10 : Une magicienne capricieuse (1)

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10.
Une magicienne capricieuse




Île d'Ééa,

Un an après la fin de la Guerre de Troie,



Mélyne attisait les braises du feu de camp qu'elle avait allumé. Le soleil était encore haut dans le ciel, mais le fond de l'air était frais, et tous les marins seraient heureux de pouvoir se réchauffer auprès des flammes une fois la nuit tombée. Quelques hommes s'affairaient à décharger les vivres et à dresser un campement de fortune sur les bords de la plage. Vingt-deux d'entre eux étaient partis en expédition dans la forêt, pour chercher de quoi manger.

Les flammes rougeoyantes dansaient devant les pupilles semblables au soleil de Mélyne. Les souvenirs de ces derniers jours s'entremêlaient en silence à l'intérieur de son crâne, mais l'amertume qu'elle avait ressenti en voyant à nouveau le palais d'Eole étreignait encore son cœur dans un vacarme assourdissant. Elle en avait énormément voulu à ces hommes pour leur cupidité, et il lui avait fallu plusieurs jours pour digérer leur situation. Elle avait fini par ravaler sa déception d'avoir échoué si près du but, mais un goût amer demeurait sur sa langue.

Elle couva le campement du regard à la recherche d'Azarias, mais elle ne le vit nulle part. Il faisait partit de l'expédition. Elle s'étonna du temps que mettait les marins à revenir. La forêt était dense, mais elle était certaine que des dizaines d'animaux vivaient dans les taillis. Et quand bien même ils n'arriveraient pas à les chasser, une végétation aussi abondante devait regorger de baies comestibles.

Leurs différentes aventures sur les précédentes îles lui avaient appris à se montrer méfiante lorsqu'ils débarquaient en territoire inconnu, et qu'il valait parfois mieux se fier à son instinct. Mélyne fit la moue, consciente que quelque chose clochait. Elle se rapprocha d'Ulysse pour lui proposer de partir à leur recherche.

— Ulysse ! On devrait...

Les yeux du roi d'Ithaque fixèrent soudain quelque chose au-dessus de l'épaule de la jeune femme et elle se tut. Mélyne se retourna prestement pour apercevoir un homme sortir de la forêt en courant. C'était Euryloque, l'un des marin parti en expédition au cœur de l'île.

Le pauvre homme était essoufflé. De la sueur dégoulinait le long de ses tempes et sur sa nuque, son front était luisant sous les rayons du soleil. Ses yeux étaient ronds comme des perles et brillant d'effroi, sa bouche tordue en une grimace effrayé. Mélyne eut l'impression qu'Hadès lui-même était à ses trousses.

— Euryloque ! l'interpella vivement Ulysse avant de courir à sa rencontre, Mélyne sur les talons.

Euryloque était tombé à genoux sur le sable, à bout de souffle, des bulles de bave au coin de la bouche. Mélyne aperçut le soulagement irradier ses prunelles lorsque son roi s'agenouilla pour lui faire face.

— Que s'est-il passé ?

— Dans... la forêt, la sorcière... Euryloque se prit la tête dans ses mains, il semblait au bord des larmes. Elle les a transformé ! Tous. Je suis le seul à avoir pu m'échapper !

Mélyne fronça les sourcils.

— Une sorcière ?

— Elle avait une si belle voix... On... on a pas pu s'empêcher d'aller à sa rencontre...Elle nous a offert un breuvage, mais elle y a sans doute ajouté un poison. Elle a prononcé quelque chose... une incantation... Tous nos camarades se sont transformés en... en...

L'enfant du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant