— Il n'y a plus rien à faire ?
Jane avait les yeux brouillés par les larmes. Pourquoi lui ? Pourquoi si tôt ? Loukas avait encore tant à vivre... Il n'avait que 16 ans... Toute sa vie il avait été malheureux. Il n'avait jamais connu son père, sa mère l'avait méprisée mésestimé, elle s'était tuée devant ses yeux de petit garçon, il avait été admis dans un orphelinat qu'il n'avait jamais aimé, puis dans une école qui ne lui correspondait pas, aux milieu d'adolescents qui appartenaient tous à un monde différent, il n'avait jamais connu la paix, le véritable amour. Jusqu'à ce qu'il rencontre Jane et sa famille, jusqu'à ce qu'ils allument une bougie dans les ténèbres de ses cauchemars et de ses traumatismes d'enfant. Et maintenant, maintenant, seul Merlin savait pourquoi, mais on avait décidé de lui voler cette seule source de bonheur pour laquelle il s'était battu nuits et jours, seule source de bonheur pour laquelle il avait tenté de résister à ses démons pour ne pas qu'ils l'emportent dans les abysses, seule source de bonheur pour laquelle il avait décidé de se réveiller de ce coma et de souffrir encore un peu si ça valait la peine. Mais il n'y avait désormais plus de source de bonheur. Il allait mourir, trop jeune, à peine heureux, laissant derrière lui une vie qu'il avait rêvé dans ses songes et qu'il allait abandonner parce qu'on ne lui laissait pas le choix. Parce qu'une opération, si banale pourtant, n'avait pas fonctionné sur son cerveau abîmé par les traumatises et les angoisses qu'il avait trop longtemps portés dans son cœur comme de vieux amis qui asphyxiaient son cœur. Parce qu'il avait trop enduré, parce qu'il avait été trop fort, parce qu'il avait espéré un peu trop fort, et que cet espoir l'avait finalement tué. Parce que cette force s'était révélée être une faiblesse, un piège à tout ce qu'il avait un jour désiré du plus profond de son âme. Et on ne le laissait pas le choix. C'était injuste. Comment des enfants pouvaient mourir, comment pouvaient-on les laisser partir, qui avait le droit de leur prendre la vie à peine nés ? Loukas venait à peine de naître : il avait abandonné son ancienne vie pour en commencer une autre qui n'allait même pas aboutir.
— Tout ce que nous pouvons faire pour le moment c'est de garder votre fils à l'hôpital jusqu'à ce qu'il... vous voyez...
Jane leva les yeux. En plus il devait finir ses jours dans un endroit maudit par la mort, rongé par la maladie et usée par le chagrin et la peur ? Elle ne pouvait pas l'accepter. Loukas devait vivre, que ce soit 3 jours ou quelques minutes.
— J'ai besoin de te parler, déclara-t-elle à son père.
Surpris d'abord par son ton bourru, il la suivit dans le couloir. Jane s'adossa au mur, à côté de la porte qu'il avait fermée. Chris avait des yeux fantomatiques, elle y voyait toute la peine et le chagrin qu'il contenait pour ne pas qu'elle s'effondre. Mais comment ne pas s'effondrer ?
— Je veux me barrer. Je veux prendre Loukas, toi, Octela, et s'en aller quelque part.
— Où ça ? Quelque part dans Londres ?
— Non. Ailleurs. Hors de l'Angleterre. Quelque part que Loukas n'a jamais vu.
— Mais on ne peut pas ! Loukas doit rester ici ! C'est la règle !
— Je m'en fous de leurs règles et de leurs protocoles de merde ! Je ne laisserai pas Loukas croupir dans cet endroit. Il a 16 ans, papa, il ne mérite pas ce qu'il lui arrive. Et en plus tu voudrais qu'il attende sagement ?
— Chérie, les médecins savent ce qui est bon pour lui...Jane s'emporta. Ce qui était bon pour lui ? Il était mort, il n'y avait plus rien à faire.
— Ce qui est bon pour lui ? Loukas est mort, il est condamné ! Il n'y a plus de bon ou de mauvais, il y a ce qu'on pourrait faire pour qu'il parte heureux !
Son père ne dit rien. Jane voyait dans ses yeux qu'il était partagé.
— Papa, je sais que toi aussi tu ne veux que ça. Te barrer d'ici, prendre un avion et aller loin.
— C'est vrai, mais que veux-tu que je fasse ? Je ne peux pas aller contre leurs lois.
— Il faut essayer. Je n'abandonnerai pas Loukas !

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Jane Windia et le Prince de Sang Mêlé
FanfictionLe monde de Jane a basculé. Ses premiers années sont désormais si loin, ne restent d'elles qu'un souvenir mélancolique des jours heureux. Au dehors, le ciel s'obscurcit et l'avenir est devenu froid et incertain. Le mal menace de sévir une seconde fo...