Chapitre 9 : Hé, vous !

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Kal

Mon mouvement suspendu en l'air, je reviens d'un coup dans le présent et bloque mon regard sur les deux silhouettes qui se tiennent face à moi. Je reconnais rapidement Peter, mais je mets davantage de temps à relier le visage de la fille qui l'accompagne à celui de la brune qui était chez Carolyn ce matin. Elle n'a quasiment plus rien à voir avec celle de mon micro-souvenir. Ses cheveux sont détachés et encadrent en cascade son visage, pourtant tout aussi hagard que celui qu'elle affichait lors de notre première rencontre. La brune déglutit bruyamment, tandis que j'abaisse lentement ma hache.

Je quitte ses yeux écarquillés et découvre qu'elle s'est changée, arborant un style vestimentaire bien plus adapté à ce lieu.

— Tu connais Meghan, je crois ?

Peter interrompt mon indélicate observation avec sa question rhétorique, cherchant certainement à meubler l'instant gênant que je leur impose.

J'affirme en silence d'un furtif hochement de tête et récupère mon tee-shirt que j'enfile aussitôt, cachant ainsi aux yeux inconnus l'histoire que mon corps a à raconter. Conservant mes gants, je ramasse plusieurs bûches, que je place au creux de mes bras, et j'amorce la remontée vers le chalet, exécutant dans le même temps un mouvement de tête pour inviter les visiteurs à me suivre. Je n'ai nul besoin de me détourner pour deviner leurs visages désabusés, leurs souffles libérés à l'unisson parlant déjà pour eux.

Je grimpe à toute vitesse les marches du perron et ouvre la porte à l'aide de mon coude. Je ne sais combien d'heures j'ai pu passer à couper ce fichu bois, mais la température intérieure du chalet se rapproche inconfortablement de celle extérieure. Toujours emmuré dans mon silence, je m'active alors à allumer un feu, certain que les deux intrus l'apprécieront autant que moi et que Oth... Bordel, où est ce chien ?

À peine me posé-je la question qu'un cri strident perce douloureusement mes tympans.

— Merde, ça va ? demande Peter affolé, alors que je me tourne vers lui.

La brune est étalée de tout son long dans l'entrée et agite bras et jambes, tentant de se défaire de l'accueil un peu trop jovial de mon chien. Les traces boueuses, qui se succèdent entre la porte et elle, ne laissent aucun doute quant au bain interdit qu'il s'est encore autorisé dans le lac. Je devine alors sans difficulté que les fringues de la nana en portent elles aussi les stigmates. Comme un imbécile, je ne peux m'empêcher de penser : 1 partout. Réflexion ô combien puérile, mais qui m'arrache néanmoins un fébrile, mais réel, sourire en coin.

— Tout va bien, tente-t-elle de se manifester entre ses éclats de rire. Doucement, dou-ce-ment !

Si elle croit se faire obéir par mon chien...

Comme le connard que je suis, je n'interviens pas et termine tranquillement d'attiser le feu. Après tout, si elle n'est pas capable de se défaire de l'étreinte joueuse d'un cabot, qu'en sera-t-il de celle d'un loup affamé si nous en croisons un ?

— Othello, arrête. Arrête ! essaie également Peter, en vain.

Le labrador continue de sauter sur le corps agité de la brune, laissant sur ses vêtements et son visage des taches de plus en plus nombreuses.

— J'ai dit STOP ! ordonne-t-elle soudainement avec bien plus d'aplomb dans la voix.

Je reporte toute mon attention sur le triste spectacle et n'en crois pas mes yeux.

Othello s'est reculé de sa poupée vivante et s'assied à présent sur son train arrière, les oreilles baissées au plus bas, dans une attitude de soumission totale.

Bad Trip en AlasKaL (Black Ink Editions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant