Jour 1 : Lundi matin

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Ernst

Je déteste les lundis matins. C'est une nouvelle semaine qui commence. Je vais encore me faire insulter de tous les noms... En même temps, je n'y prête plus tellement attention, depuis le temps que ça dure. J'ai vraiment hâte de quitter ce lycée de blaireaux. Comme d'habitude, je suis arrivé dès l'ouverture des grandes portes, bien sûr, aucune salle d'étude n'est ouverte à cette heure-là alors je me suis posé sur un banc, dans un coin de la cour. J'espère, au fond de moi, ne pas trop attirer l'attention jusqu'au début du premier cours. Je lis tranquillement un livre de Sénèque. Je ne sais pas ce que j'ai en ce moment, je m'intéresse à ce type. Des élèves commencent à arriver peu à peu et je commence à regarder régulièrement ma montre. De là où je suis, il y a peu de chance que j'entende la première sonnerie et je n'ai pas tellement envie de m'approcher des bâtiments ou de m'asseoir dans le couloir à attendre...

J'essaie de me concentrer sur ma lecture malgré les gloussements incessants des fumeuses qui sont restées dehors. Bien malgré moi, je finis par relever la tête à l'évocation de Lou. Elle vient d'arriver aux grilles de l'école et je peux la voir au loin. Cette fille est assez incroyable, je dois dire. Elle me fascine. Elle a une démarche souple, féline. Perchée sur ses hauts talons qui compensent sa petite taille, je me demande parfois comment elle arrive à tenir debout. Je trouve tout de même qu'elle a trop de maquillage. Beaucoup de noir dans ses tenues. Mais son style de rebelle lui va comme un gant. Après, elle a une mauvaise réputation, quand même. Un sale caractère surtout, il ne faut vraiment pas l'ennuyer. Elle a un regard glacial qu'elle lance à quiconque ose lever les yeux vers elle. Aussitôt, les gens détournent la tête, et ça vaut mieux pour eux. On dit qu'elle a déjà envoyé quelqu'un à l'hôpital parce qu'il l'avait simplement matée.

Je me rends compte que je l'ai fixée un peu trop longtemps aujourd'hui, plus que d'habitude, elle n'est plus qu'à quelques mètres de moi. Je me suis alors levé en fermant mon livre que j'ai rapidement mis dans mon sac avant de me diriger vers le bâtiment où j'ai cours.

"Ernst !" Quelqu'un m'appelle alors je me retourne. Je suis face à face avec Lou. Mince, elle a dû voir que je l'ai regardée. Pourtant, elle ne fait jamais attention à moi, d'habitude. Il n'y avait que les crétins de la classe qui passaient leur temps à me bousculer, les filles préféraient simplement détourner la tête, et pour Lou et bien, j'avais toujours été invisible et je m'en portais très bien comme ça.

"Heu, oui ?..." Mon ton est hésitant. Bon sang, cette fille m'intimide davantage que n'importe quel quarterback bodybuildé de série américaine... Elle se penche sur moi et colle ses lèvres sur les miennes avant de glisser sa langue dans ma bouche. Tétanisé, je n'ose même pas bouger d'un cil. C'est super agréable, malgré son noir à lèvres un peu collant sur ma bouche. Elle s'écarte légèrement de moi et me regarde avec curiosité.

"Bon, tu viens, chaton ? On a cours." Elle me prend par la main et m'entraîne avec elle.


Lou

Eh merde ! Quelle idée débile ! Mais qu'est-ce qui m'a pris de dire à ma mère que j'ai un copain et que c'était ni l'un de mes ex, ni un drogué mais que c'était juste un type normal ?! Hier soir, elle me disait, toute excitée : "J'ai hâte de te présenter à Luc, samedi !" Apparemment, Luc, c'est son petit-ami parfait en tout point. J'espère pour elle que c'est vrai, parce qu'après que mon connard de père l'ait quittée pour une espèce de blondasse nympho, elle était dans un état pas possible, ma daronne. Mais quand même, pourquoi j'ai balancé que moi aussi j'avais un nouveau copain ? Les précédents étaient tous des abrutis finis et ils ont jamais plu à ma mère. En plus, ils s'habillaient dans le même style que moi juste pour m'approcher ou juste pour faire genre, mais au fond, c'était juste des pauvres types qui avaient pas de couilles et qui auraient pas fait de mal à une mouche. Ça me gave, y'a que des crétins dans mon bahut et je suis sûre que ma mère va se ramener ce soir pour voir si je suis vraiment avec un mec...

Je suis arrivée devant les portes encore plus sombre que d'habitude. Le type de l'accueil m'a à peine adressé un regard avant de baisser vivement la tête sur ses papiers. S'il m'avait regardé une seconde de plus, je serais rentrée dans sa loge, je l'aurais pris par ses bouclettes et je l'aurais fait embrasser son bureau, tiens. Rien que d'y penser, ça me calme un peu les nerfs. Je jette un coup d'oeil à droite, à gauche, dans la cour. J'ai besoin d'un pigeon pour ce soir. Un type facile à manipuler et qui poserait pas trop de questions. Que je pourrais laisser tomber dès que ma mère serait calmée. Oh et puis, fallait pas une espèce de kéké débile soi-disant fan de films d'horreur mais qui fait toujours pipi-culotte. J'en avais eu un comme ça, une fois. Une seule, hein, parce qu'après, j'avais instauré la règle du film d'horreur obligatoire à notre premier rencard cinéma. Comme ça, j'éliminais facilement les chochottes et en plus, j'avais droit à un film gratuit.

Bon, je vois Marc au loin, il est plutôt grand, un peu balèze, mais complètement stupide. Ma mère se rendrait vite compte qu'il avait rien de normal. J'crois bien qu'il lui manque quelques neurones. Enfin, c'est pas de sa faute, hein, il a dû être bercé trop près du mur. Tiens, mais qui voilà ? Ernst et ses bouquins ennuyeux à mourir. C'est un type normal, enfin je crois. En tout cas, sûrement plus intelligent que la moyenne des mecs d'ici. En même temps, c'est facile d'être moins crétins que les babouins et autres chimpanzés de notre bahut.

"Ernst !" Fait chier, j'ai bien cru que j'allais pas réussir à prononcer son prénom, au binoclard de ma classe. C'est bien à cause de ça que je passe mon temps à faire comme s'il existe pas. Ses parents devaient pas l'aimer des masses pour lui avoir donné un nom pareil.

Il s'est arrêté et s'est tourné vers moi. Super. Bon je fais quoi maintenant ? Merde merde merde, j'ai pas pensé à mon plan ! Si je tarde trop, il va s'enfuir, il tremble déjà comme une feuille. Vite, je repense aux films à l'eau de rose de ma mère, comment les gars font pour empêcher les filles de partir pour toujours loin d'eux et de leur coeur d'artichaut ? Ah oui, voilà, ils s'embrassent ! J'attrape mon binoclard par l'épaule et je lui roule une pelle. Il s'y attendait pas du tout. Moi non plus, à vrai dire. Eh mais, il embrasse bien ce con !

Le Binoclard et la Bad Girl [Livre 1 Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant