Chapitre 9: Camille

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La grotte où j'avançais était sombre, mais pourtant je n'avais pas eu peur, comme à chaque fois que j'étais dans le noir, j'ai avancé, suivant la silhouette que j'avais vu partir dans le trou. Je m'étais réveillée et l'avais vu, il faisait des gestes bizarres au-dessus du trou puis est entré, alors je me suis levée discrètement pour le suivre et me voilà ici. Il me semblait que je suivais Timéo mais je n'étais pas sûre, un énorme bruit qui avait fait trembler toute la grotte avait retenti. La grotte était redevenue calme maintenant, je continuais d'avancer. Je ne comprenais pas trop, les autres avaient parlé d'un lagon là où il y avait le trou, je n'ai rien dit, c'est à ce moment que j'ai eu peur, la première fois depuis l'explosion de l'orphelinat. Ça recommençait comme avant, je voyais des choses que les autres ne voyaient pas. J'avais vu dès la hauteur qu'il y avait un trou mais je ne voulais pas que l'on recommence comme à l'école, où l'on me frappait et on me... bref je n'ai rien dit, je les ai écoutés parler d'un lagon. Mais en voyant Timéo aller dans le trou je me suis dit que lui aussi voyait le trou mais il disait aussi qu'il y avait un lagon alors je ne comprenais pas, je ne savais pas ce qu'il se passait, pourquoi les autres voyaient un lagon et nous deux pouvions voir le trou.

A l'orphelinat déjà, alors que tout le monde aimait Elisabeth et jouait avec elle, j'en avais peur, je ne voyais qu'un immense sourire de dégoût et de cruauté sur son visage quand elle nous voyait, je l'avais dit aux autres mais ils m'avaient affirmé que j'étais folle, qu'Elisabeth était la plus gentille des femmes et qu'elle ne faisait que nous sourire tendrement. Depuis ce moment, je suis restée à l'écart des autres, je ne voulais pas que ça recommence, alors je suis restée loin d'eux. Le temps est passé, ils ont oublié mais je suis toujours seule, je ne sais pas pourquoi Eléonore a voulu que je vienne avec eux, elle était gentille, je me suis laissée convaincre et elle a continué à me protéger quand il y a eu l'explosion, j'étais prête à mourir et elle m'a aidée, alors je resterai avec elle. Mais je voulais absolument savoir pour Timéo et moi, alors je devais continuer dans cette grotte et le trouver.

J'arrivais enfin à une sorte d'immense salle avec un pupitre et derrière une immense salle éclairée d'une lumière bleue. Timéo était là, devant un immense obélisque couleur nuit, il lisait une lettre, je m'approchais doucement, il semblait perplexe. Ce garçon m'avait marquée dès son arrivée à l'orphelinat, avec son attitude perdue, déprimée, une attitude si familière... Il avait pourtant réussi à vite se ressaisir et s'était mis en quête de chercher son héritage. Je pouvais voir qu'il était quelqu'un d'important, il dégageait une sorte d'aura, je ne saurais la décrire mais j'ai commencé à la sentir dès qu'il est revenu de chez le notaire et là alors qu'il rangeait la lettre cette aura venait d'être encore plus forte. Alors je m'approchais de lui doucement pour ne pas lui faire peur.

Mais c'est lui qui se retourna brusquement, son expression passa d'une colère intérieure à un air plus rassuré en me voyant.

- Qu'est ce... Qu'est-ce que tu fais là ?

Il était méfiant, je le voyais à sa tête.

- Toi aussi tu voyais le trou ?

Il fut surpris par ma question, il réfléchit quelque seconde puis me répondit :

- Comment ça le voir, il y avait le lagon au-dessus, j'ai traversé ce qu'y est censé être un lagon, enfin tu as dû le sentir en passant et puis voilà.

Je ne comprenais pas, je me serais trompée, il voyait le lagon et avait juste trouvé la grotte en cherchant ? Mais alors pourquoi je ne voyais pas le lagon s'il était réel ? Il s'approcha de moi et mit sa main sur mon épaule.

- Tu vas bien ?

