PROLOGUE

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1. Mnémosyne

(Trois ans et demi plus tôt)

Dimanche 08 janvier 2017 - 7 h

J'entends un bruissement confus ou un murmure étouffé, qui petit à petit s'éclaircit.

- Anna, me souffla une voix lointaine.

"Oui" Répondit-je.

La voix insiste. Certainement, aucun phonème n'avait quitté ma gorge et pareillement aucun signe de conscience n'a fait manifestation. Pourtant, je suis là, j'essaie d'émettre un son, d'ébaucher un geste.

-Réveille-toi ma chérie ! S'il te plaît.

Je reconnais cette voix. Elle appartient à JO mon amie et ma colocataire.

Un "Humm" à peine audible franchit mes lèvres, l'a-t-elle entendu ? Ma faiblesse, mon impuissance me rendent dans l'incapacité même de sentir mon corps, ni celle de maîtriser mes membres qui refusent de répondre à mes ordres. Je veux bien bouger et j'essaie de me concentrer pour vaincre mon engourdissement.

Des mains m'ont agrippé les épaules, et me secouent actuellement.

- Aie ! Mon cri plaintif et mon sursaut douloureux suffirent à rebuter mon amie qui estompa immédiatement son geste et écarta ses mains de mon corps.

Après cette première réaction instinctive, j'ai osé remuer mon corps concomitamment avec une tentative d'ouverture des yeux, mais au prix cher d'un deuxième cri lancinant après lequel je me fige renonçant à tout mouvement. Mon endolorissement est atroce et mon remuement n'a fait que l'amplifié. On dirait que tout mon corps est contusionné. Et alors que quelques instants plutôt, je ne ressentais rien comme si tous mes sens étaient paralysés, me voilà consciente de chaque parcelle de mon anatomie et de la douleur qui s'y diffuse. Au moins je suis rassurée de savoir que mon système sensoriel était toujours opérationnel.

Mon apaisement ne dura qu'un bref instant, avant que mes douleurs ne se rappellent à moi aussi tortionnaires que brulantes, au point de souhaiter re-sombrer dans cette zone confortable, où il n'y avait que le vide : mon état léthargique.

Cependant, je n'ai nul endroit ou me clapir avec en sus, ma mémoire qui me revienne en fragment, faisant débarquer avec elle les souvenirs de l'horreur, que j'ai vécu la nuit dernière. Je fonds en pleurs et tout en sanglotant je me mets sur le côté droit et je recorquille.

Un mouvement sur le lit me cahote, et une caresse sur mes cheveux me tranquillise. JO ! Je réalise à ce moment, que j'avais tourné le dos à mon amie. Ce n'était pas mon intention, de l'éviter. Sauf si mon subconscient avait décidé à ma place de me protéger dans ma détresse y compris du regard de mon amie.

- Magdelina, encore la voix de JO. Elle est enrouée.

Sens elle ma douleur ? Sent-elle ma peine ? Voit-elle les dégâts sur mon corps dolent et mon visage déformé ?

Des spasmes de frayeur parcoururent mon corps au souvenir de la gifle qui m'avait assommé, des visages de mes assaillants, de la voix machiavélique de la crapule qui déchirait ma robe. Je me revois impuissante et maintenue de force sur le chaussée fissuré et souillé de cette sombre ruelle délabrée. Écrasée contre le sol jonché d'éclats de verre qui s'incrustaient dans ma peau, la lacéraient...

***

2. L'ange meurtrier

Au milieu de mes lamentations je me ramentevois de lui. Ce souvenir me lénifie. De lui, je ne me rappelle que de sa voix glaciale, son corps colosse et ces yeux uniques qui m'avaient transpercé. Lui, ma providence, mon ange meurtrier. Grace à lui, cette nuit, je me suis contenté de valser avec la mort et j'ai eu l'heur d'y survivre. Inversement de mon ravisseur qui eut droit au revers de la médaille. Que l'image de son corps révolvérisé, transformé en une masse inerte, gisant à moins d'un mètre de moi restera à jamais gravée dans ma mémoire.

Le revers du révolverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant