5-Sir Avalon (partie 2)

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Bloom prit la robe qu'elle lui tendait, et fila dans la penderie. Alors qu'elle finissait de l'enfiler, elle entendit des coups contre la porte de la chambre. Elle jeta un oeil dans le miroir, pour vérifier que tout était en ordre. Son reflet lui renvoya l'image d'une jeune femme fatiguée. Mais elle n'avait ni le temps, ni l'envie de s'y attarder. Le rouge de la robe s'associait à ses longues boucles rousses, légèrement emmêlées après la journée dans la forêt. Heureusement, son maquillage tenait encore.

Deuxième coup contre la porte.

Elle empoigna une brosse sur l'une des étagères, et passa un rapide coup dans ses cheveux, afin de leur donner un air plus soigné. Satisfaite, elle rejoignit en hâte la dame aux cheveux d'argent. Cette dernière la pressa pour qu'elle se place à son côté, puis ouvrit la porte, dévoilant un homme de grande taille, à l'aspect digne et charmeur.

Son visage droit, ses traits délicats, renforçaient ces attraits. Ses yeux bleus, rehaussés de sourcils fins, étincelaient de malice. Ses cheveux noirs étaient plaqués en arrière et ressortaient dans son dos en une longue tresse. Il portait un costume blanc, ouvragé d'or. Un rubis pendait de son cou, scintillant d'une lueur rouge. Il prit la parole, de la même voix que Bloom lui avait entendue dans le couloir près de sa chambre, mais d'un ton totalement différent, calme et doucereux.

« Dame Hortense !

- Sir Avalon ! »

Ils s'inclinèrent tous deux en une révérence, marquant leur appartenance à la noblesse.

La vieille dame avait répondu d'une voix neutre, sans émotions, cachant au plus profond d'elle-même tout le dégoût qu'il lui inspirait sous ses allures nobles. L'homme ne paraissait pas attendre de réponse, et porta toute son attention sur la rousse, qu'il dévisagea avidement, d'une façon presque gênante. Elle s'inclina, puis se redressa. Malgré le regard scrutateur qu'il lui accordait, elle ne s'y déroba pas pour autant, continuant de le fixer dans une attitude de défi, et fit de son mieux pour ne pas laisser paraître ses émotions, celles-ci menaçant de ressurgir à chaque seconde d'inattention.

« Vous êtes là, Princesse, c'est parfait. Cela m'enchante de vous voir, votre père vous attends impatiemment. »

Il afficha un sourire mesquin, nullement contenu, savourant sans même chercher à le cacher l'effet d'effroi qu'il leur infligeait. Elle remarqua que deux gardes l'accompagnaient. Les boutons de leur livrée étaient en bronze ; ils étaient donc de simples soldats.

Ces boutons représentaient un ordre bien défini. Ceux de Lord Bartelby et de ses généraux étaient en or, ceux des gardes les plus méritants, appelés aussi la Garde Blanche étaient en argent, et les autres, en bronze. La Garde Blanche ne contenait que l'élite, ceux en qui Lord Bartelby avait toute confiance. Bloom pouvait donc avoir confiance en eux elle aussi, comme à celui qui surveillait à ce moment l'entrée de la Garde. Mais elle devait se méfier de tous les autres, les soldats de bronze compris.

Elle ne fut donc pas davantage tranquille quand elle les vit apparaître, encadrant Sir Avalon comme un escadron de mouches. Mais elle garda le visage fermé, se gardant bien de faire savoir sa peur à cet homme qui se délectait de chacune de ses faiblesses.

« Je suis navrée, ma Dame, mais je vais être obligé de vous dérober votre petite-fille. Elle est attendue dans la Salle du Trône. »

Il n'avait absolument rien de désolé. Au contraire, il jubilait. À croire qu'il n'y avait rien de plus agréable au monde pour lui que leur planter son cynisme à la figure. Elle allait devoir le suivre, elle le savait. Malgré sa répugnance à l'idée de se retrouver en sa compagnie, elle n'avait pas le choix. Elle ravala sa fierté et lança sa phrase avec un sourire faussement joyeux.

La Princesse Maudite [Histoire Arrêtée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant