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Appartement N° 8, Immeuble 1103,
A l'Angle de Hayes Street et Octavia Street-
San Francisco
Le 02 Mai 2019 - 4 h du matin
Combien de temps ai-je passé à fixer ma cafetière ? Franchement, je ne saurais le dire. J'ai les yeux suspendus à la dernière goutte se détache de l'égouttoir. Je l'observe dans sa chute qui suit la trajectoire naturelle que nous dicte la loi de la gravitation. Et elle finit dans un fracas sur le lac à café déjà formé dans le récipient en verre. Accoudée jusqu'au là au plan de travail de ma cuisine, je me redresse mollement, au moment même où subitement la petite machine crachote encore une louche du liquide foncé, qu'elle accompagne d'un son agaçant qui m'irrite les tympans. On dirait que ma machine agonise, et je pense sérieusement qu'il est temps que je m'en offre une nouvelle. Je soupire et je récupère la carafe presque pleine de ma boisson favorite. L'arôme corsé emplit déjà la cuisine et je le soupçonne même s'évader pour conquérir le séjour. La perspective de respirer ce parfum partout dans l'appartement me réjouit pendant que j'emplis mon gigantesque mug de la délicieuse liqueur. Je replace ensuite la carafe à moitié vide au pied de la machine avant d'aller m'affaler sur une chaise, contre la fenêtre.
J'enlace mon trésor parfumé, de mes deux mains, je hume la vapeur qui s'y échappe et je la contemple pendant qu'elle monte plus haut, s'éparpille et disparait. J'aspire encore et cette fois, me délecte de l'effluve enivrante qui s'immisce dans mes narines. Cette pause-café aurait été si parfaite si seulement ma pendule n'affichait pas quatre heures du matin et que je ne viens pas de tomber des nues après le rêve de cette nuit. En des moments comme ceux-ci, je me sens terriblement seule et affreusement mal. Je tente de faire taire ce cri de solitude et prends une petite gorgée de mon mug, tout en veillant à ne pas me bruler les lèvres et la langue. Le liquide chaud se diverse dans ma bouche, taquine mes papilles qu'il stimule sur son passage avant de couler dans ma gorge, la réchauffant et me plonge dans une douce sensation.
En portant la grande tasse à mes lèvres pour m'offrir une deuxième dose, je vois la photo estampillée sur sa surface. Du pouce, je la caresse et mon doigt s'attarde sur la joue de Jo. Je souris de nostalgie, et d'amour. Il y a quelques mois, un dimanche, après avoir passé tout l'après-midi à emballer les affaires de Jo pour son déménagement, nous sommes descendues au café d'en bas pour une pause et c'était là où nous avions fait un selfie. Immédiatement après nous nous sommes rendues chez un imprimeur pour transférer notre photo sur des mugs. Moins d'une heure après nos avions apprécié nos sourires éclatants sur les grandes tasses blanches et depuis et à chaque fois que je me fais un café ou une infusion dans cette tasse, je revois Jo et l'imagine partager ce moment avec moi.
Mon amie me manque. Si elle vivait encore ici, je me serais ruée dans sa chambre la réveiller pour partager ma hantise avec elle. Des fois, je me demande ce que j'aurais pu faire sans elle dans ma vie. Nous avons vécu ensemble durant six ans, depuis la Usa students residences ou nous avions fait connaissance et avions flanchée l'une sur l'autre pour devenir camarades de chambre, jusqu'au jour où ils avaient décidé, elle et son petit ami, de tenter la vie à deux, avant de ne se lancer dans un projet plus sérieux. Je plonge la tête dans mon mug noyant ma solitude dedans pour fuir mes lamentations en me concentrant sur mon café en le savourant.
Fuir. Qui n'a jamais éprouvé l'envie d'une évasion à un moment ou l'autre de sa vie. Prendre congé de son existence, de ses soucis et de ses souffrances. Il s'avère, hélas, que s'éloigner n'est jamais une tâche facile, surtout quand notre propre tortionnaire est ancrée en nous, nos expériences, nos vécus et notre esprit, parfois tordu ; auquel nous souhaitons au moins, imposer silence, pour ne pas ressasser certaines pensées qui n'arrêtent pas de nous harceler. C'est à partir de là que chacun cherche son chemin.
Les moyens ne manquent pas, les uns se droguent, s'enivrent, s'adonnent à toutes activités d'extravagantes à extrémistes pour s'assurer cette escapade. Et le choix détermine la nature et la qualité du trip. Un long, léthargique ou on sombre dans une torpeur extatique amoureuse comme quand on prend de l'ecstasy. Ou un court mais intense, durant lequel on expérimente le semblant d'une jouissance orgasmique dont le plaisir est éphémère; cette sensation fort vient avec des stupéfiants plus chers, comme la cocaïne et l'héroïne. J'en parle, car je connais trop bien ses substances. Non seulement, car durant mes études de biologie, je m'intéressais exceptionnellement aux psychotropes et comment ils altèrent l'activité du cerveau humain et par conséquent son raisonnement. D'ailleurs, j'en ai fait mon sujet de mémoire. Mais aussi, car j'ai moi-même gouté à certains narcotiques, tantôt par curiosité comme toute jeune personne de mon âge en quête de découverte, et tantôt par besoin d'escapade à certaines periode de ma vie. Mais je ne me suis jamais laissée tomber dans le piège de l'addiction. Cela fait trois ans que je n'ai plus touché à un stupéfiant.
Bien évidemment, je me permets de temps à autres une cigarette sans vraiment y prendre plaisir, lors d'une de mes rares sorties en amis. Le vin, je n'en consomme qu'à l'occasion. Avec le métier que je m'apprête à exercer, ma lucidité est mon allié et je ne compte plus la brouiller au risque de mettre en péril des vies. Le seul plaisir qui me prend toujours le cœur et auquel je ne veux y renoncer est celui que me procure une bonne tasse de café. Il est mon addiction, mon péché mignon. Je déclare haut et clair que je suis une addicte aux caféines, aux arômes envoutants qui réjouisse mes narines. Je diversifie les marques, pour gouter à toutes les saveurs, du corsé fort et prononcé au plus léger et en passant par l'âcre au gout fruité. Enfin, si pour les uns, ce n'est que du café, pour moi, c'est un pur régal.
L'idée d'appeler Jo, lui raconter ma mésaventure nocturne, me titille l'esprit, mais je me ravise. De toute les manières, j'aurai toute la journée pour le faire, sans avoir à déranger son sommeil. Primo, elle habite juste à côté de moi à quelque pâté de maison de mon immeuble et secondo, je la verrai à sept heures trente à l'hôpital. Je dépose ma tasse sur la table. Le vide qui la remplit me rappelle celui dans lequel plonge ma petite existence. Viendra-t-il un jour, ou j'aurai quelqu'un qui tiendra à moi ? Je sens mes larmes remplir mes sacs lacrymaux. Je ressens ceux-ci sur le point de craquer comme mon cœur comprimé de chagrin. Ma vision se brouille quand mes yeux se remplissent du liquide salé que dans la seconde qui suit je le sens déferler comme un torrent sur mes joues. Je m'abandonne à cette faiblesse libératrice, je laisse mes larmes couler sans les retenir, pendant quelques secondes, quelques minutes.
J'étais aux derniers hoquets de cette séance de pleur quand une vibration me chatouille le poignet. Il me suffit d'un coup d'oeil larmoyant au bracelet connecté pour que je me fige. A travers mes larmes je vois la notification de l'e-mail que je viens de recevoir. Mon cœur fit un bond, bute dans mon thorax quand je vois le nom de l'émetteur...
*** Premier jet : Réeriture et correction à faire ***
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Le revers du révolver
RomanceZuckerberg San Francisco General Hospital est l'hôpital affilié à l'école de médecine de la prestigieuse université de Californie... Mon école. Cela fait presque trois ans, que je passe la quasi-totalité de mes journées, et parfois même mes nuits, d...