Chapitre 12 : L'ignorance est le meilleur des mépris

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Je n'ai pas encore ouvert les yeux que tous les souvenirs de la veille me reviennent en tête. Comment est-ce qu'une journée qui semblait si bien se passer a pu se finir d'une manière si catastrophique. 

Comment est-ce qu'il a pu me planter, sans un regard, sans un mot, sans une excuse ? Il a juste remis son manteau, et il est parti, comme s'il ne s'était rien passé. Comment est-ce qu'on peut être si froid ? 

Je me revois descendre maladroitement de l'étagère, chamboulée par ce qu'il venait de se passer. Enfiler mon sweat échoué par terre. Ramasser les produits qui traînaient partout, pour effacer les preuves et avoir la conscience tranquille. Quitter la sellerie, sans un regard en arrière, comme lui.

J'ai mal, ça me fait mal ce qu'il m'a fait. J'ai toujours eu une peur cruelle de l'abandon. Il incarne ma pire frayeur. Et en moins d'une semaine, je l'ai laissé entrer dans ma vie.

A croire que la dernière fois ne m'a pas suffit. 

Malgré moi, une foule de souvenirs des moments passés avec Alex me remontent en mémoire. Une foule de souvenirs que j'avais réussi à oublier. 

Alex était une personne toxique. Le genre qui vous fait prendre des distances avec ceux que vous aimez pour ne vous avoir rien qu'à lui. C'est ce qu'il s'est produit. J'avais à peine 20 ans, et en quelques mois, il a réussi à me tenir à l'écart de tous mes amis. Je les ai perdus, un par un. Celle qui s'est accrochée le plus longtemps, celle qui savait tout de moi, Kate, a fini par me laisser tomber. 

Je connaissais pourtant Alex depuis ma plus tendre enfance. Quand j'ai commencé à savoir ce que l'amour était, j'ai commencé à savoir qu'il était spécial, autrement qu'un ami. Il était spécial à mes yeux. Je lui vouais une admiration malsaine, le plaçant toujours au-dessus des autres. J'ai toujours été plus naïve quand il s'agissait de lui.

Je secoue la tête. Je ne peux pas me permettre de repenser à Alex, pas après tant d'années sans une seule pensée pour lui.

J'ai la bouche légèrement pâteuse, à cause des quelques verres d'alcool de la veille. Pas assez pour avoir la gueule de bois, comme on dit, mais ce n'est pas pour autant si agréable. Je ne peux m'empêcher de me demander si l'alcool a quelque chose à voir avec ce qu'il s'est passé hier soir. Est-ce que j'aurais été si capable de me laisser aller si je n'avais pas bu ? Sûrement, je n'avais pas bu assez pour que ça me fasse agir n'importe comment. Est-ce que c'était son cas ? Est-ce qu'il a dérapé parce qu'il avait bu ? J'ai du mal à y croire, il a été très proche de moi avant même de boire.

Il faut que je me lève, je ne peux pas ruminer pendant des heures. Ça ne fait pas du bien d'y penser.

Je m'habille rapidement avant de descendre dans la cuisine, la peur au ventre à l'idée de trouver Tom assis au bar. 

Pour mon plus grand soulagement, je n'y trouve que son père. Il me sourit quand j'entre, pendant qu'il fait du café.

"La nuit a été longue ? M'interroge-t-il."

Je fronce les sourcils quant à sa supposition. Je n'ai pas le courage de lui demander s'il fait bien référence à ce à quoi je pense qu'il fait référence. J'attrape une tasse dans un placard, faisant mine de ne pas faire attention à ce qu'il m'a dit.

"On vous a vu partir tôt de la soirée hier."

Je ne peux pas le laisser imaginer que j'ai couché avec son fils. Même si on n'en était pas si loin que ça.

"Un simple problème de filet, parvins-je à articuler avec une voix bien plus rauque que d'habitude."

Je vois à son regard qu'il ne me croit pas. Il est persuadé que nous avons passé la nuit ensemble. Je secoue la tête, essayant de sortir Tom de ma tête, quand j'ouvre la boite à sucre. Je pose ma tasse avec plus de bruit que je ne voulais en faire en voyant le post-it collé sur la face intérieur du couvercle en métal de la boîte à sucre. Je sais très bien que Tom l'a mis là pour que je sois la première à tomber dessus. Son père et lui ne prennent pas de sucre.

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