Son attitude avait changé depuis l'orphelinat, il posait maintenant sur moi une main ferme, chaude, elle reflétait sa détermination qui brûlait par ses yeux, il dégageait une confiance, une attitude de leader. J'acquiesçais timidement, impressionnée par cette nouvelle apparence de Timéo puis sans que je ne puisse l'expliquer, des larmes se sont mises à couler le long de mes joues. Je me laissais m'appuyer contre lui dans une détresse soudaine, je semblais sombrer et glisser lentement vers le sol rejoindre la chaleur de l'enfer, quand deux bras protecteurs me serrèrent en me bloquant là, contre ce torse chaud, une cage inviolable était autour de moi, les larmes ne cessaient pas... Il leva mon menton, je ne voulais pas qu'il voit mon visage de pleurnicheuse, pourtant ça ne devrait pas me déranger, tout le monde a l'habitude de me voir pleurer et qu'ils me regardent ne me dérangeait pas, mais là je ne voulais pas, pas lui, en levant les yeux pour voir comment il me regardait, je vis qu'il rougissait légèrement et souriait, embarrassé. Je me dégageais de lui et allais m'asseoir sur les murs plein de pierres qui semblaient émettre cette lumière bleue. Il vint s'assoir à côté de moi, il me regardait inquiet, un silence s'installa, je n'osais pas lui demander ce qu'il avait trouvé ici, en fait je n'osais même pas le regarder tout court.

Regarde la lune s'embraser,

Dans une passion tranquille.

Elle s'amuse à danser au-dessus des nuages,

En rêvant d'être une étoile.

Je fus surprise d'entendre ces paroles, marmonnées à côté de moi, il s'était mis à chanter, la connaissait-il ou... ?

Petite dame,

Éclaire la nuit,

Devient si belle,

Les paroles résonnaient faiblement dans la grotte, elles m'enveloppaient pour me protéger, les larmes cessèrent et je continuais avec lui.

Donne un sens au mot clarté.

Lumière fragile,

Dance dans la nuit.

Montre le chemin,

Il chantait calmement, ses sourcils froncés derrière son sourire laissait voir sa concentration pour se souvenir des paroles.

Guide les hommes comme une étoile

Pour que ceux-ci trouvent leurs chemins.

Je me sentais mieux, plus calme, plus sereine.

- Merci, lui dis-je simplement en souriant.

Il me regarda, nous étions là, tous les deux dans cette grotte, l'un contre l'autre. Le silence ne me gênait pas particulièrement mais c'est moi qui finalement brisais le silence.

- C'était la chanson de ma maman, réussis-je à articuler. Elle était si douce, elle chantait en regardant la lune, tous les soirs pour...

C'était dur pour moi, je pensais qu'avec le temps la confrontation de mes anciens souvenirs serait simple, mais non... rien que le souvenir de ma mère est difficile alors me souvenir de... je ne peux pas. J'en avais assez dit, ça ne le concernait pas. Je me levais et m'apprêtais à partir.

- C'est une belle chanson, me dit-il.

J'étais touchée par ces compliments, rien que quelques mots de lui me suffisaient.

- Où l'as-tu apprise ? lui demandai-je intriguée.

- Quand tu l'as chantée sur le trajet, me répondit-il aussitôt.

Il l'avait retenue en plein trajet alors qu'il devait ouvrir le chemin, je pensais que personne ne m'avait écoutée ou que je les avais embêtés avec mes chants d'enfants. Mais lui l'avait écoutée et retenue par cœur, j'étais impressionnée. Je commençais à avancer pour retourner à notre campement.

- Tu n'as pas de lampe torche, me demanda-t-il en me rejoignant pour éclairer le chemin de retour de sa lampe torche, comment as-tu fait pour arriver ici sans ?

- Je n'ai jamais eu besoin d'éclairer la nuit, je vois parfaitement mon chemin malgré l'obscurité.

Ma réponse lui sembla bizarre mais pourtant j'avais dit la vérité, je savais qu'il faisait sombre mais pourtant je n'avais pas besoin d'un éclairage pour marcher dans le noir, je voyais parfaitement mon chemin. Beaucoup de gens ont été surpris par cela, cela a dû faire partie des différentes raisons de ma mise à l'écart et de..., bref tout cela est le passé, ce que certains pourraient décrire comme un don, était pour moi une malédiction qui m'avait laissée seule pendant de nombreuses années à me demander si je pouvais prétendre à la vie ou si le monde serait mieux si je mourrais.

Le Secret des SaphirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant