L'Étrange Fou

Chapitre 6

Les trois étudiants en sociologie, amis et frères, rentrèrent chacun à son domicile. La décision devra être unanime cette fois. Il faut que les trois acceptent de faire route avec le vieux, pour que l'aventure tienne toutes ses promesses.

C'est ainsi que chaque jour, les trois amis multiplièrent les échanges sur le sujet. Il fallait accepter de tout abandonner, pour suivre l'homme à la sale barbe. Novignon, qui accordait une très importante place à ses études fit très vite le choix du voyage. Une semaine plus tard, ils se retrouvèrent à l'Université. Cette fois c'était pas pour un cours, mais pour rédiger la fameuse lettre d'adieu.

— Il nous faut une lettre qui rassure, qui reflète notre volonté de désertion. Il faut écarter toutes craintes et surtout ne pas dévoiler les incertitudes, qui actuellement nous anime , conseilla Novignon.

— Oui, mais quels mots choisir ? Demanda Akouété.

— Là n'est pas la question, mais quels mots éviter ? Répliqua Hodo.

— C'est quasiment la même chose, mais je ne vais quand même pas l'écrire pour vous. D'ailleurs, il me souvient que le vieux nous a déjà donné les grandes lignes à explorer. Il s'agit de faire savoir que nous savions ce que vous faisons, là où nous allons. Surtout, il faudrait qu'ils nous espèrent pendant des années. Mais que nous allons leur revenir avec beaucoup plus d'acquis.

C'est au bout de ces échanges qu'ils formulèrent chacun une lettre. Des lettres différentes les unes des autres, mais avec le seul but.  Les mots qu'elles contenaient ne traduisaient pas les pensées de leurs auteurs.

Dans chaque tête, le doute faisait son lit, les cœurs faisaient mine d'y croire, la raison réfutait l'idée malgré elle.  Car la décision était déjà prise par l'envi et le désir de découverte.

C'est ainsi que, lorsque le soleil des loups s'était montré plein ; les trois amis abandonnèrent leur domicile.  Akouété et Hodo avaient envoyé leurs missives à leurs parents par la Poste, et Novignon avait pris le soin de laisser la sienne sur la grande table du Salon.

Lorsqu'ils se retrouvèrent, juste un bonsoir circula de bouche à bouche. La nuit était toute timide, le temps bien calme et dans l'atmosphère montait une douce fraîcheur. Ils marchaient les regards droits devant, les cœurs tranquilles malgré l'incertitude. Ils s'étaient débarrassés de tout, de leurs androïdes surtout. Ils ne portaient pas de sacs, juste des pensées, des idées, des questionnements au plus profond de leurs êtres.
Akouété qui souvent martelait des questions s'était fait inexistant, d'ailleurs quelques part dans sa pensée naissait l'envie d'abandon. S'il était seul, ça ferait très longtemps qu'il aurait rebrousser chemin. Donc il marchait muet, luttant contre ses craintes. Hodo de son côté, s'était permis d'imaginer ce que le voyage leur réservait. C'est ainsi qu'ils arrivèrent sur le lieu du rendez-vous.

Devant eux, se trouvait le vieil homme en pleine méditation. C'était la toute première fois qu'ils le trouvèrent dans cet état. L'homme était bien concentré, assis à même le sol, le regard perdu vers l'ouest, les mains figés sur ses genoux. Sa bouche était immobile, mais c'était clair que son esprit communiait avec une énergie, peut-être divine.

Les trois amis n'osèrent pas le perturber. Et ce fut après de longues minutes d'attentes, que le vieux se manifesta sans toujours ouvrir la bouche. De la main, il leur fit signe de le suivre.
Ils se dirigèrent vers le nord, de quartier en quartier. Ils marchèrent toute la nuit, et lorsque le soleil s'était montré dans le ciel, la ville était déjà derrière eux.
Les pas du vieux les avaient conduits sur des sentiers d'herbes fraîches, peu  fréquentés par les riverains.
Très tôt le matin, quelques femmes les avaient croisés sans se faire des idées. Puisque le vieux était pris pour un charlatan et les trois garçons, de jeunes gens qui venaient pour la consultation, bref c'était coutumier par ici.
C'est donc dans la discrétion qu'ils continuèrent leur chemin sans faire une pause. Difficile de faire une compétition de marche avec un fou 😁.
Même si les ventres bourdonnaient et que les pieds devenaient lourds, nos trois amis n'abandonnèrent point. Ils marchèrent encore et encore. Et lorsque le soleil atteignit le zénith, le monde des hommes était déjà derrière eux. Au loin, naissait une géante forêt, et devant eux le sentier se perdait peu à peu. Ils finirent par être obligés d'écarter les hautes herbes pour se frayer du chemin. Le vieux laissait derrière lui des esquisses qu'ils suivaient.
C'est ainsi qu'ils arrivèrent à la porte de la forêt. Le soleil commençait par s'incliner, et l'ombre de la forêt les engloutit une fois dedans. Les grands arbres sifflaient en chœur une douce mélodie, et le sol couvert de feuilles mortes pleurait à chacun de leurs pas.
Le vieux continuait par avancer encore et encore sans se soucier de ses compagnons. Il était plutôt concentré sur le chemin et l'endroit où il mettait pieds. C'est ainsi qu'ils arrivèrent à une clairière, au milieu de laquelle une géante termitière se dressait.
Le vieil homme suivi par ses amis firent trois fois le tour. Puis le vieux s'arrêta enfin, il tourna son regard face aux trois étudiants, qui s'étonnèrent de l'homme qu'il était devenu, vieux certes, mais la sale barbe scintillait cette fois d'une blancheur extraordinaire.
Le visage de l'homme ne présentait plus de rides, et ses yeux forçait l'admiration.
Enfin il leva l'index vers le ciel puis dit ces mots << La termitière est un lieu d'acquisition de la connaissance. La termitière participe au symbolisme de la terre et celui de la hauteur. de part la terre dont elle est l'émanation naturelle la plus éloquente, elle est le lieu sacré, qui n' appartient qu'a son créateur, espace énergétique de captation des énergies vitales cosmiques que la terre se charge ensuite de distribuer à ceux qui le peuplent. chez mon peuple, il est symbole de la croissance, aussi de bien corporelle que sociale ou spirituelle. Aussi bien pour activer la croissance d'un enfant. Dans la termitière, chaque termite a un rôle à jouer et qu'il joue d'ailleurs bien. C'est cela la vraie solidarité. Alors voilà. Nous utiliseront celle-ci comme porte d'entrée dans mon monde. Je vous assure, que c'est une pratique naturelle, qui ne demande pas autant de carburant comme vos avions. C'est la première connaissance, que je vous donne. Sûrement vous vous demandez comment cela est-il possible, à cette question je répondrai que tout est possible à ceux qui ouvrent l'œil et qui savent priver le corps des plaisirs charnels afin de nourrir l'esprit. Je sais que vous êtes affamés et assoiffés, mais je sais aussi que vos esprits sont légers et capablent de voyager, ce que vous ignorez. >>

Lorsque le vieux finit sa locution, les trois jeunes restèrent toujours silencieux, toujours étonnés devant la métamorphose de l'homme, mais ils manquaient surtout de force pour égorger leur curiosité.

— Si vous n'avez rien à demander, on peut y aller, reprit le vieux.

Les jeunes hommes firent oui de la tête.
Il s'approcha d'eux, prit à tour de rôle leurs mains, qu'il posa sur la termitière. Puis il fit de même avant de se lancer dans des paroles presque incantatoires. << La terre est mère, elle porte toujours ses enfants, du vivant au mort, du méchant au bon. C'est elle qui transforme l'esprit en corps et le corps en esprit. La terre est père, elle donne force et chaleur à tous ceux qui la respectent. La terre est divinité. Je demande alors sa grâce pour réduire nos corps en esprits, pour nous faire traverser la porte invisible. >>
Le vieux répéta ces mots une dizaine de fois, à chaque fois avec plus d'ardeur, jusqu'à cet instant où comme de la poussière, les quatre corps s'évaporèrent dans le vide, emportés par le vent en direction de l'ouest. Cela s'est fait sans cris, sans peur. Les trois amis n'avaient même pas eu le temps de vivre le moment.
C'est ainsi qu'ils quittèrent leur monde pour une aventure pleines de mystères.
Mais quel était le nouveau monde qu'ils pénétraient ? Qu'allaient-ils vraiment apprendre ? Étaient-ils prêts pour affronter les connaissances les plus sublimes ?

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Merci pour la lecture. Je peux avoir vos avis sur l'histoire ?

20/05/2020