Beyond you

Chapitre 22

 C'était le noir. Le noir total. Je pouvais inconsciemment sentir le coussin sur lequel ma tête reposait.

Un bruit strident me réveilla d'un coup bref. Encore à moitié endormie, je me relevai et essayai d'ouvrir pleinement mes paupières, tant bien que mal. Je regardai aux alentours, en laissant mes yeux balayer la chambre. Je ne vis rien, rien de plus que l'obscurité qu'offrait la nuit. Je croisai mes bras afin de me réchauffer face à la fraîcheur de la pièce. Soudain, mon regard perçut un cadre que je ne connais que trop bien. Un cadre comportant une photo de Logan, ma mère et moi ; reposait par terre. Sans m'en rendre compte, je retenais ma respiration. Mais un autre bruit, plus léger se fit entendre ; un bruit irrégulier. Une respiration. Je me penchai un peu plus vers le rebord de mon lit pour avoir plus de visibilité, quand je l'aperçus. Mon père. L'homme était avachi par terre, sa respiration était saccadée, et il semblait pleurer. Alors que le cadre maintenant brisé, reposait sur le sol, mon père tenait entre ses mains la photo. J'allumai en vitesse ma lampe de chevet. Il ne semblait pas me voir, comme si j'étais invisible. Ses yeux rouges et humides étaient seulement concentrés sur cette photo. Il ne semblait pas triste, non. Il semblait avoir mal, je pouvais percevoir sa douleur. Je ne l'avais jamais vu comme ça, peu importe son travail, son stresse, il avait toujours l'air de quelqu'un de fort et de serein. Même quand il m'infligeait certaines choses. Je pouvais sentir ma main trembler, non ; mon corps tout entier tremblait.

- Tu lui ressembles tellement.

Je sursautai au son de sa voix. Elle était rauque et cassée. Je le regardai avec des yeux ronds, ne sachant quoi répondre. C'était comme si la scène était en pause mais que tout allait trop vite dans mon corps, dans mon cerveau, dans mon cœur.

Il prit appui sur le mur, et se leva non sans peine. Il tenait toujours la photo dans sa main, comme si s'y accrocher en était devenu vital.

- C'était pas com... Jamais ça... Je l'ai...Menso...

Sa voix était un murmure beaucoup trop bas pour être audible, et encore moins compréhensible. Il me fixa sans vraiment le faire, son regard visait plus loin que mes pupilles, comme s'il percevait ou visait quelque chose que je n'étais pas en mesure de voir. Plus il s'approchait de moi, et plus je reculais maladroitement dans mon lit, si bien que mon dos finit par toucher le mur. Il s'arrêta brusquement devant ma penderie. Mon père semblait alors attiré par le contenu.

- J'en peux plus de tout ça. Il s'exprimait maintenant calmement, trop calmement. Je cherchai à comprendre le sujet qu'il évoquait, quand il saisissait un de mes shorts qui traînait. Il était gris et court, c'était un de mes bas de pyjama.

- Au moins c'était pas une pute. Bien que je ne saisis pas le sens de la phrase, celle-ci semblait m'avoir heurté d'une façon ou d'une autre.

- Qu-quoi ? Je prononçai difficilement ce mot tant j 'étais tétanisée. Il tourna lentement la tête vers moi, et eut l'air de réellement me voir pour la première fois depuis sa présence.

- Ta mère n'était pas une pute comme toi ! Elle ne s'est jamais pavanée avec un bout de tissu comme toi ! Il parlait en agitant le short d'une main et en pointant constamment un doigt dans ma direction ; des postillons sortaient de sa bouche lorsqu' il s'exclamait avec fureur. Une veine longeant son coup ressortait même. Ses mots m'avaient frappé de plein fouet.

- Même quand elle m'a trahi ce jour-là, elle se respectait. Même si elle a osé fourrer sa langue dans la bouche d'une autre... ce n'était pas une pute ! Tu me comprends ?! Je ne l'avais jamais vu dans une telle colère. Je ramenai ma couette sur mes jambes comme si le tissu pouvait me protéger. L'espoir fait vivre comme on dit. Ses mots s'agitaient dans ma tête mais rien n'y faisait je ne comprenais toujours pas. Comment ça UNE autre ? « Une » comme une fille...