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En seulement quelques courtes semaines, l'intégralité de la vie de Min Yoongi avait changé. La tête auréolée de cheveux blonds de son ange n'avait plus repassé l'embrasure de la porte du club des cœurs esseulés et sa douce odeur n'emplissait plus le minuscule appartement dans lequel il vivait. Le brun avait l'impression qu'un immense vide s'était creusée dans sa cage thoracique. Il ne ressentait plus rien. Il avait merdé. Il avait complètement merdé en tombant fou amoureux de ce garçon triste et brisé. Ce n'était absolument pas dans ses plans. Son seul but avait été de le sauver de sa dangereuse et interminable chute dans le puits sans fond des relations désastreuses. Il avait vraiment merdé et s'en mordait les doigts.

Sous les néons pourpres de l'établissement, sa peau cadavérique et ses cernes prononcés lui donnaient des allures presque inquiétantes. Cela faisait plusieurs jours qu'il ne parvenait plus à dormir convenablement et la fatigue commençait à avoir raison de son corps. Un verre humide dans une main et un torchon propre dans l'autre, le barman cherchait à sécher la fragile coupe. Il répétait sans cesse les mêmes gestes mécaniques et ignorait s'il était capable de délier ses lèvres closes. Il n'avait plus une once d'énergie.

Retenant un bâillement, Yoongi exerça une pression sur la surface fragile et celle-ci se brisa. Un minuscule morceau de verre vint entailler la rondeur de son pouce et le barman se surprit à admirer la petite goutte vermeille qui se frayait un chemin jusqu'au creux de sa main. Il ne ressentait même pas de douleur. Il aurait voulu que la douleur lui arrache une légère grimace, mais il n'y avait plus rien. Seul un immense vide semblait l'habiter et il ne parvenait pas à s'en défaire. Il reprit conscience lorsqu'une personne s'empressa de jeter la coupe brisée et de ramasser les quelques morceaux tranchants qui traînaient sur le sol. Papillonnant des paupières, le brun observa la silhouette de Seokjin. Ses yeux furibonds le menaçaient et il s'empressa de l'entraîner à sa suite dans la salle de repos.

Le plus vieux asséna une violente gifle contre la joue de Yoongi. Celle-ci émit un claquement sec dans l'air moite de la pièce et attira l'attention de quelques employés curieux. Une douleur lancinante fit réagir les terminaisons nerveuses du brun et quelques picotements lui firent apporter une main lente à sa joue. Il avait ressenti quelque chose. Dans le brouhaha de ses pensées, il entendit le plus vieux hurler des menaces aux quelques employés indiscrets qui avaient assisté à l'intégralité de la scène et il attendit que tous quittent le vestiaire pour poser des mains dures sur les épaules osseuses du brun.

« Ecoute-moi bien Min Yoongi, siffla le plus vieux entre ses dents. Tu vas reprendre tes esprits immédiatement et arrêter de jouer aux cons ! Je sais que tu étais amoureux de lui, que tu as le cœur brisé et que tu te sens minable, mais ce n'est pas une raison pour te laisser mourir ! Alors toi et moi, on va aller manger un burger bien gras et tu vas vider ton sac. »

Une expression perdue décorant son doux visage, Yoongi observa son aîné retirer son uniforme. Il ne parvenait pas à comprendre la raison pour laquelle il retirait ses vêtements. Ils avaient encore plusieurs heures de travail. Un long soupir s'échappa des lèvres pleines de Seokjin alors qu'il remarquait l'expression ahurie de son cadet. Il s'approcha lentement de lui et entoura ses bras autour de ses frêles épaules.

« On a fini notre journée, expliqua-t-il en passant une main réconfortante dans ses cheveux bruns. Les autres ont déjà pris notre place. »

Les bras ballants, Yoongi se laissa bercer par les mouvements rassurants de son collègue alors que la douce odeur mentholée de sa lotion venait caresser ses narines. Cela faisait plusieurs jours qu'il avait l'impression de flotter sur une mer agitée et que les vagues le transportaient jusqu'à un mortel récif rocheux. L'étreinte rassurante de Seokjin disparut lentement et il put se débarrasser de sa tenue de travail. Il plia soigneusement les vêtements avant de les ranger dans son casier.

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