- Monsieur ?
J'ouvre les yeux tranquillement. Je crois que je me suis assoupi.
- Que faites-vous sur le pas de ma porte ?
- Votre porte ?
- Oui.
- Mais... c'est mon appartement ici.
- Vous devez être... monsieur Bogeria ? J'ai acheté ce logement il y a un mois. Mais, vous êtes sortis de cet hôpital ?
- Disons que je me suis... enfui.
Je vois l'homme commencer à se diriger vers les escaliers à reculons. Il souffle une phrase inaudible puis murmure :
- Je dois y aller...
- Ce n'est pas chez vous.
Alors qu'il se retourne pour partir, je me projette vers lui et le pousse dans les escaliers. Pourquoi ai-je autant de rage en moi ?
J'entends le corps dégringoler. Juste un grand bruit qui résonne à la fin. Pas de plainte. Pas de cri.
Des représailles silencieuses.
Je frappe à la porte de mon appartement. Une jeune fille vient ouvrir. Elle sent bon. Une odeur de mandarine. De soleil. Elle sourit. Pourtant c'est un sourire hypocrite qui trahi la peur.
Je suis donc si horrible que ça ?
- Que puis-je ?
- Rendre mon appartement, ma fille, ma vie.
- De quoi parlez-vous ?
Je rentre dans le spacieux salon. Seuls les meubles ont changés. Elle est obligée de reculer.
- Qui êtes-vous ?
- Quelqu'un à la recherche de sa dignité passée.
- Que faites-vous ? Arrêtez !
Je lui saute tout à coup dessus en la plaquant au sol. Je me mets à lui serrer la gorge avec ma main droite. Elle a à peine quinze ans, la pauvre. Je la vois qui tente d'attraper le vase posé sur la table basse. Je regarde son visage déformé par les larmes. Des faibles gémissements sortent de sa bouche maquillée à outrance. Ses si beaux yeux... Ça pourrait être ma Camille. Si belle, et si rebelle.
Je saisis alors le vase de ma main gauche. Je lâche la gorge de ma victime et tiens mon arme à deux mains. Je la vois me supplier. Je donne un grand coup. Fatal.
Je m'allonge sur elle. Son front tout ensanglanté et ses yeux vides. J'embrasse tendrement son front. Ma tendre petite...
Je remonte sur mon fauteuil et vais me changer avec des vêtements très amples. Je grignote un bout et bois une bouteille entière. Ma gorge se détend enfin.
J'attrape un porte-monnaie plein de belles pièces. Je saisis un gros couteau que je dissimule avant de sortir en refermant soigneusement la porte. Je prends l'ascenseur.
En bas, j'ignore le corps déformé qui se trouve à mes pieds.
Je suis horrible. Je suis fou.
Je suis horriblement fou.
L'ambiance dans le bus est étouffante. Les gens qui s'accrochent aux barres du plafond m'obstruent la vue. Une forte odeur de sueur me pique le nez. Ils sont tous là, à m'ignorer. À ignorer le monstre que je suis devenu.
Le trajet est long. Je suis le dernier à descendre. Je suis maintenant à l'extrémité de la ville, dans les beaux quartiers résidentiels.
Enfin je l'aperçois. La maison de mon frère. Je ne sais pas quel jour on est, mais j'entends les cris des enfants qui jouent dehors. C'est si beau, la naïveté. L'innocence de la jeunesse.
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La petite fille du Passé
General FictionJe roule, vers ma prochaine cible. Pourtant je n'en ai pas d'autre. Je crois que j'ai finis mon oeuvre. Un tableau sanglant. Peut-être est-ce moi la touche finale ?