Bad Trip en AlasKaL (Black Ink Editions)

Chapitre 7 : Génial...

Meghan

OK, d'ordinaire, quand un événement merdique me tombe sur la tête, j'évite de bloquer dessus et de faire du reste de ma journée un enchaînement du genre. Non, je suis plutôt du style « après la pluie vient le beau temps, faut voir le verre à moitié plein, et bla et bla et bla ». Cela dit, malgré ma dose d'optimisme excessive, et en général bienfaitrice, quand ledit événement s'apprête à se répercuter non pas sur un jour, mais sur l'ensemble des trèèèès nombreuses heures qui composent ma semaine à venir, alors là, je dois avouer que j'ai plutôt tendance à me laisser envahir par le côté obscur de la Force et à percevoir ce putain de verre archi vide, voire carrément brisé.

Ce qui cause cette subite envie de me défenestrer du rez-de-chaussée ? Ma merveilleuse rencontre avec le gars qui va me servir de guide durant les prochains jours.

Sérieux, je trime déjà comme une malade pour paraître crédible aux yeux de mes chers collègues et patron, et là, en à peine, quoi ? deux minutes de face à face, le Dothraki m'a semble-t-il déjà jugée. Et nul besoin d'être devin pour affirmer que c'est par la négative. Quand je pense que sur le coup, j'ai perçu son regard comme étant « dubitatif » ... C'te blague ! À mon avis, ce gars n'a guère plus de deux jugements ou expressions dans son cerveau reptilien, et tous sont aussi catégoriques que catégorisés : « Bon à manger » et « Mauvais à manger ». Attention, chacune des deux appréciations pouvant parfaitement s'adapter à différentes tâches du quotidien de l'homme des cavernes, comme se nourrir ou baiser !

Alors partant de ce postulat, je n'ai pas cinquante options qui s'offrent non plus à moi :

1) je fais avec et j'endure comme la femme forte que je suis.

2) je tente de prouver que non, je ne suis pas une emmerdeuse qui ne sait pas ce qu'elle fait et qui va lui pourrir la vie (oui oui, j'ai lu tout ça dans son regard).

3) je rentre chez moi. Option qui entraîne un 4) je suis virée, car une fois de trop, je n'ai pas remporté le « challenge » !!

John junior Osborne a été clair, il faut absolument que je revienne à Juneau avec the destination qui déchire. Celle qui sort des sentiers battus du tourisme, celle qui fera que ce sera la mienne qui sera choisie par mon patron, celle qui me désignera grande gagnante du défi trimestriel. C'est ma dernière chance. Cet arrogant de Greg l'a remporté trois fois avec des circuits paradisiaques d'un banal renversant, Ted une fois avec sa ridicule et hyper cliché : « Découverte de l'Amérique par la route 66 », et une seconde fois avec la tout aussi classique : « Si les glaciers m'étaient contés ». Je ne parle même pas des voyages organisés que toutes les compagnies offrent déjà et qui flinguent l'environnement, comme « Croisière pour rencontrer nos amies les baleines ».

J'ai beau hurler que tout ceci est réducteur et que l'État de l'Alaska a bien plus à offrir aux touristes, mais non, on me ressort toujours la même chose : « Les gens veulent rêver, Meghan, pas se les geler et découvrir comment on chasse et tanne la peau de martre ! » Ah ouais !? Alors pourquoi les étrangers achètent les droits télévisuels de « Seuls face à l'Alaska » ou de « Retour à l'instinct primaire », hein ? Parce que les gens veulent vivre de l'aventure ! Et moi, je sais où et comment leur en donner. Enfin, j'espérais que mon guide m'y aide et me montre des trucs de dingue qui pourraient répondre aux envies des touristes en mal de sensations extrêmes. Si j'ai fait appel à lui, c'est parce qu'il est un des seuls à offrir une excursion brute de décoffrage, avec au programme : marche difficile, chasse, pêche, et découverte de lieux habituellement inaccessibles aux touristes. C'est en tout cas ce que dit le blog touristique de Sitka.

Mais vu comment c'est parti avec lui, je sens que c'est ma peau que ce con va vouloir tanner et faire sécher je ne sais où ! Et je vois déjà le changement de titre sur la brochure : « Bad Trip En AlasKaL ».