Chapitre 50

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Je retiens ma respiration, attentive à sa réaction. Mais il n'en a aucune. Rien, pas un plissement de front ou un clignement de paupière. Il se contente de me jauger d'un oeil froid.

- Qu'est-ce que j'en sais? finit-il par lâcher.

- Comment ça?

- Je n'ai aucune putain d'idée de qui est ce mec, précise Royce.

Cette réponse n'est pas celle que j'attendais, je m'en rend soudain compte. Une partie de moi, beaucoup trop naïve pour son bien, espérait encore qu'il réponde un non catégorique parce qu'il n'aurait en fait tué personne. J'ai lu que c'était déjà arrivé de nombreuse fois aux Etats Unis: des innocents jetés en prison par erreur. J'aurais aimé que ce soit son cas.

- Mais tu as quand même déjà tué quelqu'un? je ne peux m'empêcher d'insister.

Je ne sais pas quelle expression il lit sur mon visage mais le sien s'assombrit encore plus et il se transforme en statue de marbre.

- Je ne parlerais qu'en présence de mon avocat, raille-t-il jaune.

- Royce...

- Tu avais le droit à une question. C'est terminé.

Sa voix claque sèchement dans le silence et il ne me regarde plus. L'incertitude me ronge, je veux une réponse définitive, je n'en peux plus de ressasser les mêmes interrogations en boucle.

- Tu m'a posé plus d'une question, je souffle.

- T'avais qu'à pas y répondre.

Son ton glacial et son air distant me dissuadent de continuer mon interrogatoire vain.

De nouveau, on n'entend plus que le grésillement de la radio.

Je n'ose plus rien dire et triture nerveusement un de mes bracelets brésiliens. Je n'aurais jamais dû lui poser de pareilles questions. Évidemment qu'il ne va pas y répondre, il me connaît à peine et le moindre de ses aveux à une tiers personne pourrait se retourner contre lui.

C'est pourquoi j'en reste coite quand sa voix traverse de nouveau l'air qui nous sépare.

- Oui, j'ai déjà tué.

J'essaye de contrôler mon expression mais c'est inutile, de toute façon, parce que ses yeux sont braqués sur le mur à côté de moi. Étrange. D'habitude, c'est plutôt mon genre d'éviter les regards. Ses traits sont crispés, dans l'expectative, et les muscles de ses bras et de ses épaules sont figés. Attendez. Est-ce qu'il... s'inquiète de ma réaction? Cette hypothèse me paraît trop absurde pour être considérée : Royce est bien trop indifférent et indépendant pour se soucier de ce qu'une gamine comme moi peut penser de lui. Pourtant, c'est exactement ce à quoi cela ressemble.

- D'accord, je lâche alors, d'une voix douce.

Il tressaille et se tourne vers moi, sourcils froncés.

- D'accord? répète-t-il, incrédule.

Je hausse les épaules.

- Je n'ai pas à te juger, je ne connais même pas les circonstances. Non pas que je pense que quoi que ce soit puisse justifier le meurtre, hin? Mais j'imagine qu'il y a des cas où... Enfin, on a tous fait de mauvaises choses que l'on regrette, je conclues maladroitement.

Il m'observe un instant et sa prochaine réplique me coupe les mots.

- Qu'est-ce qui te fait dire que je regrette?

Je ne trouve rien à répondre et palis même légèrement.

- Qu'est-ce qu'une fille comme toi peut avoir fait de mauvais dans sa petite vie? reprend-il devant mon mutisme.

Rude [Sous contrat d'édition chez HACHETTE ROMANS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant