9. Boulet - L

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Lysandre, entouré par tous ces amis  à l'hygiène de vie douteuse, les jambes croisées posées sur leur table de fortune, fermait l'œil pour oublier la situation dans laquelle se trouvaient ses proches.

Le jeune homme eut une poussée en avant lorsqu'il sentit un corps humain s'asseoir sur ses jambes. Il ouvrit immédiatement les yeux, regardant la fautive. Maëva, encore elle.

Elle le fixa avec insistance, sourire jusqu'aux oreilles, joues rougies et pupilles dilatées ; elle n'était clairement pas au meilleur de sa forme. La jeune femme s'étala sur lui, posant sa tête sur le haut de son torse. Elle se lovait contre lui.

« Maëva... Allez, lève-toi. »

L'homme prit ses épaules et tenta de la soulever, mais l'état de son boulet l'empêchait de faire quoique ce soit. Elle se contenta de relever la tête, plantant son regard vague dans les yeux perçants de celui qu'elle ne cessait d'embêter.

Lysandre oublia l'idée de s'extirper de la situation, laissant à la demoiselle tout le loisir de profiter de son gentleman. Lorsqu'il remarqua qu'elle lui parlait, il enleva ses écouteurs, et se mit à écouter ses plaintes.

« Tu sais... Lysandre... Je ne veux pas rentrer chez moi ce soir... Mes parents sont toujours aussi horrible avec moi, alors... Alors je ne supporte plus leur haine, je ne supporte plus leur agressivité, je ne supporte plus leur homophobie... C'est presque s'ils ne m'ont pas rayé de leur testament ! »

Maëva se mit à pleurer à chaudes larmes, cachant son visage dans le torse de l'homme qu'elle aimait. Lysandre passa une main dans ses cheveux, peiné de la voir souffrante ; elle qui paraissait toujours si dure et si insensible, les substances illicites la rendaient sensible et à fleur de peau, beaucoup plus à même de craquer et de mettre à jour ses sentiments.

« Et toi aussi, Lysandre, tu me repousses... Comme si... Personne ne m'aimait ! »

Le jeune homme garda le silence, ne sachant pas quoi répondre. Il la regardait tristement, espérant qu'elle sèche ses larmes d'elle-même, avant qu'il ne le fasse.

C'est à cet instant qu'il réalisa qu'il s'était bien enfilé quelques cannettes d'alcool, pour réagir si gentiment envers elle.

Maëva continua de se blottir dans ses bras, inconsciente de cette chance dont elle jouissait alors. Lysandre la laissant contre lui, un sourire doux-amer ne voulant pas quitter son visage. La respiration de la jeune fille s'harmonisa avec celle de son amoureux, qui continuait de brosser ses cheveux avec ses doigts.

Lysandre fermait les yeux, continuant de passer ses mains dans les cheveux de la demoiselle, qui commençait à sombrer dans les songes. Sa respiration, plus lente, fut une indication pour Lysandre, qui, après mûre réflexion, décida de se livrer.

« Tu sais, Maëva, à l'époque, je tenais vraiment à toi. Je tiens toujours à toi, d'ailleurs, mais je ne peux pas répondre à tes attentes ; je préférerais tout simplement qu'on en arrête là, ce serait plus simple pour nous deux. Je ne te repousse pas par plaisir, mais seulement parce que la fille que tu es devenue m'insupporte au plus au point, je déteste cette fille-là, plus mielleuse que n'importe quelle autre, experte dans le forcing également... Cette fille est détestable, mais tu n'es pas cette fille. Enfin, j'espère... »

Murmurant à peine ces mots qu'il n'aurait jamais pu sortir sans un coup de main de l'alcool ; il balança sa tête en arrière, exténué. Maëva, toucha son cou, le faisant sursauter immédiatement. Il fixa la jeune fille, surpris. Sans dire mot, elle glissa sur son corps pour se rapprocher de son visage. Se regardant tous deux dans le blanc des yeux, elle approcha encore plus son visage du sien pour l'embrasser.

Lysandre comprit, et tourna la tête pour éviter la jeune femme.

« Écoute, Maëva, tu m'as bien entendue, je t'apprécie, mais ça n'ira jamais plus loin entre nous. Alors arrête tout ça. »

Logan, l'un de ses meilleurs amis, qui venait d'émerger de son bad trip, regarda les deux jeunes gens, l'une couchée sur l'autre, et afficha un grand sourire.

« Baaaaaaaah tu voieuuuh Maëvaaaaa... Je t'avais dieuuuuh que Lysaaaaandreuh était plus sensibleuh ces derniers jouuuurs... Tu as bien finiiiiii à tes fiiiiins... »

Logan, après avoir dit quelques mots avec grand-peine, s'écroula à nouveau sur le sol, totalement défoncé à la drogue et l'alcool. Lysandre, quant à lui, ouvrit les yeux en grand, comprenant une partie des récents événements. Avec force, il attrapa les épaules de Maëva et s'extirpa. Tandis que la jeune femme tendait un bras vers lui pour le retenir, il la toisa de haut et s'en alla.

Sur le chemin du retour, il en profita pour sortir son téléphone, checker l'heure et remettre ses écouteurs. Il était déjà deux heures du matin passées. Soufflant, il continua son chemin, qui durait un bon quart d'heure, avant qu'il ne puisse profiter de la chaleur de sa maison.

Le garçon sortit un éthylotest pour mesurer son taux d'alcoolémie.

« Merde, j'ai vraiment forcé ce soir... »

Lysandre n'était pas bourré, il avait les idées claires quoiqu'un peu plus humain qu'en temps normal, le seul problème était son haleine qui sentait forcément la boisson. Mais celui-ci avait prévu le coup, il sortit un chewing-gum à la menthe forte, qu'il mâcha sans retenue.

Les poings serrés, le jeune homme maudit l'alcool qui l'avait rendu si crédule, si gentil, si... Faible ? Ses doigts étaient tant contractés que ses ongles sont rentrés dans sa peau,y laissant des croissant écarlates et le faisant saigner.

Tandis que quelques gouttes du liquide rouge perlaient de la paume de ses mains, il releva celle-ci et constata le carnage.

« Et merde ! » Rala-t-il.

Le jeune homme, énervé, donna un coup sec avec son poing dans le mur près de lui. Si fort, que ses phalanges se sont immédiatement mises à lui faire mal, commençant elles aussi à saigner.

Se tournant complètement vers le mur, il posa le poing sur celui-ci, reposant également sa tête. Regardant le sol, seules des injures lui venaient en tête. Fermant les yeux, soufflant, il martela le mur une nouvelle fois d'une attaque de poing. Il recommença de nombreuses fois, toujours en criant sa douleur et sa haine qui s'étaient entremêlée.

La peau de ses mains avait fini par être arrachée, les mettant ainsi à nu, accélérant et décuplant les saignements, qui coulaient le long de ses bras lorsqu'il prit son téléphone.

En effet, celui-ci vibrait, le chef de famille l'appelait.

Le jeune homme essuya les larmes silencieuses qui transcendaient son visage, râla quand il se rendit compte qu'il venait de mettre du sang sur son visage. Soufflant, il décrocha le plus vite possible l'appel qu'il recevait.

« T'es où ? Lysandre perçut une voix glaciale.

-Je rentre.
-T'as intérêt oui. T'as vu l'heure ?
-Désolé, j'ai eu des contre-temps.
-Bah oui, c'est ça. Et mon licenciement, c'est un contre-temps aussi !? Hurla-t-il. Un silence. Puis des pleurs.
-Papa ?
-Mon patron a remarqué que j'étais alcoolisé... Tu avais raison... J'ai été licencié...
-Calme-toi. Maman doit dormir, j'imagine, il ne faut pas la réveiller.
-Non, ta mère ne dort pas. Quand elle a su ça, elle est rentrée dans une colère noire... Et a oublié qu'elle avait perdu l'usage de ses jambes...
-Elle a essayé de se lever ? Pourtant, elle ne voit presque rien.
-Oui. Elle est tombée avant que je ne puisse la rattraper.
-Il ne lui est rien arrivé ?
-Non, elle est secouée... Je suis un bien piètre mari, encore moins un père !
-... »

Lysandre se tut, remarquant que son père avait stoppé la conversation. Les bras et les mains désormais couverts de sang, le jeune homme bifurqua dans la première ruelle sombre qu'il vit. S'accroupissant près de l'entrée de celle-ci, laissant pendre ses bras, il écoutait les sons produits par les gouttes de sangs touchant le sol.

Le jeune homme posa sa tête sur ses genoux, réfléchissant à cette époque aussi courte qu'heureuse.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 24, 2020 ⏰

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