Chapitre 12, Partie 1

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La pièce était plongée dans l'obscurité. Plusieurs lits étaient alignés, et leurs occupants y dormaient à poings fermés.
Seule une femme était encore éveillée. Plongée sur les papiers qui maculaient son bureau, à l'opposé de la porte, elle travaillait à la lumière d'une bougie.
Elle fronçait ses sourcils, comme pour mieux se concentrer, et ses longs cheveux blonds semblaient briller de mille feux à la lueur de la flamme.

Soudain, la porte s'ouvrit brusquement avant de se refermer aussitôt derrière une fillette brune. Tandis que la femme levait la tête de son travail et lui souriait, elle s'approcha du bureau en sautillant et lui tendit une enveloppe fermée. La blonde eut l'air étonné et l'attrapa, puis l'examina.

- Déjà ?

La fillette sourit espièglement en se tordant les doigts.

- Ç'a été facile, cette fois. Ils ne surveillent jamais cette pile, encore moins quand ils vont me chercher des bonbons.

Elle regarda la femme à la dérobée, pendant que cette dernière ouvrait l'enveloppe. Elle en sortit une liasse de billets, qu'elle se mit à compter avidemment.

- C'est bien, c'est très bien. Tu as fait du très bon travail, déclara t-elle en relevant la tête vers la petite fille qui se tortillait, n'attendant que ses félicitations.

Ravie, elle sortit une deuxième enveloppe de son pull rose et la fit glisser sur la table, un sourire radieux aux lèvres. En la prenant, la femme lui ébouriffa les cheveux, ses yeux pétillant de fierté.

- C'est parfait, parfait. Tu es une bonne fille, murmura t-elle.

Le sourire de l'enfant s'étira encore plus, dévoilant ses quenottes blanches. Prise d'une confiance soudaine, elle contourna la table et posa la tête sur les genoux de la blonde, qui continuait à compter les billets.

- Je me suis dit que comme ça, on pourra acheter des nouvelles chaussures aux jumelles.

La femme se crispa. La fillette, ne remarquant rien, continua en jouant avec une pièce sortie de sa poche.

- Et cette année, on pourrait s'acheter un sapin pour Noël, et une dinde, et même peut-être des cadeaux pour les autres. On pourra aussi se racheter des couvertures parce que celles-là grattent.

La femme se redressa tout à coup, faisant reculer la brunette. Ses sourcils étaient maintenant froncés sous le coup de la colère. Elle agrippa la petite fille par l'épaule et la secoua.

- On en avait déjà parlé, Amélia ! Noël, c'est un piège, et les pauvres tels que nous ne doivent pas tomber dedans ! L'argent investi dedans sera de l'argent en moins dans des dépenses utiles qui nous permettront de survivre. Et ce n'est pas Dieu qui te donnera de la nourriture !

La petite se dégagea, et osa affronter le regard bleu polaire, glacial.

-Mais ça fera plaisir à Stevie et aux autres ! Et je retournerai à l'office, comme ça on pourra lui payer ses médicaments, et changer les couvertures parce qu'elles grattent vraiment !

La gifle résonna sur les murs, faisant grogner les dormeurs.
Amélia, la joue écarlate, retenant ses pleurs du mieux qu'elle le pouvait, balaya de la main les petits tas de billets, les envoyant voleter à travers la pièce.
La deuxième claque retentit, encore plus fort que la première, sur la deuxième joue, et les larmes se mirent à couler.
Soupirant, la femme la prit dans ses bras, lui tapotant la tête.

- Écoute Amélia, le traitement coûtera trop cher. Les couvertures aussi, et tu sais bien que les sapins deviennent introuvables de nos jours. Pour tout ça, il nous faut de l'argent. Toujours. Et pour en avoir, il faut l'économiser et travailler. Alors si tu veux qu'un jour on puisse s'offrir tout ça, il faut que tu travailles. Et, plus tard, on en reparlera. Mais tu verras, les riches subiront le retour de bâton à leur tour, et notre heure viendra. En attendant, travaille, ma chérie.

Amélia n'était pas d'accord. Elle ne pleurait pas de douleur, non, elle s'était endurcie avec le temps. C'est de dépit, de désespoir.
Car le jour où ils auraient suffisamment d'argent, Stevie serait déjà mort, les autres seraient pour la plupart en prison. Elle même serait peut-être arrêtée, puis pendue, pour tant de raisons qu'on lui mettrait sur le dos.
Et alors, l'argent ne servirait plus à rien. Car même si elle n'avait pas la corde au cou, elle serait trop enfoncée dans les ténèbres pour pouvoir s'en sortir.
Mais ça, elle ne pouvait pas le dire. Juste travailler et espérer.

The New Dawn ( En pause )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant