Chroniques des Arches Noires

La citadelle inachevée

Le regard vers le ciel observant le soleil qui commençait sa courbe descendante, Thorace semblait satisfait d'avoir guidé leur groupe à destination dans un délai appréciable. Même aux portes de la citadelle, la lumière du jour rendait toujours difficile la perception des nuances de teintes entre ses murs de pierre et les parois naturelles de la montagne. Les deux portes closes étaient campées à quelques mètres par deux petites tentes de fortunes composées de toiles usées par l'épreuve du temps et soutenues par des branches taillées à même les arbres à proximité. En s'approchant, Gampi remarqua les braises d'un feu qui réchauffaient encore l'air environnant, signe de son utilisation encore récente. Fourniture de base, sac de couchage, cordage et rations, le contenu usuel des abris ne donnaient aucun indice quant à leurs propriétaires.

Rattus vérifia que les portes de la Citadelle de Kairna n'étaient ni verrouillées ni piégées et, après avoir envoyé Herodia vérifier par les fenêtres des étages supérieures s'il y avait le moindre signe d'activité, le groupe prit position, prêt à entrer. Gampi invoqua de nouveau son armure de mage, le tieffelin et la demi-elfe s'installèrent de chaque côté du portail leur arme à la main et Naragon et Haldwin bandèrent leur arc, prêts à tirer au moindre signe d'hostilité. L'ouverture à peine entrebâillée, une voix résonna à l'intérieur des murs :

« Allez ouvrez grand ! Ce sera plus simple pour payer votre dû, cria le leader d'une demi-douzaine de mécréants armés et menaçants. Nous vous laissons le choix... ce sera votre or ou nos chiens !

- Nous ne cherchons pas d'ennuis, rétorqua le barde ouvrant toutes grandes les portes, notre jeune ami Thorace est à la recherche de membres de sa famille qui se sont égarés dans les bois. Peut-être les auriez-vous aperçus ?

- Thorace ? Jamais entendu parler. Nous sommes ici depuis quelques jours et avons pris possession de l'endroit. Votre salut a donc un prix si vous ne voulez pas servir de chair à pâté, lui répondit l'homme au fond de la pièce alors qu'il retenait un imposant mastiff sombre, à la musculature découpée, et prêt à charger.

- À vous de voir ! lança Rattus à qui l'expérience de filou avait enseignée que la négociation n'était qu'un prétexte à un coup fourré dans ce genre de confrontation et qui savait trop bien qu'un bain de sang était inévitable. »

Sans aucune hésitation, porté par la colère de cet affront, le leader lâcha la chaîne et la bête s'élança vers la porte, suivi de peu par un second chien tout aussi enragé. Au même moment, Echo fût atteinte d'un carreau précis qui lui écorcha la main alors qu'Haldwin sentit un projectile effleurer sa hanche avant de percuter le sol un peu plus loin. Gampi, surpris par l'enchaînement rapide de l'offensive de leurs assaillants, n'avait planifié aucune stratégie et se contenta instinctivement de faire appel à son pouvoir d'illusion. Sous l'œil amusé de Naragon qui avait déjà dans sa mire un des brigands du côté opposé de la salle, le magicien matérialisa une superbe pièce de viande au sol à quelques mètres des deux mastiffs. Il espérait ainsi pouvoir dévier leur attention et ainsi permettre à ses compagnons d'organiser la riposte.

La moniale profita en effet du moment d'inattention pour asséner un solide coup de bâton à la première bête qui passa à portée, la projetant lourdement au sol, sans vie, avant de porter un habile coup de pied au museau du second qui dévia l'attaque et riposta en enfonçant ses crocs dans la cheville de la jeune fille. Baldur réagit rapidement et, le tome d'Urdalin à la main, psalmodia quelques lignes dans sa langue natale. Le sort eu pour effet d'entourer Echo d'une vive lumière dorée, lui conférant une protection additionnelle et forçant le recul de la bête qui l'assaillait.

Après une volée de flèches et de carreaux de part et d'autre, Naragon atteint finalement sa cible et la blessure à la hauteur du bassin gicla abondamment. « Je vais vous trucider pour ce que vous avez fait à mon chien ! » hurla le chef du groupe après avoir vu Thorace achever la bête d'un tir précis au-dessus du front. L'homme chargea Rattus avec son épée courte et lui entailla la cuisse. Le barde riposta en tentant d'embrouiller l'esprit du brigand, mais celui-ci était trop enragé pour perdre son focus. Naragon quant à lui continuait de toucher et sa dernière cible s'écroula au sol, le visage semblant passer au travers d'un énorme steak saignant, rendant la scène surréelle, mais particulièrement horrible.