6. Distances - Céleste

5 2 3
                                    

Le lendemain, Céleste fut réveillée par les vibrations incessantes de son téléphone. Elle grommela et tendit la main pour attraper la cause de son réveil, une fois atteint elle ouvrit difficilement les yeux et tomba directement sur un appel de Thomas. Avec un soupir, elle décrocha.


-Qu'est-ce que tu veux ? Sa voix n'était pas très mélodieuse, et montrait bien qu'elle venait juste d'ouvrir les yeux et que sa nuit fut longue.

-Hum... T'es où ? Ça fait environ 1 heure que je t'appelle... T'as loupé l'histoire-géo.

Elle se tut quelques secondes, comme choquée, se redressa violemment, avant de se lever en s'observant dans le miroir. Bien sûr, il fallait qu'elle s'endorme sans même se changer.

-Je te raconte tout à l'heure.

Elle raccrocha et se dépêcha de se préparer, sans prendre la peine d'avaler quelque chose, puis coiffa ses cheveux à l'aide de ses doigts. Céleste soupira en se rappelant avoir posé son téléphone sans mettre de réveil.
Arrivant à l'école pile pour le cours de Monsieur Batal, elle attendit dans le couloir, Thomas arrivant presque au même moment la questionna, mais elle n'arrivait pas à s'exprimer correctement.

-Plus tard s'il te plaît. Dit-elle avec un sourire forcé.

Son ami comprit qu'il ne fallait pas insister, et tous deux entrèrent dans la salle. Après un bonjour du professeur, les avions commencèrent à fleurir de partout, il fallut trois avions pour que Céleste daigne en ouvrir un seul. Thomas caressa ses cheveux pendant quelques secondes et repartit à ses occupations. Elle ouvrit le premier. Un message qu'elle n'attendait pas, un simple mot de remerciement qui la fit légèrement sourire, mais qui n'effaça pas sa douleur.

"Bonjour, cela fait 10 fois que j'écris cette chose, je ne sais toujours pas s'il aura un impact sur une amitié quelconque. Enfin bon. Merci Céleste d'avoir eu cette idée, même en travaillant toute la journée, je sais que pendant un instant, je m'amuserais."

Elle n'essayait pas d'ouvrir le deuxième que son cœur se serra, un nouvel avion venait d'atterrir, et l'on voyait bien la rose dépasser sur l'une de ses ailes. Elle prit une grande inspiration et le déplia.

« Ma belle-dame, vous êtes-vous lassée de moi, pour que votre présence dans mon existence ne soit qu'un triste mirage ?
L'homme idiot que je suis se confond en excuses d'avoir bafoué notre accord, jamais je n'aurais dû vous paraître insistant... Mais votre présence m'est bien trop chère, trop précieuse, trop plaisante, que je ne puis rester loin de votre beauté sans noms. »

Elle soupira, se demandant encore s'il ne se moquait pas d'elle, ou si c'était un autre qui parlait. Le doute commençait à peser encore plus qu'avant.
Elle ouvrit l'un des trois derniers, n'importe lequel, juste pour se changer les idées. C'était le signe de Thomas, une tête de chat, elle le savait, car son ami lui avait dit.

« Coucou princesse, je ne sais pas ce qui s'est passé avec l'autre, mais s'il te plaît souris ! Je n'aime pas te voir comme ça, on en parle à la pause ! »

Il avait même dessiné un petit smiley que Céleste avait l'habitude d'utiliser. Elle sourit et prit une feuille de brouillon, qu'importe à qui cela arriverait, elle voulait écrire.

« Bonjour inconnu, j'espère que ça va. Je ne sais pas exactement pourquoi j'écris ça, ni même pourquoi j'écris tout simplement, parce que Céleste l'a demandé ? J'imagine. Même si certains sont contre l'idée, je lui trouve un côté drôle, qui sait à qui je me confie là ? Je pense par contre qu'elle va se faire prendre à son propre jeu... À quels mots pourrait-elle s'attacher ? Enfin... Inconnu, prends garde, ici ce n'est qu'un univers où l'on peut facilement mentir. »

Elle ferma l'avion, et soupira, c'était ce qu'elle pensait maintenant, elle s'était fait avoir à son propre jeu. Céleste ferma les yeux pour l'envoyer à l'aveuglette totale puis se rassit, décidant de ne plus envoyer d'avions pour le moment, elle s'amusa à regarder les personnes lancer le leur, et voir d'autres personnes au hasard les ramasser. Elle s'imagina ce que Sarah avait pu envoyer, et ce que Judicaëlle qui a attrapé son avion, lui a répondu.
Cela la soulageait, mais ce qui la calmait encore plus, était le sourire de certain.
Elle se perdit à observer sa classe, fière d'elle, comme si la nuit d'avant était inexistante. Mais d'un coup d'œil mal placé, son cœur se brisa de nouveau, Lysandre était là, non loin, et il avait envoyé un avion comme si on lui avait pris le poignet pour le faire à sa place.
Celui-ci venait de croiser les bras, et s'appuyait sur le dossier de sa chaise, pendant un instant, son regard vint croiser celui de la jeune fille. Cette dernière crue sentir son cœur s'arrêter.
Détruite par les mots qu'il eût employé la veille, croiser son regard émeraude fit ressurgir en elle son message de la nuit dernière. Perdue dans son propre esprit, elle se figea, le fixant toujours, des larmes apparaissant à la naissance de ses yeux. C'est là que, le garçon, pour dégager sa longue chevelure de son visage, croisa encore le regard de la pauvre jeune fille. Sans lui témoigner aucune haine ni animosité, sans la fusiller du regard ou le détourner avec agacement, il sembla touché par son regard meurtri, absent, vide. Il venait de baisser sa garde. Peut-être se rendait-il compte de la puissance de ses mots ?
Ainsi bloquée, Céleste ne fit pas attention au comportement différent de son bourreau, mais ne put négliger l'inquiétude de Thomas, qui s'était rué vers elle, passant sa main dans son dos pour la rassurer, tout en l'invitant à laisser aller sa tête sur le torse du garçon. Sans un regard vers Lysandre, il avait déjà compris les grandes lignes des événements.
Reprenant un peu ses esprits, elle repoussa Thomas, et le regarda, toujours le regard absent, dénué de toute lueur, de flamme qui rendait ses yeux si beaux, si pétillants.

