Chapitre 2

51 4 0
                                    

A l'Est, non loin de la citée de Zion, se trouvait une auberge. Elle était au pied des montagnes et de la forêt de Marna. C'était un lieu inévitable pour tout voyageurs, soldats et marchands en tout Acleon. Tous s'arrêtaient afin de se reposer et reprendre des forces avant de continuer leur route, d'autres y déposaient des annonces pour des travaux physiques ou toutes sortes de missions. Aux apparences ce n'était qu'un lieu humble où les clients festoyaient, buvaient, jouaient aux cartes et au Dudo, cependant il avait une importance que seuls les plus futés remarquaient. Les clients boivent. Les clients parlent. En cet endroit, il ne suffisait que de tendre l'oreille et l'on pouvait connaître les secrets de tels ou tels personnes. Avec le temps, cette auberge reçu une certaine réputation. Gare à ceux qui n'y prêtaient pas attention.

Alors que le soleil se couchait, un homme arriva et attacha son equus à une barrière devant l'auberge. Un jeune garçon vint à lui.

- Il est magnifique !
- Elle. C'est une femelle, répondit l'homme.
- Je peux la toucher ?
- Les equus n'aiment pas les caresses. Ce sont des bêtes fières qui ne choisissent qu'un cavalier pour la vie. Je ne te conseille pas de t'approcher davantage.
- Combien l'avez-vous acheté messire ?
- Je ne suis pas chevalier... et je ne l'ai pas achetée. Maintenant va trouver quelqu'un d'autre à embêter.

Sur ces mots, l'homme entra dans l'Auberge. Comme à son habitude, on y sentait l'alcool et les épices de tous pays. Nombre de voyageurs s'y trouvaient cette nuit. L'homme, grand, cheveux et barbe noir, alla s'asseoir au bar. Il portait un long manteau et une tenue de cuire recouvrant une cotte de maille tout juste sortie de la forge. Il resta silencieux alors que tous autour de lui discutaient, chantaient et rigolaient. Une dame au comptoir arriva à lui.

- Nous ne t'avions pas vu depuis longtemps Karken.
- Ovia... Sers-moi de l'hydromel, répondît-il froidement.
- Toujours aussi aimable, murmura-t-elle en le servant. Tu as manqué à Katy tu sais ? Elle ne parle que de toi. Elle prie Reikylios pour qu'il ne t'arrive rien à chaque contrat que tu acceptes.
- Adorable.
- Karken.

Il leva les yeux vers elle, agacé.

- N'as-tu donc pas considéré mon offre ?
- Tu es une brave femme Ovia. Je te respecte... mais ta fille est encore bien jeune et bien naïve. La vie d'aubergiste ne me scié aucunement tu devrais le savoir.
- Tu aurais la paix.
- La paix n'existe pas.

Un autre homme alla jusqu'à Karken. Il s'assit à côté de lui demandant à Ovia une chope de bière puis lui fait signe de les laisser parler en privé. Ovia comprit qu'il s'agissait de son dernier employeur. Elle lança un regard froid à Karken avant de s'occuper de ses autres clients. L'homme était âgé et humblement vêtu, il portait cependant un collier d'argent que nul ne pouvait se procurer dans les alentours.

- Si tu es là, cela veut dire que tu as une nouvelle fois accompli ta tâche, dit le vieil homme.

Karken ne répondit pas et se contenta de poser une bague sur le bar. Cette bague était faite d'argent et d'acier noir. Un poulpe y était gravé. Le vieil homme sourit et ricana à cette vue. Sa volonté avait été faite.

- Tu es le mercenaire le plus doué de l'Est, pour ça je n'ai aucun doute, dit-il en examinant la bague. Ce vieux porc n'a pas dû te poser trop de problèmes cependant.
- Lui non, ses gardes oui.
- Oh ce n'est pas ton genre de te plaindre de la difficulté des contrats que je te donne.
- Où est ma récompense ?

Le vieil homme se tut bien qu'il gardât un sourire au coin des lèvres. Il posa de nouveau la bague sur le bar, la glissant vers le mercenaire.

- Elle est à toi.
- C'est une blague ?
- Connais-tu seulement la valeur de cette bague ? Vends-la au plus offrant et tu n'auras plus à accepter de contrat pour un long moment.
- L'emblème de sa maison est gravé sur cette bague. Si je la vends à la mauvaise personne, ma tête se retrouvera sur une pique.
- Alors choisis bien la personne. Je te souhaite le meilleur Karken. Puissions-nous nous revoir bientôt.

Le vieil homme s'en alla laissant Karken dans l'embarras. Ovia avait été témoin de la scène et n'était pas plus enjouée que le mercenaire. Ils s'étaient tous deux rencontrés une douzaine d'années plus tôt alors qu'Ovia avait été encerclé par trois hommes aux attentions peu respectables. Elle était plus âgée que lui et désirait marier sa fille aînée dont le cœur avait chaviré pour lui. Cependant le mercenaire n'avait nul désire de mener une simple vie dans un tel lieu. Il inspirait à un futur plus glorieux bien qu'il n'en avait pas encore conscience. Karken regarda longuement la bague qu'il venait de gagner. Il semblait perdu dans ses pensées, la seule parole qui vint le ramener à lui furent ceux-ci : « La Reine est morte ». La nouvelle était parvenue jusqu'ici quelques heures seulement après le décès de la reine. L'atmosphère de l'auberge se calma et devint lugubre.

Plus personne ne parlait. Ovia se mit à chanter. Karken sortit, admirant une nouvelle fois sa récompense avant de la placer sur son majeur droit. Il n'aimait pas écouter ces chants. Alors il monta sur son equus et alors qu'il croisa le regard de la fille aînée d'Ovia à la fenêtre, s'en alla dans les contrées de l'Est, vers la Mer de Sang... chez lui.

AcleonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant