CHAPITRE 12 : Le Comte de la Fère

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Forêt Enchantée, Château de Rheintal, il y a bien longtemps, quelques jours après la fin de la Première Guerre des Ogres

Constance sentit son cœur battre de plus belle tandis que le regard vert profond du comte se posait sur elle. Elle attendit qu'il la dénonce, qu'on la jette au cachot ou pire qu'on la condamne à mort pour avoir écouté une conversation privé du roi. Pourtant rien ne vint. Le jeune homme la regarda un moment, puis détourna la tête, comme s'il n'avait rien vu. Le soulagement la gagna. Certainement aurait-elle du partir mais elle était persuadée qu'elle devait écouté la suite, il en valait de la vie d'au moins deux personnes ! C'est pourquoi, elle laissa son œil au niveau de la fente qu'elle avait créée en poussant la porte. Elle ne voyait pas grand-chose mais c'était mieux que rien.

Le Comte de la Fère était un homme séduisant, mystérieux et ayant de la prestance. Ses cheveux brun-roux était coiffé de manière impeccable. Il était entièrement de noir vêtu aux ornements argentés lui donnant un air chic. Cela faisait déjà un bon bout de temps qu'il était dans cette pièce avec le Roi Armand, M. de Treville et la sorcière, dont il ne connaissait toujours pas le nom, que ses chats noirs accompagnaient. Cela faisait également un bon bout de temps que lassé par la conversation, il s'était assis sur l'appui de fenêtre. Peu importait si cela n'était pas très convenable, de toute façon personne n'osait lui dire ce qu'il devait faire. Il avait pris tout le temps de l'interminable discours du roi pour observer la pièce aussi froide qu'Armand lui-même. Le sol était en carreau blanc et noir ressemblant à un plateau d'échiquier. Par ailleurs, des immenses pièces d'échecs y étaient disposés. Lorsque le roi était de bonne humeur, il ordonnait à son pauvre valet de déplacer les pièces pour lui. Les murs étaient d'un blanc éclatant et étaient décorés de trophées de chasse ou tableau de très mauvais goût comme dans les couloirs. Des fauteuils noirs étaient installés autour d'une petite table où était déposé une samovar et des tasses remplies de thé noir. Mais ni les fauteuil, ni le thé ne servit. Les premiers parce que le roi ne s'était pas assis et par conséquent, ses hôtes non plus – bien que le comte avait fait une légère entorse au protocole mais peu lui importait – et le deuxième parce que personne n'y avait touché et le thé était devenu froid. M. De Treville et la sorcière ne l'avait pas fait car le roi n'y avait pas goûté et le comte, lui, soupçonnait qu'une substance peu agréable se trouvait dans le sien. Surtout qu'Armand n'avait cessé de lui accorder la bénédiction de boire son thé sans lui.
Lassé de l'observation de la pièce, il avait regardé les deux chatons couleur corbeau jouer ensemble sous le regard bienveillant de leur mère. Puis, il avait fini par observer les personnes qui étaient avec lui. D'abord le roi, celui-ci était un homme d'une quarantaine d'année aux cheveux bruns et aux yeux verts. Il avait une barbe qu'il ne cessait de toucher lorsqu'il réfléchissait. Armand était un roi futuriste. On ne le savait rien qu'à sa dernière invention, « l'ordre des mousquetaires », une nouvelle génération de garde. Cependant, c'était le pire roi qui puisse exister. Certes, il était intelligent et rusé mais il était avide de pouvoir et d'argent, tout sauf altruiste et ne faisait rien pour son peuple. En résumé, c'était un tyran. C'était d'ailleurs son idée d'envoyer des enfants à la guerre pour battre les ogres.
Le comte posa ensuite son regard sur M. de Tréville, le capitaine des mousquetaires. C'était un homme aux longs cheveux gris. Il était impeccable dans son costume de mousquetaire - de hautes bottes, un chapeau à plume, une chemise et un pantalon ainsi qu'une cape bleue marquée d'une fleur de lys, le symbole du royaume. M. de Tréville était un homme intelligent et juste mais le problème, c'est qu'il accordait bien trop d'importance au protocole. Autrement dit, il servait son roi avec rigueur, même si ça allait à l'encontre de ses principes. Pour finir, le comte posa son regard sur l'inconnue qui se trouvait dans la pièce que le roi avait présenté comme étant une sorcière. C'était la typique image que l'on avait d'une sorcière. Petite, vieille, ridée, il ne manquait qu'une pustule sur le nez et c'était parfait ! Ses trois chats noirs augmentaient un peu plus son image de sorcière.
Le Comte de la Fère n'écoutait pour ainsi dire plus le discours du roi, il était en train de humer la rose rouge qui était accrochée auparavant à son pourpoint noir, quand Armand le sortit de sa rêverie.
« Monsieur le Comte ! Je ne vous ai pas amené ici pour que vous vous tourniez les pouces ! »
Pris en flagrant délit, le jeune homme sursauta et raccrocha aussitôt sa rose.
« Pardonnez-moi Votre Majesté, vous savez à quel point je suis un rêveur ! »
Et c'était le cas, mais il ne peut s'empêcher de se traiter de lèche botte à ces mots. Il détestait le roi et celui-ci le savait très bien.
« Quelle tâche puis-je donc exécuté pour vous ? demanda le comte.
- J'aimerais que vous célébreriez un mariage. »
Le jeune homme haussa les sourcils. Il s'attendait à tout, sauf à cette demande.
« Parce que quelqu'un se marie ?
- Oui, moi. » déclara le roi.
M. de Tréville, la sorcière et le Comte de la Fère furent plus que surpris. Il était vrai que le roi avait besoin d'un héritier, mais il n'avait jamais fait aucune démarche pour épouser une femme de haut rang depuis le décès de son épouse.
« Vous vous mariez Votre Majesté ? s'exclama de Tréville, énonçant l'étonnement de tous. Avec quel pays faites-vous alliance ?
- Aucun. »
Nouvel étonnement de la part de tous. Le comte haussa à nouveau les sourcils. Armand était un roi ambitieux. Il avait toujours cru qu'il ferait un mariage avantageux.
« Alors quelle sera l'heureuse élue ? questionna le jeune homme, bien qu'heureuse soit un euphémisme.
- Ma prisonnière, Constance Bonacieux. »
Les invités restèrent coi. Le comte essayait de se contenir un maximum. Ce qui n'était pas trop difficile pour lui mais la puissance de sa colère était telle qu'il avait du mal à ne pas envoyer balader son roi. Déjà que cette pauvre fille avait été enfermée sans raison, elle allait devoir épouser l'homme le plus égoïste, égocentrique et arrogant qu'il connaisse ! Certaines filles auraient accepté sans hésité - après tout c'était le roi ! -, mais il était persuadé que Constance ne serait pas aussi facile. Après tout, elle avait déjà vingt-huit ans et n'était toujours pas mariée.
Armand se frotta la barbe avec un sourire amusé.
« Je sais ce que vous pensez, ce n'est qu'une meunière. Pourtant, elle est bien plus précieuse que ce que vous pouvez imaginer. Tout d'abord, elle peut filer l'or, ce qui voudrait dire richesse et prospérité pour tout le royaume. Mais le véritable joyaux de cette femme réside dans cette lettre. »
Tel un magicien, le roi sortit une lettre de sa manche. Le nom de Constance Bonacieux y était noté à l'avant. Le roi la retourna. Le jeune comte put remarquer qu'elle était cacheté d'un sceau doré qui lui disait vaguement quelque chose. Il fronça les sourcils lorsqu'ils remarqua qu'il était cassé.
« Sauf votre respect Votre Majesté, vous avez violé la vie privée de cette jeune femme. » déclara le comte, conscient de ne pas avoir jouer la subtilité.
Armand fit un geste désinvolte de la main.
« Je suis la loi, Monsieur le Comte. Je gouverne le peuple, par conséquent, ce qui appartient au peuple m'appartient.
- Je ne...
- Je ne vous demande pas votre avis ! le coupa le roi. Vous n'êtes qu'un jeune comte de vingt-trois ans impertinent, romantique et idéaliste ! »
Le Comte de la Fère s'abstînt de tout commentaire et se contenta de soupirer en croisant les bras. Il savait bien qu'il n'était pas dans les bonnes grâce du roi. Ce dernier ouvrit l'enveloppe et fit passer la lettre à M. de Tréville et à la sorcière. Tous deux semblaient très décontenancés par le contenu. Lorsque le comte voulut l'attraper, Armand la lui arracha des mains.
« Le jour où vous gagnerai ma confiance, vous pourrez lire cette lettre, en attendant, contentez-vous de faire ce que je vous dit ! ordonna-t-il.
- Bien Votre Majesté... » marmonna le jeune homme.
Le roi remit l'enveloppe dans sa manche. Puis, le capitaine des mousquetaires le questionna :
« Que comptez-vous faire Votre Majesté ? »
Le roi passa une main dans sa barbe d'un air grave.
« Vous savez désormais que cette Constance Bonacieux n'est pas aussi inoffensive que l'on ne le croyait. Mais en plus de la menace qu'elle représente pour le royaume, une autre plane depuis un petit temps. »
Armand marqua un temps d'arrêt pour souligner la gravité de ses propos.
« Le Ténébreux. »
Le roi commença à faire des allées et venues.
« Le Ténébreux est une menace pour notre royaume depuis qu'il n'est plus sous mon emprise et qu'il n'est plus Zoso, mais ce Rumplestiltskin ! La fille l'est également ! Il n'y a que deux possibilités, les tuer ou cette alliance !
- Je ne crois pas que cela soit une idée judicieuse ! contesta le comte.
- Restez à votre place Monsieur le Comte ! Vous n'avez pas à contester mes décisions ! cria le roi. Je ne sais même pas pourquoi je vous ai fait venir ! »
Cette déclaration mit un froid dans la conversation. Tout le monde se tut. Depuis un moment déjà le Comte de la Fère avait l'impression d'être observé, c'est pourquoi il profita de cette pause dans la conversation pour jeter un coup d'œil à la porte. Celle-ci était légèrement entrouverte, derrière il ne voyait qu'un œil. Mais il était persuadé que cette œil appartenait à Constance. Le comte n'avait aucune envie de célébrer un mariage sans que la mariée soit consentante. Elle devait savoir toute l'histoire. Elle en avait le droit. Le jeune homme évita de la fixer trop longtemps, afin que personne ne se doute de rien. Il tourna la tête vers le roi.
« En effet, vu nos différents, j'étais un peu surpris que vous m'invitiez. Cependant, je crois qu'il était question d'un mariage. »
Le jeune comte était plutôt surpris de parler ainsi au roi. Il était si diplomatique à l'accoutumée. Mais il commençait à en avoir assez de devoir jouer la comédie.
Armand le fixa d'un regard mauvais, son froncement de sourcils formant un pli sur son front.
« Oui, en effet. Certes, Rumplestiltskin, enfin le Ténébreux, et Constance Bonacieux sont un danger pour le royaume. Mais ils peuvent également être de puissants alliés. Même si elle peut déjà filer l'or, je ne pense pas que Constance sait déjà qui elle est. Si je l'épouse, elle m'apporterait richesse et puissance. »
Le roi esquissa un rictus avant de poursuivre,
« Et puis, il faut avouer que c'est une jeune femme délicieuse. »
Le Comte de la Fère grimaça de dégoût à ces mots.
« Et si elle refuse ? » demanda-t-il.
Le roi éclata de rire.
« Si elle refuse vous dites ? Selon vous, elle pourrait refuser de se marier avec moi ? »
Nouveau rire.
« Je vous croyais plus intelligent que cela, Monsieur le Comte. Ce n'est qu'une meunière, une paysanne. Croyez-vous qu'elle refuserait de vivre dans un palais avec l'homme le plus beau et le plus puissant du monde ? »
Le jeune comte s'empressa d'ajouter mentalement "narcissique" à sa liste de défauts du roi.
« Il est certain qu'elle acceptera.
- Peut-être que vous avez raison... Mais je ne suis pas sûr qu'elle sera amoureuse de vous Votre Majesté, contra le jeune homme.
- Vous semblez avoir du mal à l'admettre Monsieur le Comte, mais toutes les femmes rêvent de vivre avec moi. Mais assez parlé d'elle, concernant le Ténébreux, j'aimerais M. de Tréville que vous envoyez une troupe de vos mousquetaires dont vous serez à la tête pour découvrir un moyen de mettre la main sur la dague du Ténébreux. Notre invitée ici présente, ayant des connaissances en magie, vous accompagnera.
- Bien Votre Majesté, déclarèrent-ils.
- Et moi ? demanda le comte. Vous oubliez que j'ai peut-être une formation d'homme de foi mais je n'ai pour l'instant aucun grade en ce domaine.
- Qu'importe ! Elle ne le sait pas. Et j'aimerais vous rappelez que la seule raison pour laquelle vous n'êtes pas sacerdosest une question d'insubordination. »

Once Upon a Time - Enchanteresse - Tome 1 : Fleur de LysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant