Chapitre 4 Ariana

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Je suis en train de plier soigneusement mes affaires quand Madame V me rejoint dans ma chambre.

J'ai intégré cet étage il y a un an, chaque étage correspond au palier de notre formation, le mien signifie que je suis prête à servir. Beaucoup voient d'un mauvais œil ce que l'on fait, pourtant, nous sommes très bien traitées.

Quand Madame V m'a trouvée, j'étais au fond du trou. À 14 ans, je vivais dans la rue sans argent, sans sécurité, sans personne pour s’occuper de moi. J'étais tellement désespérée que j'étais prête à tout pour m'en sortir. Un des hommes de la sécurité m'a trouvée en train de rôder devant son club. Je ne savais pas ce que c'était réellement. De l’extérieur, ça donne l’impression de n’être qu’une boîte de nuit dans un immeuble de six étages. Cela me paraissait suffisamment luxueux pour faire la manche devant. Je pensais la clientèle suffisamment riche pour me donner quelques pièces.

Madame V est sortie peu après ma discussion avec l’agent de sécurité. Elle s’est assise par terre, à côté de moi.

Quand j'ai vu cette magnifique femme très bien habillée et moi sale et débraillée, je voulais fuir, ravagée par un sentiment de honte. J'ai finalement pris sur moi et j’ai répondu à ses questions, lui racontant mon histoire. Je ne sais pas si elle a eu pitié ou autre mais elle m'a prise sous son aile et m'a expliqué en quoi consistait son club en me proposant, si je le souhaitais une place. J’ai accepté sa proposition, de toute façon, j'étais au plus bas et la prostitution faisait partie de mes options. Au moins, là, je bénéficiais d'un cadre, d'un logement, de nourriture et surtout, de sécurité.

Personne ne m'a touchée cependant. Pendant cinq ans j'ai été formée, sur mon maintien, style vestimentaire, comment me tenir à table, aux soirée chics, sur le langage. J’ai appris à parler plusieurs langues différentes, ça reste très scolaire mais je suis capable de tenir une conversation. J'ai également été formée à la sexualité, les zones érogènes masculines, comment donner du plaisir au mieux, j'ai été ce qu'on pourrait qualifier d'élève modèle.

Jamais un pas de travers, malgré quelques coups de sang qui ont plu à Madame V à ma grande surprise. Elle m'a informée que certains de ses clients avait besoin d'une compagne fougueuse et que je correspondais à ce critère. J’ai également appris à me coiffer et me maquiller, seule. Il y a trois jours, Madame V m'a annoncé que j'étais fin prête à servir et que, j’étais destinée à un client de longue date. Le client est un homme assez particulier avec des envies plutôt simple niveau sexuel.

J'ai lu son dossier. Dessus, il n'y est indiqué que ses préférences sexuelles et son tempérament, rien le concernant directement, ni son métier. Mais ce sont des choses que nous n'avons pas besoin de savoir, nous ne sommes pas censées poser de questions sur sa situation. J'ai lu le contrat qui nous liera, si je lui plais évidemment.

On se devra l'exclusivité mutuelle, il ne pourra pas aller voir ailleurs le temps que je serai à sa disposition. Il pourra m'emmener où il le souhaite, ne jamais me violenter sous peine de rupture de contrat définitif – il ne pourra jamais plus bénéficier des services proposés par Madame V – il aura l'obligation de bien me traiter.

Madame V s'est assurée que nous ayons tous les papiers nécessaires, pièce d'identité, permis, passeport, assurance.

- J'ai certaines recommandations, me dit Madame V, assieds-toi.

Je m'installe sur le lit, dos droit, tête haute, un sourire éclaire son visage en me voyant faire.

- Tu es mon diamant, me dit-elle en me regardant tendrement. J'ai beaucoup tardé avant de te mettre sur le marché parce que je voulais pour toi ce qu'il y a de mieux. Monsieur Ramirez sera parfait et... Cette discussion ne devra jamais sortir d'ici d'accord ?

- Oui Madame.

- Sois toi-même tout du long, sois émotive, ne simule rien. Je sais que ta vraie nature plaira profondément à Monsieur Ramirez, si tout se passe comme prévu, tu n'auras plus à faire bénéficier tes services à d'autres. Il te gardera j'en suis certaine !

Je fronce les sourcils ne comprenant pas où elle veut en venir.

- Tu vaux mieux que tout ça Ariana, beaucoup mieux. Tu mérites un homme qui prendra soin de toi au quotidien et je sais que tu as toutes les qualités requises pour lui plaire suffisamment pour qu’il te garde.

Je hoche la tête, émue.

- C'est un homme dangereux Ariana, très dangereux et le monde dans lequel il évolue l'est tout autant. Mais il te protégera j'en suis certaine, il prendra soin de toi, joue bien tes cartes et il sera à toi. Il est très beau, il te plaira j'en suis sûre. Je le connais depuis longtemps, il n'a jamais posé problème et toutes mes filles étaient déçues de devoir se séparer de lui.

- D'accord, lui dis-je encore perplexe.

- Tiens-lui tête de temps en temps, il aimera ça, ne te retiens pas, ne lui manque pas de respect mais affirme-toi.

Elle se lève et dépose un léger baiser sur ma joue.

- Je suis fière de toi, je t'aime Ariana bien plus que mes autres filles parce que je me reconnais en toi. Tu mérites le meilleur, alors assure-toi de réussir, je ne veux pas te voir revenir et devoir proposer à nouveau tes services. Si quelqu’un m'avait proposé cela à l’époque où j’étais à ta place, j’aurais saisi cette occasion. Je ne regrette pas ce que je fais pour vous. Combien de femmes ai-je vues se prostituer sans cadre pour finir mortes ou camées ? Je ne le supportais plus, c’est pour cela que j’ai créé la maison, pour éviter que cela se reproduise trop souvent. Saisis ta chance ma chérie.

Une larme coule sur ma joue, je lui dois tellement...

- Dépêche-toi de terminer tes bagages, il ne va pas tarder.

Elle quitte la pièce et je replonge dans mes pensées. Je sais que notre relation, d’un regard extérieur peut paraître malsaine. Pourtant, Madame V est ce qui ressemble le plus à une mère à mes yeux, elle vient encore de me le prouver. Alors qu’importe ce que l’on pense de moi ou de Madame V. Personne ne sait ce par quoi nous sommes passées pour en arriver là. Si ces gens avaient été à notre place, qu'auraient-ils fait ? S’en seraient-ils sortis mieux que nous ? Peut-être, en attendant, aucun autre choix ne s’est offert à nous, alors nous faisons avec ce que la vie nous a donné.

Madame V ne laisse ses filles faire que cinq missions maximum. Ensuite, elles sont libres de partir avec un bon paquet d’argent pour démarrer une nouvelle vie. Alors oui, je n’ai aucun regret d’avoir fait ce choix, surtout parce que ma seconde option m’aurait menée à la mort.





Sweet Dream Sous Contrat D'édition ( Elsie Éditions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant