De 7h09 à 18h02

18h02

    L'index et le majeur d'Erik s'écartent doucement et la cigarette chute vers le sol, dans une vrille avec triple salto arrière finissant sur le bout rougeoyant, affaissé sur le bitume. Son propriétaire a un vague sursaut puis lance un juron. Qui, mais qui fait tomber sa dose de nicotine par mégarde, avant qu'elle soit finie ? Génial. Il faut dire qu'Erik était préoccupé par Liam. Erik a l'impression d'avoir terrorisé le pauvre adolescent qui semblait mort de honte ce matin. Au moins, il était là, après plusieurs jours d'absence. Et s'il était malade ? Cela expliquerait sa fuite et son air nauséeux. Au moins maintenant, Erik connait son prénom, qui était inscrit sur une étiquette accrochée à son sac. A croire que Liam ne venait pas du XXIème siècle...ou qu'il oubliait souvent son sac-à-dos. Le matin même, Erik avait décidé de s'approcher et de lui adresser un grand sourire. Certes sans réponse, mais au moins le mystérieux jeune homme n'avait pas fui. Ce n'est pas grave. Erik a toutes les matinées de l'année pour faire sa connaissance et il est tout aussi patient qu'intrigué. S'ébrouant, il frotte sa semelle sur le bitume fissuré du quai et fait quelques pas. Il ne prendra pas le train ce soir, il a besoin de se défouler. Erik marche quelques temps dans les rues, la lumière des lampadaires brunissant ses cheveux. Au détour d'une ruelle, il s'amuse à souffler en faisant de la buée comme quand il était gamin. Puis il arrive à destination : une porte entrouverte qui émet de la lumière et des bruits de musique sourds. Il entre, il est dans son élément, à sa place au milieu d'adolescents qui dansent et crient. Il attrape un shot, le vide, en attrape un deuxième et se laisse envahir par l'euphorie de la musique. Erik glisse sur la piste et ondoie au rythme des basses, grisé par l'alcool et la pièce enfumée par des volutes plus ou moins douteuses. Il a obtenu ce qu'il voulait : il a arrêté de penser. Instant présent, rien d'autre.