accepte, mais je suis curieuse de savoir jusqu'où il peut pousser les concessions.

La Théorie des Contrastes - Violet & Blake 1 (ÉDITÉ AUX ÉDITIONS ADDICTIVES)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant