Sink The Shark (SDNG Tome 2)

6. Mene'thil

- Victor est sorti de prison.

Attends quoi ?

- Victor ? LE Victor ?! Genre comme le Victor qui a balancé mon mec par une fenêtre, me mis-je a crier.

Les mines sombres de Wolf et Chick m'apportent les réponses dont j'ai besoins.

Le calme affolant de Logan n'annonce rien de bon.

En fait, il annonce l'enfer qui va s'abattre sur nous dans peu de temps.

Ses pupilles comme ses narines sont dilatées, ses poings sont tellement serrés que ses ongles se plantent dans ses mains et le font saigner.

Sa respiration se veut calme, mais elle est hachurée.

Je pose ma main sur la sienne et il s'empresse d'entrelacer nos doigts ensemble.

Il serre ma main de toutes ses forces, mais si ça peut l'aider, alors je le laisserais même me briser les os.

Il n'a toujours pas bougé, ce qui inquiète les deux autres hommes présents dans la pièce.

Logan a toujours le regard vide, la tête penchée vers le sol. Si on ne voyait pas sa poitrine se soulever à intervalles réguliers, on pourrait penser qu'il est mort.

- Shark, dis quelque chose...

- Comment ?

Un seul mot. Prononcé avec une telle froideur, une telle haine, que j'en ai des frissons d'effroi.

- Conduite exemplaire. Plus quelques travaux pour aider à purger sa peine.

La veine sur son front est de plus en plus apparente, et il va exploser d'une minute à l'autre.

Je caresse le dos de sa main doucement.

- On trouvera quelque chose mon chat, d'accord ? N'importe quoi, mais quelque chose qui le fera tomber, dis-je d'une voix douce.

Il hoche imperceptiblement la tête.

- T'as entendu Wolf, il examine le dossier jours et nuits. Cet enfoiré n'est pas infaillible, d'accord ? On le fera payer.

Contre toute attente, il m'attire vers lui et me prends dans ses bras.

Il m'aggripe comme si sa vie en dépendait et il éclate en sanglots.

Je voix que Chick et Wolf souffrent de la scène qui se déroule sous leurs yeux. Ils ont toujours connu un Shark qui ne laissait rien paraître. Un homme froid, discret et impitoyable.

Aujourd'hui, ils voient l'homme fragile et détruit.

Je lui chuchote des paroles réconfortantes à l'oreille.

- Aller mon cœur, ça va aller. Il va payer je te le promets. En attendant, on est ensemble d'accord ? Tous les trois. Toi, Amalia, et moi. Les autres on s'en fout.

Il ne cesse de répéter qu'il est désolé.

Mais bordel, il a pas à être désolé !

- Chick, pourquoi une telle décision du juge, demandais-je.

- Il estime que c'était des histoires de gamins, pas vraiment graves.

- Pardon ? Ses problèmes de dos, c'est rien peut-être ? Et sa peur du vide ? Et ses cauchemars qu'il fait presque toutes les nuits, c'est rien ça aussi ?!

Je me mets à crier comme une folle, je suis hors de moi.

Je fais ressortir toute la colère que mon homme garde à l'intérieur de lui et qu'il ne peut exprimer.

- C'était un meurtre, merde ! Et c'était volontaire !

- Calme toi Mene'thil.

- NE ME DIS PAS DE ME CALMER !

J'ai toujours Logan entre mes bras, je lui caresse le dos, malgré mes hurlements.

La scène pourrait être hilarante dans d'autres circonstances tant elle est contradictoire.

J'hurle au scandal pendant que je console et réconforte mon mari avec des gestes tendres.

- Vous devriez rentrer. On en reparlera demain. Je suis désolé Shark.

On se lève et on se dirige vers la moto de mon copain sans plus de cérémonie.

Je prends ses clefs et prends les commandes du véhicule. Il est clairement pas en état de conduire.

D'autant plus que je le connais, et que je sais qu'il va cogiter sans s'arrêter. Il va remettre sa vie entière en question.

Sur la route, j'appelle mon père, pour qu'il nous file la voiture de ma mère et qu'il prépare Amalia.

Hors de question qu'on dorme au Club.

On a besoin d'être chez nous, seuls.

Mais il est hors de question que Logan reste seul, même si la tout de suite, c'est tout ce qu'il souhaite.

Avoir sa princesse avec lui va déjà le calmer un peu. Et lui remettre certaines idées noires en place.

Il doit être fort pour deux maintenant.

À peine arrivés et descendus de la moto, nous entrons dans la voiture sans calculer personne.

J'ai l'agréable surprise de voir ma fille déjà installée dans le siège bébé, c'est niquel, on perdra moins de temps.

Mon père essaie de comprendre mais c'est peine perdue.

Logan n'a toujours pas décroché un mot, mais je vois bien les larmes continuer de couler.

Enfin à la maison, et toujours en silence, je lui mets la petite dans les bras et je prends les sacs.

Il a comme un déclic en la sentant contre lui. Comme si il la redécouvrait.

Je range rapidement les sacs à langer et vais au salon, ou je les trouve tous les deux sur le canapé.

Je m'installe près de mon copain et dépose ma tête contre son épaule.

Il ne veut pas parler ? Très bien. On ne parlera pas.

Par contre, il sera pas seul dans son silence.

Amy regarde son papa, lui attrape le pouce et le met à la bouche.

Ça a eu le mérite de le faire sourire.

Petite princesse s'est ensuite trouvé quelque chose d'encore plus intéressant à mettre en bouche.

Mes cheveux.

Mon soupire désespéré arrache un autre sourire à mon copain, je me dis alors que c'est pas grave et que si ça pouvait le faire sourire, je laisserais volontiers ma fille déguster l'entièreté de mon cuir chevelu.

- J'ai peur.

Premières paroles depuis qu'on a quitté le commissariat.

- Moi aussi.

Ça sert à rien de lui mentir.

- Je vais pas y arriver. Vivre dans la peur qu'il me retrouve et finisse ce qu'il a commencé...

- C'est ce que je vis sans interruption depuis mes seize ans. Pourtant je suis encore là.

Sa respiration s'arrête et il réalise que c'est la vérité.

Jusqu'à maintenant, il avait la sécurité de savoir son meurtrier derrière les barreaux. Moi, je n'ai jamais connu l'identité du mien, et j'ai toujours appréhendé qu'il recommence.

Aujourd'hui, je sais qui il est, et il est en fuite.

Je n'ai pas moins peur qu'il récidive.

Je sais parfaitement ce que Logan ressent, et c'est exactement pour ça que je ne le laisserais pas.

On est les même en tout points, et lorsque l'un de nous n'a pas quelque chose, l'autre le lui apporte.

Aujourd'hui, il n'a pas le courage, moi, je lui donnerais le mien.