How to toss a Lion Cub - Traduction

À un de ces jours

Il repéra aussitôt Jaskier. Il était au centre de la salle, contrairement à Geralt qui n'appréciait pas particulièrement ça, Jaskier était plutôt habitué à recevoir toute l'attention sur sa personne.

Quelques regards anxieux se posèrent sur lui alors qu'il menait Ciri vers un coin tranquille. Ça arrivait souvent. Mais si près de Kaer Morhen, les gens étaient habitués à voir passer des Sorceleurs, et Geralt ne s'inquiétait pas vraiment. Une fois assis dans l'ombre, il put observer Jaskier. Un immense lustre sur une lourde chaîne se dressait au milieu de la pièce, d'innombrables bougies illuminant le visage lisse du barde. Ciri ne cessait de lui jeter des coups d'œil par-dessus son épaule et Geralt lui commanda à dîner, un potage avec du pain et de l'eau. Le maigre repas suffit à la distraire, mais cela ne détourna pas l'attention du Sorceleur de Jaskier. Il devait économiser, sinon ils n'auraient pas de chambre pour la nuit.

Jaskier les avait vu entrer. Dans un premier temps, il n'avait pas remarqué qu'il s'agissait de Geralt, mais alors qu'il terminait sa chanson, ses yeux se posèrent sur le coin où ils étaient assis, il reconnut le sorceleur, avant de poser son regard sur la tête blonde de Ciri. Après un bref moment d'indécision, Geralt observa Jaskier placer son luth sur une chaise à côté de trois autres hommes assis à une table de quatre. Tous trois semblaient être également des bardes. Gilets en lin léger, pantalons boutonnés taille haute, tissus colorés. Pas de manteaux au dos de leurs chaises. Ils devaient probablement séjourner dans l'auberge. Soit cela, soit il devrait sauver Jaskier du gel de la soirée. Malgré de belles journées, Kaedwen gelait presque toutes les nuits pendant les mois de printemps.

Jaskier se dirigea vers eux. Geralt attrapa une chaise d'une table voisine et la poussa entre lui et Ciri. Jaskier fixa un instant la chaise, les lèvres pincées, avant de s'asseoir.

« Geralt. Ça faisait longtemps. »

Jaskier passait son temps à bavarder. Il avait toujours une plaisanterie bien sentie en réserve. A présent, son silence de plomb pesait lourd sur les épaules de Geralt. Le barde n'avait pas beaucoup changé. La couleur de son gilet et de son pantalon était la même que celle de ses yeux, gris comme un ciel orageux, des bandes bordeaux clairsemées décorant les bords de ses habits. Ceux-ci étaient moins flamboyants que dans les souvenirs de Geralt. Il jeta un coup d'œil à la table d'où venait Jaskier et réalisa qu'il ne se démarquait pas de ses compagnons.

Mais pour Geralt, il se démarquerait toujours. Tout comme son silence pesant se démarquait de ses habitudes.

« Jaskier » dit Ciri, et Jaskier se tourna immédiatement vers elle.

« Cirilla » dit-il, et il tendit la main. « Je pense qu'une présentation en bonne et due forme est nécessaire. Julian Alfred Pankratz. Jaskier. Ravi de te voir en bonne santé, petit lionceau. »

Ciri grimaça au surnom, bien que Geralt ne puisse dire pourquoi. « Ciri fera l'affaire. » répondit-elle.

Jaskier lui sourit : « Bien sûr. J'ai été désolé d'entendre parler de la mort de ta grand-mère, Ciri. Et de ce qu'il s'est passé à Cintra. Je suis content que Geralt ait pu te retrouver malgré tout. »

Pour Ciri, Jaskier était capable de parler. « Personne ne doit savoir, pour elle », avertit Geralt. Mais le barde devait l'avoir compris, il ne parlait pas avec autant d'emphase qu'à son habitude. Jaskier acquiesça silencieusement.

« Est-ce une auberge sûre pour elle ? », insista Geralt. Il avait besoin de savoir. Il avait besoin de l'entendre de quelqu'un en qui il avait confiance.

« Le temps à Kaedwen est atroce, mais je n'ai pas vu de soldat niilfgaardien depuis des semaines », confirma Jaskier. Il se tourna vers Ciri : « Vous êtes en sécurité ici. Pour l'instant. »

« Je suis surpris de te voir ici » lui dit Geralt. Il l'était. Ard Carraigh était le dernier endroit où il s'attendait à rencontrer Jaskier, qui n'avait jamais beaucoup aimé le climat hostile de Kaedwen. Ban Ard, plutôt, lui conviendrait mieux.

« J'ai occupé un poste de ménestrel à la cour du roi Henset », répondit Jaskier. Ses yeux passèrent de Geralt à Ciri. « J'ai bien peur que chanter des ballades sur des lionceaux à la cour de Vizima soit hors de question pour le moment. »

Tout comme les ballades sur les aventures de Geralt de Riv, apparemment. Jaskier n'avait pas à le préciser. Mais il l'aurait fait autrefois. Geralt était à la fois étonné et horrifié par l'aptitude de Jaskier à protéger ses émotions. Si ses sens de Sorceleur ne lui permettaient pas de sentir le profond malaise du barde, il n'aurait pas pu le deviner.

« Julian, »

Jaskier sursauta en entendant le nom. Son nom.

Un des autres bardes s'approcha de lui : « Nous allons rester pour la nuit. Il y a une sacrée route jusqu'au château. Je ne voudrais pas que tu laisses ton luth sans surveillance." Il envoya à Jaskier un sourire complice. Rasé de près comme Jaskier, il était grand et, pour un poète, étonnamment en bonne condition physique. Un nouveau protecteur peut-être ? Geralt s'était demandé et s'était inquiété de la façon dont Jaskier s'en sortirait sans lui alors que leur séparation s'étirait en longueur. Il avait oublié que Jaskier se retrouvait rarement seul.

« Pas besoin. Je te rejoins. Nous devons nous lever tôt demain matin, » murmura Jaskier. « Des Témériens viennent à la cour de Kaedwen, non ? Au moins notre séjour ici est tous frais payés. »

Il se tourna vers eux une dernière fois : « Bonne nuit Ciri. A bientôt, Geralt. »

« Qu'est-ce que tu lui as fait exactement ? » S'enquit Ciri alors que Jaskier s'éloignait d'eux.

Elle n'avait donc pas besoin d'avoir des sens de Sorceleur pour se rendre compte d'à quel point il avait merdé.

***

Et voilà pour le deuxième chapitre. J'essaierai de m'en tenir au mercredi pour la publication, le troisième chapitre est déjà bien avancé, donc il ne devrait pas avoir de retard ^^. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé !
Lily-Ange