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M'introduire dans le Sud de Vy la nuit était toujours une expérience atypique. Rares étaient ceux qui se rendaient volontairement là-bas dans la journée, alors lorsque le soleil se couchait, on pouvait facilement imaginer une absence totale d'humain.

Cependant, ça ne signifiait pas que cette partie de la ville était vide d'agitation. Oh, non. Elle était même en général très animée. Des métamorphes de toutes espèces peuplaient les bois la nuit, sous leur forme animale. Sans leur présence, les bois n'avaient rien d'accueillant, avec, ils devenaient meurtriers. Aucune lumière sur le chemin principal, pas de lune pour éclairer le dit chemin non plus, des bruits de mastications, de râles, de rires lointains sur le bas-côté... Marcher ici n'était vraiment pas le souhait de beaucoup de personnes. Si ça ne tenait qu'à moi, je ne serais même pas là. Les lois humaines ne s'appliquaient plus ici. J'avais vu un homme se faire tuer à la frontière de la partie Sud, et il n'y avait eu aucune répercussion, aucune enquête, aucune aide. Juste un appel plus tard à la famille pour prévenir de la mort de leur fils, rien de plus. Si on m'attaquait ici, personne ne serait puni.

Encore fallait-il avoir le cran de m'attaquer. Non pas que je sois dotée d'une force incroyable, mais plutôt que me tuer créerait des problèmes assez emmerdants. J'étais assez contente d'être un nid à emmerdes si je mourrais des mains d'Alters. Ce fait me permettait de traverser le Sud sans encombre, d'arriver au quartier habité, d'y être scrutée de toutes parts par chaque habitant. Être connue n'avait jamais été une volonté de ma part, mais que pouvais-je contre les commérages à mon encontre ? Ils avaient beaux être habitués à me voir près de leur habitat, d'après un chaman, la curiosité et les spéculations sur les raisons de ma venue étaient devenue une norme.

La partie Sud était la plus grande de Vy. Elle était composée d'au moins quatre quartiers. Il fallait bien y faire rentrer tous les Alters de cette ville quelque part. Parmi eux, les bois du Sud, ceux plus loin que ceux de la frontière, étaient contrôlés par l'alpha des Hyènes. Puisque les hyènes fonctionnaient sur un système matriarcal, il n'était pas choquant que la dirigeante de la meute de métamorphes correspondant fût une femme. Et quelle femme ! Elle avait une pointe de folie armée à une féroce intelligence. Sans parlait de sa volonté sans faille à vouloir protéger les siens. Un peu arrogante sur les bords mais j'attribuais ce trait au fait qu'elle était un Alter, et que chaque Alter avait le don pour respirait l'arrogance. Malheureusement, elle ne m'aimait pas beaucoup, me tolérait seulement dans ses bons jours. Elle m'estimait responsable des changements drastiques qu'elle avait appliqué dans sa meute pour éviter l'extinction, pour garder quelques libertés. Elle m'estimait responsable de la Révélation aussi, bien que, sur ce coup, je n'étais pas spécialement coupable de quoique ce soit. Mais comme il lui fallait bien une personne à haïr, j'acceptais ce rôle avec prudence. Je ne pouvais pas lui avouer que le principal responsable était Isotz Hautz. Monsieur je-fais-peur-à-mon-ombre aurait alors le culot de la tuer pour éviter tout soulèvement de population magique.

Je finis par bifurquer dans une rue menant aux bois. Il n'y avait là, plus aucun chemin dans ces derniers, mais il suffisait de continuer et on finissait immanquablement par tomber sur la maison d'une Hyène. Étonnamment, je ne vis aucun métamorphes sous forme animal. C'était une première. Dans cette zone ci, les Hyènes se donnaient à cœur joie de faire peur aux passants ou de chasser comme bon leur semblaient. Des ricanements devraient m'accompagner lors de ma traversée. Je me mis à trottiner en direction de la maison de Nahdya, augmentant mon rythme de course au fur et à mesure. L'angoisse commençait à couler dans mon sang. Seul le bruit de mes pas résonnait dans la forêt, ce que je n'appréciais guère. C'était anormal. Un territoire métamorphe devait au moins être vivant.

Lorsque je sortis du bois, la maison de Nahdya se tenait en face de moi. Lors de ma première venue, je n'avais pas pu faire attention à l'architecture de la maison à cause de mon état physique et de la peur que je ne cessais de trainer derrière moi tel le boulet qu'elle était. Cette nuit, bien que je ne sois pas sans un minimum d'inquiétude, je me permis de m'arrêter sur ce bâtiment, comme je le faisais à chaque fois que je venais ici. Le premier adjectif qui me venait toujours à l'esprit était « grande ». Elle devait permettre aux métamorphes appartenant à sa meute de venir se réfugier chez elle. Les gargouilles sur la façade principale rappelaient les hyènes en chasse. On les voyait rire, comme elles le font la plupart du temps quand une proie s'affaiblit. Dans ce style ancien, les fenêtres étaient étonnamment modernes, sans habillage, ce qui était peu commun. Mais je savais que les Hyènes traversaient les fenêtres pour chasser un ennemi sur leur territoire. De nombreuses fenêtres y avaient laissé la vie. Désormais seuls des simples fenêtres fonctionnelles décoraient la maison.

Ush ROWTAG T2 : Conséquente TransformationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant