L'enfant du Soleil

12 : Divins monstres

12.
Divins monstres

En mer,

Deux ans et deux mois après la fin de la Guerre de Troie,

Mélyne frissonnait. L'air s'était considérablement rafraichi, et tous savaient ce que ce froid nouveau augurait. Ils n'allaient pas tarder à entrer sur le territoire des sirènes. Mélyne se souvenait parfaitement des paroles qu'avait prononcée la sorcière à ce sujet : « Faites attention, lorsque l'air se fera glacial, vous allez rencontrer des sirènes. Elles tenteront de vous attirer. Vous ne devez pas écouter leur chant, ou vous échouerez contre les rochers. »

Sur le ponts, les marins s'affairaient. Ulysse était occupé à faire fondre de la cire, pour la transformer en bouchon d'oreilles. Mélyne savait très bien qu'il n'avait nullement l'intention de les utiliser sur lui-même. Elle avait appris à connaître le roi d'Ithaque et elle savait que son orgueil et sa curiosité le pousserait toujours à se mettre dans le pétrin, comme lors de leur aventure sur l'île des Cyclopes.

Et l'avenir lui donna raison, car Ulysse ne tarda pas à distribuer les boules de cires, en se gardant bien d'en prendre pour lui-même.

— Prenez ces bouchons de cires, et bouchez-vous les oreilles avec.

— Et toi ? s'exclama l'un des grecs.

— Vous allez m'attacher au mât du bateau, et quoi que je vous ordonne ensuite, vous ne devrez pas me détacher.

Quelques marins protestèrent, mais Ulysse ne céda pas et les pauvres hommes partirent alors à la recherche de cordage assez solides pour maintenir leur roi attaché.

Ulysse se planta ensuite devant Mélyne, et elle ne se gêna pas pour lui adresser un regard réprobateur.

— Tu ne trouves qu'on a déjà pris assez de risques depuis notre départ de Troie ? Que feras-tu si les liens ne sont pas assez serrés et que tu te fais ensorceler par ces monstres ?

Ulysse tapota la tête de la jeune femme, puis lâcha un petit rire.

— J'imagine qu'une demi-déesse se fera un plaisir de me sauver la vie. Encore une fois.

Le secret de Mélyne avait éclaté après leur départ de l'île des Cimmériens, et elle n'avait pas eu d'autre choix que de tout avouer à Ulysse. Le roi d'Ithaque avait difficilement accepté une nouvelle pareille, et durant les quelques jours qui avaient suivi, Mélyne avait craint qu'il ne la dépose sur la première île venue. Mais Ulysse était venu la remercier de lui avoir sauvé la vie, et lui dire en riant qu'il se sentait honoré d'avoir la fille d'un dieu de l'Olympe à son bord — bien que Mélyne avait toujours du mal à se considérer comme telle.

Désormais, Ulysse et Azarias connaissait sa vrai nature, et Mélyne ne s'attendait pas à ce que ce simple fait lui ôte un pareil poids dans son cœur.

Le navire grec fendait les flots glacés. Mélyne avait posé une couverture sur ses épaules, mais elle continuait de grelotter. Au pied du grand mât, les plus forts marins s'étaient rassemblés pour attacher Ulysse, comme celui-ci le leur avait ordonné. Ils firent quatre tour de corde, et serrèrent si fort que la jeune femme crut un instant que le roi d'Ithaque ne parviendrait pas à respirer. Elle frissonna assez violemment, plus vis-à-vis de leur future rencontre avec les sirènes que pour le froid qui l'entourait.

Au loin, par-delà la proue du bateau, elle pouvait voir des pics rocheux se dresser au milieu des flots tumultueux.

Azarias la rejoignit près du bastingage.