Épisode 14

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Dimanche

Allongée contre le module de béton glacée du skate parc, j'observais le ciel gris. Nadine disait que ce genre de température la déprimait; moi j'aimais bien ces journées sans nuage. Tout était monotone, fade et parfois il y avait du brouillard, comme aujourd'hui. Je restais immobile à fixer le vide, ayant l'impression qu'il allait m'engouffrer. Les deux mains dans la poche de mon sweat blanc, je ne ressentais pas le froid, seulement l'étrange sensation que je flottais. J'avais l'impression que je pouvais disparaître si je fermais les yeux.

- Tu crois au paradis? dit le bouclé d'un ton curieux.

Je tournai lentement la tête, il souriait les yeux clos; je me tournai de nouveau afin d'observer le ciel.
Si je croyais au paradis?

- Non et même s'il y en avait un, ce serait d'un ennui pathétique.

- Pourquoi?

Je soupirai.

- Il faut forcément être parfait pour entrer là-dedans. Que des gars en toge blanches qui gambadent sur des nuages avec tout plein de licornes, non, c'est pas trop mon truc. Puis je ne crois pas que j'y serais la bienvenue, répliquai-je indifférente.

Je n'y étais clairement pas la bienvenue. Amélia ne s'était pas présenté à l'école du reste de la semaine. Elle avait dû subir une rhinoplastie à la suite d'une déviation du cartilage. Plusieurs rumeurs circulaient, mais aucune d'entre elles se rapprochaient de la vérité. Certains élèves ont même fait une carte de prompt rétablissement. Je l'ai signée, par simple ironie. De la pure hypocrisie, j'avoue, elle aurait surement fait la même chose si ça aurait été moi à sa place. J'allais brûler en enfer, c'était plus que certain, mais je m'en fichais.

- Ma mère est croyante.

- Ok.

- Je ne lui ai pas parler depuis au moins deux an, il ajouta d'un ton triste.

- Comment ça?

- Parce que je ne suis qu'un pauvre pêcheur! s'exclama le garçon d'un air exagérément dramatique.

Il prit une pause pour fixer l'amas de gris dans le ciel.

- Elle a divorcée avec mon père quand elle a appris que je fumais du pot, enfin, ça c'est ce qu'elle dit, mais je sais que ce n'est pas la vraie raison, reprit-il d'un air plus sérieux.

- Et c'est quoi la vraie raison, selon toi? demandai-je en haussant un sourcil.

Le brunet hésita quelques secondes avant de poursuivre.

- Elle m'a surpris en train de faire une pipe au copain de ma sœur le soir de noël, d'après elle je vais en enfer, ma mère ne voulait pas d'un fils comme moi alors elle a dégagé.

- Les parents c'est à chier, soufflai-je en pensant aux miens.

- Ouais.

Depuis sa rechute, Greg n'a pas cessé de téléphoner à Ann, celle-ci a fini par bloquer son numéro. Hier soir il est venu à la maison, il cognait à la porte comme s'il était pourchassé par une bande de loups affamés. Quand Ann lui a finalement ouvert, il a dit qu'il était vraiment désolé d'avoir agi de cette manière-là et qu'il voulait revenir habiter avec nous. Évidemment elle a dit non et c'est à ce moment que mon père a menacé de se tuer si elle ne voulait plus de lui. Franchement, qu'il le fasse ou non, cela m'aurait été totalement égal.

- Tu penses que j'irai en enfer?

- Pas plus que moi en tout cas, pouffai-je. J'ai déjà fait ma réservation, si tu veux on ira ensemble.

Il se retourna pour me sourire.

- Ouais je crois que je préférais ça.

Je lui retournai son sourire sûrement parce que j'étais stone.

TOXIQUE [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant