Chapitre 2

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Mais je leur ai menti -je sais, je sais, c'est mal- et leur ai raconté mon suicide factice du haut de mon immeuble parce que je pensais que la Terre et la vie ne m'offriraient jamais rien qui vaille la peine d'endurer les conneries des Hommes. Ils ont ri. Oui, si on avait su, nous autres suicidaires, ce qu'il y avait après la mort, eh bien peut-être qu'on serait toujours en vie. On n'aurait pas décidé que la mort valait mieux que la vie, sous prétexte que la vie n'avait pas de sens. Maintenant, on sait que la mort en a encore moins.
Bon, ce n'est pas comme si j'avais réellement choisi de mourir, mais ça fait mal quand même. Tous ces gens désespérés autour de moi -il y a bien plus de suicidés que je ne l'aurais pensé- rient jaune maintenant. Personne ne pleure, après tout nous ne souffrons plus, mais personne n'est heureux non plus. A croire que nous ne pouvons plus qu'être cyniques, ironiques, sarcastiques. L'humour noir est présent partout, tous les visages grimacent des sourires ironiques.
Je prends conscience à cet instant que d'une façon ou d'une autre, on nous a privés de toute émotion. Je ne ressens ni tristesse ni joie, je ne suis ni frustrée ni confiante, ni affolée ni apaisée, ni pessimiste ni optimiste. Je ressens seulement toute l'ironie de notre situation, comme si on m'avait permis d'être la plus objective possible par rapport au choix que je vais devoir faire dans quelques instants -quelques heures, vu la longueur de la file d'attente.
Le choix. Aucun vivant n'a l'impression qu'il a le choix. Il vit sa vie frénétiquement, parce qu'il est né, il n'a pas choisi qui il est, où il est né, quand et avec qui.
C'est vrai, on ne choisit pas tout. Mais on choisit quand même.

Je suis morte de la manière la plus idiote qui soit. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant