Une mélodie familière

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« Si la vie pouvait me faire une fleur, ce serait de me débarrasser de toi. »

Eh bien.

C'était arrivé.

La vie ne fut pas celle qui provoqua le départ de Jaskier, il s'était débrouillé seul pour cela. Et ça n'avait rien d'une fleur ou d'une bénédiction, au contraire. Geralt connaissait bien la différence ; les bénédictions avaient tendance à vous glisser entre les doigts, tandis qu'il était particulièrement difficile de se débarrasser d'une malédiction.

Il ne pouvait cependant pas demander à Yennefer de remédier à l'absence persistante de Jaskier. Sa toute nouvelle compagne de voyage s'obstinait à le voir s'occuper de cette affaire lui-même.

Il était futile de se disputer avec Ciri. Il avait l'intention de l'emmener à Kaer Morhen, ce qui signifiait qu'ils devaient passer plus d'un mois de voyage ensemble, sans compter les contrats qu'il devait honorer pour subvenir à leurs besoins. A chaque fois qu'il prenait le temps de discuter avec la jeune fille, quand ils n'avaient pas à se cacher des soldats qui recherchaient la princesse, ou des monstres dont il devait se débarrasser, il lui parlait de Jaskier. Il ne pouvait pas vraiment lui parler des différents bordels de la région qu'il avait visité, n'est-ce pas ? Il se contentait donc de raconter les petites performances de Jaskier, des fois où ils avaient été jetés de certaines auberges, après une plaisanterie douteuse du barde, ou bien des établissements luxueux qu'ils avaient pu se payer en rassemblant leurs revenus.

Tout pour chasser les fantômes qu'il voyait danser dans les yeux glacés de Cirilla.

Mais ses tentatives pour lui changer les idées échouaient aussi vite que se vidait sa bourse. Il ne pouvait pas accepter les missions les plus dangereuses, pas avec l'ombre des soldats nilfgaardiens qui pesait sur eux, de plus Ciri refusait de le suivre dans ses chasses. La jeune fille n'était pas lâche. Geralt pouvait sentir son pouvoir, si vif et pourtant totalement hors de sa portée. S'il ne connaissait pas déjà Yennefer, il n'aurait peut-être pas réalisé que Ciri craignait sa puissance et non pas sa faiblesse. Elle avait probablement besoin de Yennefer et de sa compréhension de la magie, plus que de n'importe quel entraînement que Kaer Morhen pouvait lui offrir. Mais la magicienne n'était pas là, et ils étaient peu susceptibles de la trouver dans un endroit sûr et loin des Niflgaardiens. Gerald avait préféré les mettre à l'abri avant de se mettre à la recherche d'une énième personne qu'il avait perdu.

Il ne leur restait que deux semaines de voyage, ils venaient d'entrer à Ard Carraigh, la capitale de Kaedwen et la dernière grande ville avant de se retrouver au milieu de terres désolées. La solution à leur déficit monétaire apparut aux portes d'une taverne locale, sous la forme d'une mélodie familière, que le sorceleur reconnut immédiatement.

Jaskier.

« C'est ton barde ? » demanda Ciri. Elle désignait la taverne, près d'elle, une lampe éclairait une allée de magasins qui avaient fermé après le coucher du soleil. De maigres rayons, les réchauffaient encore, il leur faudrait bientôt trouver un abri pour la nuit.

« Comment le sais-tu ? » demanda-t-il. La chanson ne racontait pas les actes héroïques du sorceleur, ou de mensonges fleuris, elle ne transformait pas des évasions désespérées en victoires grandioses. Ce n'était qu'une douce mélodie jouée sur un luth, que seul Geralt aurait pu reconnaitre, après de longs jours de voyage silencieux, quand il n'y avait personne à écouter.

Ciri roula des yeux.

Presque un an. Jaskier avait dit qu'ils se verraient un de ces jours, mais ils ne s'étaient jamais croisés. Geralt avait longtemps été captif à Cintra, ce qui avait dû se savoir un peu partout, sur le continent les secrets ne restaient pas des secrets bien longtemps et voyageaient vite. Il aurait pu se libérer, mais n'y avait pas vu d'intérêt, puisqu'il était déjà tout proche de Ciri. Il n'aurait pas été difficile à trouver, et avait longtemps espéré devoir s'échapper pour sauver Jaskier de la colère de Calanthe, qu'il aurait essayé d'embobiner afin de secourir le sorceleur.

Mais ce n'était jamais arrivé. Et n'arriverait plus, maintenant. Il saisit l'épaule de Ciri. L'absence de Jaskier lui avait ouvert les yeux : il avait été difficile de se débarrasser de lui et le reconquérir le serait tout autant. Geralt n'avait aucun sou à jeter à son barde.

Il n'avait qu'un lionceau.

***

Et voilà pour le premier chapitre, j'espère qu'il vous a plu ! La suite arrive bientôt
Lily-Ange

How to toss a Lion Cub - TraductionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant