Chapitre II.

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| Buenos-Aires |

  Le lendemain se fit dur. Le dos en compote, les cernes gonflées. Lorsqu'Edgar se vit dans le miroir de sa chambre, les cheveux emmêlés, ses yeux rouges et fatigués, ses dents et ses poings se serrèrent.

  Il était anormal ici. Il devait partir. Il devait disparaître de ce monde de faussemblence.

  Beau, élégant, prêt à conseiller les nouveaux, prêt à remonter les bretelles mais à expliquer les erreurs ; Edgar était apprécié pour son travail, sa prestance sans pareille, et son sens de l'analyse aiguisé. Tous savait qu'il serait le parfait prochain maître à la tête de cette entreprise. A ces paroles, le jeune adulte soupira, presque tristement, pour les jeunes recrues.

  Une fois installé dans son bureau, le bleu se mit au travail, sans recevoir personne, pas même l'un de ses parents. Il refusait tout contact aujourd'hui. Ses pensées se bousculaient. Devait-il vraiment fuir ? Ou accepter son destin ? Le sien n'était pas si horrible, en soit, mais ce sentiment de solitude, de peine, ne le quittait guère. Il se sentait abandonné au fond d'un puits. Un puit vide, où par moment on lui jetait une eau glacée, puis l'on refermait la plaque au dessus de sa tête, l'empêchant ainsi de voir le soleil, le ciel, au dessus de sa tête. Des chaînes étaient accrochées à ses poignets, et Edgar ne pouvait que regarder l'eau qui le noyait peu à peu monter, risquant de le noyer.

  C'est adossé à la fenêtre, clope au bec, qu'Edgar put enfin souffler. Sans mauvais jeu de mot. Son regard se posait à peu près n'importe où : sur les magasins, les passants, les voitures, les pigeons. Tournant la tête pour regarder son travail, le jeune homme s'apprêtait à jeter son mégot et fermer la fenêtre, avant de s'arrêter dans ses mouvement. Son regard bleu,aussi clair que les reflets dans le glacier, se posèrent sur un petit garçon, ballon au foot, jouant seul devant un magasin, attendant sûrement ses parents.

  Edgar resta longuement ainsi, appuyé contre sa fenêtre, à observer le petit garçon, le regardant progresser dans ses jongles. Il se vit lui même enfant, dans le jardin de ses parents, puis sur le terrain du club où il avait été inscrit. Et enfin lors du mondial, après les qualifications britanniques. Lorsqu'il vit le petit garçon disparaître dans son champs de vision, tenant la main de sa mère, le ballon contre lui, le jeune adulte ferma les yeux.

  Il sentit un maillon de chaîne disparaître. Moins d'eau gelée autour de son corps. En retournant à son bureau, pour la première fois en dix ans, il sentit les rayons de soleil dans son dos.

†††

  Edgar avait l'habitude des aéroports, là n'était pas le problème. Cependant, il les prenait habituellement la journée, sous la lumière du jour. Mais cette nuit, il était là, au beau milieu du grand accueil, un billet dans la main, le regard rivé sur le panneau d'affichage. Sa valise déjà déposée, un sac sur le dos. Il lui restait une heure d'attente, et il disparaîtrait de ce monde de faussemblence. Il quitterait les airs supérieurs, partirait de l'Angleterre. Le jeune homme soupira, et grommela intérieurement en sentant son ventre se faire entendre. Il vit sur le côté une boutique vendant un peu de tout, y comprit des sandwich, ou plats à réchauffer, comme ils possédaient un micro-onde.

  La minute suivante, le bleu était assis à une table écouteurs aux oreilles, ne voulant pas entendre les pleurs de l'enfant pas loin de lui, qui venait de se réveiller. La nourriture n'avait pas spécialement de goût, mais il n'en avait rien à faire. Il regardait les horaires, tapant du pieds. Une fois fini, il se dirigea avec son sac vers la sécurité, pour passer les différents check. Devoir retirer sa ceinture le fit soupirer, mais il ne rechigna pas. Il déposa dans le bac ses boucle d'oreilles qu'il avait depuis ses dix-sept ans, sa montre, traversa la machine dont le nom lui avait échappé, et reprit ses affaires.

ᴛʀᴀsᴛᴏʀɴᴏ ᴅɪsᴏᴄɪᴀᴛɪᴠᴏ || 𝑻𝒉𝒊𝑬𝒅𝒈𝒂 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant