lonely hearts club

[8]

Les mains enfouies dans les poches de son épaisse veste molletonnée, Yoongi observait la gracieuse silhouette de son amant virevolter dans l'herbe verte. Ses pieds brisaient en un craquement sonore les feuilles mortes qui tapissaient le sol. Quelques fins rayons venaient doucement transpercer les nuages et apportaient la vitamine D dont chaque personne semblait avoir tant besoin. L'automne avait repris son règne interrompu et, avec lui, les inquiétudes de Jimin avaient disparu. Il paraissait heureux. Son rire euphorique et joyeux sonnait comme une douce mélodie aux oreilles du serveur qui, assis confortablement sur un banc, se sentait tomber amoureux de son cadet. Il n'en avait pourtant pas le droit. Le cœur de Jimin ne lui appartenait pas et il ne pouvait pas laisser son cadet s'emparer du sien.

Durant plusieurs longues minutes, le blond s'afféra à enchaîner de complexes mouvements sous les yeux émerveillés et impressionnés de Yoongi. A bout de souffle, il retrouva sa place sur le banc et quémande de l'attention au brun. Ce dernier était pudique et n'aimait pas les publiques effusions d'affections. A l'abris des regards indiscrets, leurs doigts s'entrelacèrent dans la poche du plus vieux et le pouce de Yoongi vint caresser doucement le dos lisse de la main du garçon triste. Yoongi pouvait-il toujours l'appeler ainsi ? Le garçon triste ne l'était plus. Il respirait la joie de vivre et la bonne humeur. Alors que la tête blonde vint se poser contre son épaule, il ne cessa de se faire cette réflexion. Jimin n'était plus triste. Il n'avait jamais été aussi épanoui et le monde semblait enfin lui sourire. Il avait accompli sa mission.

« Tu es souvent absent ces derniers jours, remarqua Jimin. »

La réflexion de son cadet ne le surprenait pas. Il avait raison. Cela faisait plusieurs longues semaines qu'il laissait ses pensées le ronger. Il en oubliait presque de vivre et recommençait à se morfondre au fond de son lit. Seule la présence de Jimin semblait lui permettre de quitter la tache brune qui tachait le plafond du regard.

« Je dors mal en ce moment, mentit-il. J'ai beaucoup de mal à me concentrer.

-Tu pourrais demander quelques jours de congé, proposa le blond. Ça te permettrait de faire une petite pause et de reprendre quelques forces.

-J'y penserai. »

Encore un mensonge. Il avait l'impression de mentir constamment. A chaque question que Jimin lui posait, il répondait par un mensonge. Il ignorait comment ils en étaient arrivés là ? Quand avait-il commencé à camoufler la vérité à son amant ? Yoongi se voilait la face, mais il connaissait parfaitement la réponse. Tous ces faux sourires et toutes ces cachotteries avaient commencé à apparaître lorsqu'un prénom avait commencé à se frayer un chemin dans leurs conversations : Hoseok. Il ne connaissait pas ce garçon. Ils ne s'étaient jamais rencontrés et ne s'étaient jamais adressé la parole. Jimin semblait particulièrement heureux avec lui et s'épanouissait dans son travail grâce à lui. Le serveur savait que le cœur de son cadet s'éloignait lentement de lui et qu'il pouvait finalement le transmettre à une nouvelle personne. Et une étrange et inopinée jalousie avait commencé à se répandre dans ses veines et à parasiter son esprit.

« Tu mens, lui reprocha le blond. Je ne suis pas un idiot, Yoongi. Je sais encore reconnaître des mensonges. »

Il avait brusquement enlevé sa tête de l'épaule du serveur pour plonger ses prunelles dans les siennes. Elles reflétaient un véritable agacement. Yoongi avait l'impression que ses yeux pouvaient lire en lui comme dans un livre ouvert. Il se sentait toujours désemparé.

« Qu'est-ce que tu me caches ? souffla tristement Jimin.

-J'ai peur que tu partes, lâcha-t-il. »

La bombe avait été lancée et elle n'allait pas tarder à exploser. La surprise remplaça l'agacement dans les pupilles de Jimin et le brun eut envie de s'enfuir. Il amorça un mouvement pour se lever, mais la main de son cadet, toujours enlacée dans la sienne, le retint. La seconde vint tendrement caresser sa joue et, après avoir vérifié qu'ils étaient à l'abris des œillades indiscrètes, il claqua un chaste baiser sur les lèvres mordues du brun.