Après la brumeuse cyclothymie, attaquons-nous à la si faussement célèbre bipolarité. Pourquoi faussement célèbre ? Parce que tout le monde connaît son nom, mais pas ce qu'elle implique. Pour beaucoup, être bipolaire c'est — pour simplifier — dire des mots d'amour et d'affection à quelqu'un pour lui hurler dessus quelques instants plus tard : en bref, changer d'émotion très rapidement. Or... scoop... attendez encore un peu... pas du tout. J'ai l'honneur de vous annoncer cher⋅e⋅s lecteur⋅ice⋅s que vous dépeignez là le lunatisme (prochain segment de ce recueil). Tout d'abord, il existe trois types de bipolarité :
– La bipolarité de type I : Alternance de phases maniaques et de dépression sévère, entrecoupées d'intervalles libres (état naturel).
– Type II : Alternance de phases hypomaniaques et dépressives entrecoupées d'intervalles libres.
– Type III : Regroupe deux types : manie ou hypomanie permanente et causée par des antidépresseurs d'une part (première sorte), et épisodes dépressifs récurrents liés à des antécédents familiaux (deuxième sorte).
Je ne parlerai ici que des types I et II confondus car en poésie, les différencier eût été parfaitement inutile. Ready ?
V.1-2 : "Tu dis « passage », « dépression » // Moi je le sais tout se répète"
La locutrice s'adresse ici à un proche : elle lui met la réalité en face, que si pour iel, elle est "juste" en dépression/déprime, c'est en vérité un cycle sans fin, ce n'est pas une dépression puisque, quand elle sortira de sa phase dépressive, elle saura avec certitude que celle-ci reviendra.
V.3-4 : "Tu verras ma dégradation // Aux pôles je serai abstraite. "
Son état empirera tôt ou tard, dans un sens ou dans l'autre, et le proche assistera à cela sans pouvoir empêcher cette déchéance. Les pôles évoqués sont donc les deux phases extrêmes que traversent un⋅e bipolaire en un cycle : la manie/hypomanie et la dépression. Quand la personne est dans ces phases, elle est généralement incomprise, son fonctionnement est abstrait, paraît —aux yeux de la majorité — dénué de sens.
Strophe 2 : "Et maintenant catatonique // N'est-ce pas encore clinique ? // Que te faut-il pour accepter // Que je veux mais ne peux marcher ? "
J'évoque la phase dépressive par laquelle passent tous les bipolaires. En effet, on remarque chez les personnes souffrant de bipolarité de type I (celle décrite dans "Pôles magnétiques") que la dépression est sévère et peut comporter des épisodes de catatonie. J'y fais aussi référence au déni des proches : ici, l'oratrice s'adresse à une personne niant la réalité de sa maladie ; la "malade" (ce mot, eurk) en est arrivée à un stade de dépression tel qu'elle est catatonique et pourtant, l'auditeur refuse toujours le caractère clinique de sa dépression. Également, la bipolaire ne peut ici plus marcher, se lever, chose "courante" dans une dépression, mais le proche persiste à dire que ce n'est "qu'une question de volonté". Une remarque courante mais destructrice.
Strophe 3 : "Mais attends un an ma manie//Qui mènera à la folie//Mais brièvement, juste un temps,//Puis je regretterai l'avant."
Si c'est pas magique, le deuxième pôle de la bipolarité, j'ai nommée... *roulements de tambours* ... la manie, eh oui mesdames et messieurs ! Donc oui, pendant une phase de manie (qui peut survenir un an après la phase dépressive), la personne pourra (pourra, c'est loin d'être systématique) entreprendre des actions "délirantes" (ex. se promener nu dans le métro, s'infiltrer à l'Élysée pour demander à devenir ministre, ...), débordera d'énergie et de confiance, explosera de rire pour un rien, sera hyperactive, ... Cependant, après une vraie "crise" maniaque, la personne aura tendance à se le reprocher, à en avoir honte, et caetera.
Strophe 4 + dernier vers : "Entre cela, //Tu me verras.//Telle que je suis ? // Je ne le crois pas. // Je te l'ai dit, // C'est un circuit."
J'adore cette strophe. Pourquoi ? Parce qu'elle peut s'appliquer à n'importe quel trouble comportant des crises et des phases d'état naturel. Ce que je veux dire ici, c'est que la personne souffrant d'un trouble ne sera "comprise" par la majorité qu'en phase/période d'état naturel. Hors, la personne n'est pas elle-même uniquement en état naturel, en faisant exception des cas de TDI bien entendu. La personne est "elle-même", avec ses troubles et ses phases. Le circuit d'humeurs d'un bipolaire fait partie de lui, mettez-vous bien cela dans le crâne si vous venez à en être proches. Bourrer une personne ayant des troubles bipolaires de stabilisateurs d'humeur n'est pas une solution à long terme, car comprenez bien que ces médicaments anesthésient les émotions. Sur un laps de temps court, cela peut être salvateur et permettre de sortir d'une spirale infernale, mais vous imagineriez-vous devenir un légume émotionnel toute une vie ? Vous imagineriez-vous ne jamais ressentir ni détresse, ni joie, ni peur, ni peine, ni quoique ce soit de fort ?
C'est tout pour moi, je sais que vous êtes convaincus par mon speach (qui ne le serait pas, héhé......... pas mal de gens ? Ah... tant pis je suppose... *soupire* mais fait chier...)
Prenez soin de vous et de vos proches, même des semi-inconnus et connaissances. ♡
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Psycho-poèmes {ψ}
PoesíaLa psychiatrie expliquée en poésie. Lunatisme, bipolarité, cyclothymie et dysthymie. Schizophrénie et TDI. Tous confondus, n'est-il pas ? Après chaque poème se trouvera son analyse, vous êtes libres de les lire pour mieux comprendre ou non. /!\Ce li...