14

24 2 0
                                    

(Mira PDV)

Un long couloir étroit. Des murs blancs. Une ambiance pesante. Sans oublier le carrelage d'une banalité glaçante. Un seul mur coloré, en bleu cyan, sans doute pour que les enfants et déficients mentaux ne s'y perdaient pas.

J'ai surpris le passage d'un brancard et d'une équipe d'urgentistes. Chemises blanches, charlottes, masques chirurgicaux, ils ne passaient pas inaperçus, et le vacarme grinçant et strident des roues ne contredisaient pas cette impression. Je n'ai pas voulu jeter un coup d'oeil au corps allongé et recouvert de ce drap blanc. Parce que j'y aurai vu Jenny, même si elle n'y était pas.

C'était hallucinant. De se sentir si petite, si impuissante, face aux surprises de la vie. Et aux détours de sa consœur la mort. Parce que là où la vie devait se battre pour se préserver, la mort n'avait qu'à déposer sur notre front un doux baiser à son fameux goût de venin pour se présenter et nous tenir compagnie. Éternellement. 

Pourtant, certains la repoussaient, la repoussent, et la repousseront encore. Ils sont forts, ces gens là. Pourtant, je ne voyais pas réellement ce que cela impliquait, de danser tous les jours, et chaque jour, avec cette instabilité.

Le docteur Woods m'arrêta d'un mouvement de bras dans ma progression. Je me tournai vers lui, avec cette incompréhension qui me quitta rapidement. En effet, il me désigna, d'un mouvement de tête assez bref, la chambre 127. La chambre de Jenny, j'en étais certaine. Une porte blanche, et une poignée glacée au toucher. C'était le ressenti qu'elle m'offrait à son contact.

Une porte aussi froide qu'elle, aussi impressionnante pouvait-elle être.

Je remerciais le médecin brièvement pour m'avoir conduit à elle, et surtout pour l'avoir sauvée. Après ça, rien. Il est parti, et moi j'attendais. Ou plutôt, j'étais figée sur place. Elle était derrière cette porte, et c'était peut-être justement le problème. . . Je ne savais même pas ce que j'allais lui dire, ni si je faisais bien de venir la voir. Elle ne voulait pas me voir, c'était évident. Malheureusement, avec tout ce qui s'était passé ces derniers temps, j'avais du mal à différencier l'évidence de ce qui était juste un espoir malsain.

Mais fuir n'était plus une solution, et ne faisait d'ailleurs déjà plus parti des options si je voulais avancer. Alors j'ai exercé une légère et hésitante pression sur la clenche, puis j'ai ouvert cette porte imposante qui grinçait faiblement.

Mon regard ne prit pas vraiment le temps de bien analyser les lieux. Il la cherchait. Et il ne fallut pas plus d'une seconde avant qu'il ne la trouve. Cette masse sous cette couverture blanche. Cette masse immobile sous la couette, dont une tignasse sombre osait s'en échapper. Je n'ai pas réfléchi, je me suis avancée vers elle, de quelques pas, avant de m'arrêter.

Oui, je me suis arrêtée, avant même de me rapprocher assez pour la voir complètement. Je ne savais pas quoi lui dire, pas quoi faire.

"Approche, Mira. me demanda t'elle d'un ton indiscernable."

A croire qu'elle savait que je viendrai. Je restai encore une fois figée. Je ne savais pas ce que je pouvais lui dire, et ce que je ne devais pas lui partager. Mon regard se perdit dans les rainures du carrelage blanc, et froid. Un bon moment, avant d'affronter la bête face à moi. Je m'avança d'un nouveau pas, une idée claire en tête. Je voulais mettre un terme à tous nos quiproquos et malentendus. Quitte à en souffrir, je serai épargnée de ce brouillard opaque qui nous sépare quand je pense à elle, et quand je ferme les yeux. Et j'étais bien décidée. Décidée à mettre les points sur les "I" une bonne fois pour toutes. Alors je me suis mise face à elle, bras dans les poches de mon sweat, et mon regard froid braqué sur elle. Mais avant toute chose, ma courtoisie n'allait pas se faire désirer.

Ne m'oublie pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant