Mi-mai, une canicule foudroyante sans précédent fatiguait les corps et échauffait les esprits. Une classe de terminale en pleine tension se faisait prendre dans un cercle de révision presque religieux. Trente-six futurs adultes dévorés par l'angoisse de leur avenir reposant faiblement sur un fil d'argent.
Aucun mot, pas un regard levé sur leurs professeurs, des oeillères déposées leur cachaient le reste du monde. Même les personnes censées garantir un avenir radieux à ces bulles solitaires n'existaient plus.
L'adulte de ce cours-ci avait abandonné à les concentrer aux dernières notions qu'il fallait leur transmettre. Photocopier les feuilles et les remettre fut sa seule solution. Assis sur sa chaise, il observait un à un ces visages rougis et déformés, tandis qu'une élève au centre de la pièce se leva en trombe de sa chaise.
« Je sais ! » Hurla-t-elle dans son bond.
Soixante-dix yeux globuleux la fixèrent sans n'y rien comprendre. La jeune fille venait de briser le rituel sectaire et silencieux de toute sa classe. Une goutte de sueur perla sur son front qui luisait déjà. Regardant autour d'elle, son visage se décomposait à mesure qu'elle comprenait sa faute. Ses camarades voulaient lui sauter dessus et l'étriper, pour sûr.
Un sympathique « ta gueule » se propagea du fond de la salle. Penché sur sa table, cheveux ébène cachant son visage, sa voix rauque presque cassée surpris toute l'Assemblée. Muet comme une carpe à l'accoutumée, il fit une exception de fin d'année mémorable. La jeune fille se retourna puis le regarda surprise, baissa les yeux en croisant rapidement les siens, et se rassit dans le silence.
Le professeur ayant assisté à toute la scène et dévoré par la curiosité comme tous les autres élèves, se leva à son tour. Celui-ci posa les mains sur son bureau et regarda les jeunes adultes dans les yeux, un à un, leur demandant sans mot, s'ils étaient eux aussi soucieux du « Je sais » lâché plus tôt par leur camarade.
Un air interrogateur perçait dans le regard de chacun, dérangés dans des révisions devenues vitales. L'adulte contourna son bureau et avança de quelques pas, à la limite des tables du premier rang.
« Céleste... Qu'est-ce que tu sais au juste ? Pouvons-nous être mis dans la confidence ? »
L'Assemblée se retourna vers la jeune fille, surprise par la question, tandis qu'on put entendre le souffle agacé du malpoli au fin fond de la classe. Il releva néanmoins la tête, non sans curiosité.
Après quelques secondes de flottement, Céleste comprit, puis sourit. Elle se leva tout aussi rapidement que précédemment et se jeta au tableau avec une feuille vierge. Elle regarde ses camarades.
« Je me suis dit... »
Son regard s'effaça et se posa sur la feuille qu'elle triturait et tentait de plier.
« Qu'il ne nous restait qu'un petit mois, tous ensemble. »
Regardant la salle entière, elle leur sourit.
« Qu'il fallait qu'on évacue la pression, aussi... Alors... Je vous propose un jeu. Des avions en papier... » Murmura la jeune fille.
Les futurs adultes se regardèrent, curieux, au bord de l'incompréhension. Le solitaire du fond posait les coudes sur sa table, une main recouvrant l'autre fermée en un poing serré, le tout appuyé par son menton. De ses yeux clairs, presque jaunes, il transperçait la courageuse.
« Maintenant que tu nous as déconcentrés, il serait peut-être temps de capituler et de cracher le morceau, tu ne crois pas ? » Voix claire mais rauque, virile et détachée, il semblait plus lassé par la situation que vraiment agacé. Ses mots suffirent à déstabiliser Céleste, qui s'est dandinée. Elle n'osait pas le regarder.
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Paper Planes
Teen FictionUn matin de mai ordinaire, en pleine canicule et révisions pour le bac ; une demoiselle parmis trente-six élèves rompit le silence mortuaire de la salle. En effet, Céleste, aussi bonne élève qu'appréciée dans sa classe, était peinée à l'idée de quit...