« Thomas, on est en classe, tout le monde nous regarde, tu ne veux pas garder une tenue correcte ? Tu nous fais honte... »

Ses derniers mots prononcés dans un murmure, sans même regarder son ami dans les yeux, le perturbèrent plus que de raison ; jamais elle n'avait réagi ou parlé comme ça depuis qu'ils se connaissaient. Thomas acquiesça, capitula, et alla se rasseoir à sa place ; tandis que plus personne ne souriait, plus personne ne gloussait de joie en ouvrant leurs messages, toute l'attention était portée à l'instigatrice de tout ça.
Thomas osa un regard en coin en destination de Lysandre, qui lui rendit son regard, comme s'il avait su. Le malpoli du fond hocha faiblement la tête, validant la théorie silencieuse du meilleur ami de la victime.
Lorsque la sonnerie retentit, les proches de la jeune fille se massèrent tout autour d'elle, empêchant Lysandre de voir quoique ce soit, lorsqu'il passa devant eux. Arborant son plus beau, son plus fier, son plus heureux sourire, Céleste évita son troupeau et ses questions pour aller au prochain cours. Mais, comme toute-bonne bergère, son troupeau la suit comme une ombre.
Parfois souriante, parfois hautaine, ses amis avaient perdu le fil de ses humeurs et émotions, jamais elle n'avait été aussi instable, ni même agressive. Ils essayaient au maximum de passer outre ces comportements différents, pensant à juste titre que tout se remettrait en ordre dès le lendemain.
L'après-midi, Céleste le passa seule, avec quelques-uns de ses amis les plus proches. Elle ne parlait que très peu et les autres essayaient de ne pas trop la déranger en rigolant entre eux, sans trop l'exclure. Dans les cours, elle s'étalait de tout son long sur la table, attendant que le temps passe. Le soir venu, elle fut raccompagnée par Thomas, lui expliquant sur le chemin du retour tous les tenants et aboutissants de cette histoire.

Thomas s'était montré méchant et avait insulté Lysandre.

-Donc il te donne des espoirs et t'envoie des messages aussi durs ? Mais vraiment, il mérite une bonne paire de claques !

Elle se surprit à rire et avait accepté les câlins de Thomas une fois seule avec lui. Elle ne trouvait pas la force de pleurer d'avantages ayant déjà versé toutes ses larmes la nuit d'avant, alors, elle parlait juste, le cœur battant.

-Oui, mais je viens à me demander si ce ne serait pas quelqu'un d'autre du coup... Pourquoi aurait-il fait ça sinon ?

-Oui, ça n'a plus vraiment de sens ! Quoique, avec lui, ce n'est pas surprenant ! Attendons d'en savoir plus, et s'il te plaît, ne lui envoie plus de messages ni d'avion.

Elle capitula, même si l'idée de ne plus lire ses romantiques mots ne lui plaisait pas. Rentrée chez elle, Céleste salua ses parents, les prévenant qu'elle a passé une journée très difficile, et que, de ce fait, elle ne mangerait pas ce soir-là. Confinée dans sa chambre, elle défit ses affaires, puis sort les avions qu'elle avait reçu.

Celle à la marque du cœur, lui dit :

« Moi, aime le sport, la littérature, mais pas la philosophie ! Moi déteste ça ! Pourtant, toi a donné envie à moi de creuser cette matière fascinante. »

Elle sourit, elle aurait aimé savoir qui était ce "moi" juste pour lui apprendre la philosophie. Mais l'idée de poursuivre cette discussion en anonyme ne lui plaisait plus. Elle se promit de répondre les jours qui suivent, même si ça n'allait pas fort.

Puis, elle saisit le dièse qui de son côté avait écrit :

« Je sais qui tu es, mademoiselle, alors agissons tel que Céleste aimerait qu'on le fasse. »

Elle frotta sa nuque, en pleine réflexion. Elle avait l'inspiration pour répondre maintenant, alors elle prit une feuille et écrit en son centre :

« Je ne sais pas qui tu es, ni si tu es de mon côté cher.e dièse. Mais Céleste voudrait qu'on créé des liens par la suite, qu'on se connaisse d'avantages et qu'on se lie d'amitié, vraiment. Si c'est de ça dont tu parles, continuons de parler. »

Elle le ferma et le glissa dans son agenda. Puis s'enfuie dans ses draps pour tomber dans un sommeil profond. 

Paper PlanesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant