11 : D'outre-tombe (2)

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11.
D'outre-tombe


Partie 2



Alors les âmes des morts qui n'étaient plus surgirent en nombre de l'Erèbe.

Mélyne eut un mouvement de recul involontaire, mais ce n'est pas après elle que les âmes en avaient. Elles s'étaient jetées sur le sang qui s'échappaient des plaies des bêtes offertes en sacrifices, car le sang était le seul moyen pour une âme défunte de retrouver un semblant d'humanité, l'espace d'un instant. Ulysse s'était dressé en barrage, comme un mur entre le liquide pourpre et cette déferlante de fantômes. C'était à Tirésias que le roi d'Ithaque voulait parler, et il n'y aurait jamais assez de sacrifices pour contenter toutes ses âmes.

Mélyne avait la chair de poule, et elle se serait volontiers sauvée à toutes jambes si ses yeux ne restaient pas braqués vers son chef.

Ulysse brassait de l'air. Epée au poing, il tentait tant bien que ma de repousser les assauts des âmes enragées à la vue du sang. Mélyne déglutit. Se battre contre un fantôme était une chose, en affronter des dizaines d'autres en même temps en était une autre. Ulysse pouvait bien se battre tant qu'il le pouvait, il n'empêcherait pas longtemps les âmes des morts de goûter le sang des bêtes offertes comme sacrifices.

Mélyne inspira profondément. Elle n'allait pas se mettre à trembler de peur alors qu'elle se tenait à distance des défunts. D'autant qu'elle était quand même à moitié déesse ! Si Ulysse, un humain, pouvait se tenir droit face aux âmes des morts, elle aussi.

Elle concentra toute son attention sur ce dernier, et se força à respirer calmement. Elle devait être calme pour que ses pouvoirs se manifeste, ça elle l'avait bien compris. Tout doucement, elle sentit la magie affluer dans ses veines. Des picotements au bout des doigts, un tiraillement au niveau de la nuque et des épaules, puis une douce chaleur dans l'abdomen jusqu'à ce qu'elle sente que la magie parcourait chaque parcelle, chaque cellule de son corps.

Elle visualisa une bulle de lumière autour d'Ulysse. La chaleur, une protection contre le froid lugubre et les ténèbres qui régnaient dans les Enfers. Une protection qui ne se gênerait pas pour renvoyer les âmes des morts au plus profond d'une nuit éternelle dans le royaume d'Hadès. Elle devait repousser toutes les âmes, sauf celle de Tirésias. Elle ne connaissait pas le devin, mais Circé en avait assez parlé pour que la jeune femme soit certaine de reconnaître sa « voix ».

Ainsi, lorsque silhouette blafarde s'approcha, elle la laissa faire. Et à mesure que le sang s'écoulait dans son gosier, l'âme prenait en consistance, mais son regard demeurait hagard et dépourvu de lumière. Mélyne vit Ulysse s'agenouiller, après qu'il ait compris de qui il s'agissait. Elle soupira de soulagement. Mission accomplie, pour l'instant.

— Devin Tirésias, salua le roi d'Ithaque.

Le devin aveugle ne regardait pas en direction du grec, mais Mélyne savait qu'il avait retrouvé une partie de sa conscience, et qu'il écoutait attentivement.

— Une amie m'a juré que vous pourriez m'aider, et me dire comment retourner à Ithaque.

Mélyne grimaça au mot « amie » mais elle se fit, elle aussi, plus attentive.

La voix grave de Tirésias, et éraillée comme si elle avait parlé pendant mille ans s'élevé au milieu des murmures des Enfers.

— Le dieu Poséidon te hait, car tu as aveuglé son fils, le Cyclope.

Mélyne fronça le nez. Elle était certaine que l'arrogance d'Ulysse ne les aiderait pas dans leur quête.

— Si tu restes maître de toi, et de tes Hommes, tu pourras arriver à Ithaque vivant. Alors suis mes instructions : lorsque tu aborderas l'île de Trinacrie, il y aura des animaux. Il ne faut surtout pas les toucher, sinon le dieu du Soleil s'énervera, tuera tous tes compagnons et fera couler ton bateau. Une fois arrivé à Ithaque, ne t'étonne pas, il y aura des personnes, qui pendant ton absence, voulaient prendre la place de Roi, et te prendre Pénélope. Ne les laisse pas faire.

L'enfant du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant