II

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  Je touche instinctivement mon pendentif en voyant le monde qui opère ici, à la voie 9 ¾, en attente de pouvoir monter dans le Poudlard Express ou encore, comme Drago et moi, enregistrer les derniers bagages. La gigantesque locomotive, d'un rouge flamboyant, libère des panaches de fumée épaisse dans les airs, s'ajoutant au vacarme qui me perce les tympans. Tout ce bruit, toutes ses voix... et surtout toutes ses pensées. Ce n'est pas une nouveauté pour moi qui suis née legilimence, mais j'ai souvent l'impression que ma tête risque d'exploser par ce trop nombre de paroles silencieuses qui trottent dans la tête des gens.

- Serais-je à la hauteur ?

- Oh non, j'ai encore perdu Trevor !

- J'espère que cette saison sera mieux que l'année dernière.

- Je me demande quel tour on pourra lui faire, à ce vieux Rusard !

- Mais où est ce livre ?

- J'ai vraiment hâte de quitter Poudlard et de pouvoir être Auror !

- J'espère qu'on mange bien là-bas !

   Je grimace en me massant les tempes, essayant de ne plus entendre toutes ces pensées diverses. Que cela cesse, je vous en conjure ! Habituellement, il n'y a que Père, Maman et Drago à la maison. Leurs pensées sont donc limitées. Mais ici, entourée d'autant de monde, je ne peux qu'avoir une migraine atroce...
  Je finis par soupirer et vivement détourner le regard ; je viens de voir des parents faire de multiples embrassades à leurs enfants, certains pleurant de joie, d'autres de tristesse. Ma relation avec les miens de parents est d'autant plus différente que compliquée.

- Tu as bien tout ce qu'il te faut, Mélody ? me demande une voix douce.

  Je sursaute et lève ma tête vers Maman. Les diamants qui pendent à ses oreilles scintillent dès que sa tête se met à bouger – ou à se baisser.

- Oh ! Oui, j'ai vérifié par trois fois, je n'ai rien oublié, réponds-je. Ah si ! Peut-être ma seconde pochette d'instruments de dessin. En y repensant, je n'ai pensé qu'à la première...

- Tu vas à Poudlard pour étudier, non pour t'amuser, dit sèchement Père.

  Je soupire. Mon père a toujours visualisé ce que nous deviendrons plus tard, du début jusqu'à la fin. Que ce soit Drago ou moi, il nous rappelle constamment la même chose : ayez un travail qui fait fortune et qui soit influençable. Le but étant bien évidemment de travailler dans un bureau toute notre vie et diriger les ficelles du ministère de la Magie pour en recevoir un très bon prix.

- Si on ne s'amuse pas, où est l'intérêt ? répliqué-je.

- Ne discute pas, j'attends de ton frère et toi une attitude exemplaire.

- Mais...

- Mélody, cela suffit ! me coupe-t-il de sa voix cinglante, en me jetant un regard semblable à un rayon X. Rends fière notre lignée en étudiant, et en obtenant tes diplômes pour gagner un poste confortable au ministère. Ne te l'ai-je pas déjà dit plusieurs fois ?

- Au moins une fois de plus, dis-je avec sarcasme.

  Il me jette un regard noir et durci, et je baisse les yeux en contractant mes doigts, pour éviter de faire ressurgir ma colère. Encore une fois, il a déjà planifié mon avenir ! Mais contrairement à son idée principale, en entrant à Poudlard, je vais lui briser toutes ses espérances : détester la différence, jouer de malveillance pour jouir de richesse extravagante, avoir un statut élevé... passer mon temps à menacer les plus faibles... Heureusement pour nous deux, nous sommes tellement différents l'un de l'autre que je suis certaine qu'il a déjà compris, par mon fichu caractère, que me façonner à son image est une perte de temps. Et je sais au regard glacial qu'il me lance, qu'il va user de son autorité en tant que membre au Conseil d'Administration pour me surveiller de très près. Mais là hélas, encore une fois, je ne ressens qu'agacement et mépris évidente : si je ne supporte pas avoir quelqu'un sur le dos, ce n'est pas non plus pour suivre bêtement des idéologies grotesques.
  Maman nous regarde à tour de rôle en soupirant avant de me serrer dans ses bras. Elle m'embrasse sur le haut de la tête alors que Père se contente d'être impassible, en ne me jetant qu'un regard qui prouve toute l'amertume qu'il a envers moi. J'en étire un rictus amer à mon tour : il ne changera jamais, et je le détesterais sûrement toute ma vie pour cela.
  N'étant pas tactile, je ne réponds guère à l'étreinte de ma mère qui me relâche quelques secondes plus tard en me souriant pour m'encourager. Je lui rends son sourire, mais le mien n'est pas sincère. Il y a encore cette lueur de rétention qui brille dans le sien depuis l'épisode de l'arc-en-ciel chez Mr Ollivander. Je me tourne vers Père en me déboîtant les cervicales pour le regarder dans les yeux.

Elementum {Tome 1}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant