Chapitre 25 ❄ Si mystérieuse

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❄❄❄❄ Leyn ❄❄❄❄

Mais qu'avait elle, à la fin ? Pourquoi cet air renfermé, anxieux ? C'était bien la première fois que je la voyais ainsi. J'avais toujours su qu'elle cachait quelque chose. Lie avait eu directement une confiance aveugle en Erra, et elle en avait même été jusqu'à refuser de me parler d'elle. Si Tommy n'avait pas été là, je n'aurais rien su sur cette mystérieuse fille.

Mais il fallait bien que j'avoue que je l'appréciais beaucoup. Dans ma tête tournaient encore en boucle les images de notre escapade dans mon lieu secret, au bord de l'eau, à observer le coucher de soleil. J'avais tellement aimé ce moment. Et puis, j'essayais de me faire croire que je ne lui faisais pas confiance, mais c'était faux. Elle était la seule et unique personne à qui j'avais dévoilé l'existence de mon petit jardin secret. Alors que nous ne nous connaissions que depuis cinq jours... J'aurais pu le regretter, essayer de me consoler en me disant qu'elle allait bientôt partir, mais non. Je ne pouvais pas ressentir une once de regrets. Seulement j'avais trouvé grâce à elle un sens à ma vie. "Vis comme si chaque jour était le dernier..." m'avait-elle dit. Et un soir aussi, elle m'avait fait prendre conscience de ma vocation : observer les oiseaux. Et depuis quelques jours, le soir, avachi sur mon lit et surfant sur internet, je cherchais les différents métiers en lien avec les oiseaux. Aussi loin que je m'en souvienne, c'était ma mère qui m'avait donné cette passion pour ces créatures fascinantes. Elle les aimait elle aussi. Petit, je l'avais souvent vue à la fenêtre du salon, observer les oiseaux qui se posaient de temps à autre sur le rebord, sans crainte. Je pensais avec le recul qu'elle enviait leur liberté.

Aussi, j'avais toujours admiré la relation qu'elle avait avec les oiseaux. Ils n'avaient jamais eu peur d'elle, et on aurait dit qu'elle les avait élevés elle-même, tant ils lui faisaient une entière confiance.

La femme qui murmurait à l'oreille des oiseaux...

Ma mère, cette femme en manque de liberté, si mystérieuse et à l'air toujours aussi nostalgique.

Il y avait une chose, aussi. Depuis que j'étais petit, j'avais une certitude: mon père n'était pas mon père. C'était affreux, de dire ça, mais c'était ce que je ressentais.

Mon père n'avait jamais été très à l'écoute avec moi. Il était toujours au travail, jamais à m'adresser un sourire, un clin d'œil, ou même la parole. J'avais l'impression qu'il ne m'aimait pas. Et que ma mère ne l'aimait pas à lui. Qu'elle en aimait un autre. Ou du moins qu'elle en avait aimé un autre. Ce qui aurait expliqué son air toujours aussi nostalgique...

Mes parents s'étaient mariés trois ans après ma naissance, ils ne me l'avaient jamais caché. Seulement jamais ils n'avaient daté le jour de leur rencontre. Ce qui me poussait à croire qu'ils ne s'étaient connus également qu'après ma naissance.

Je n'étais jamais allé plus loin. Mais la venue d'Erra avait tout bouleversé en moi. Et je m'étais autorisé grâce à elle à me poser cette question : Qui était mon vrai père ?

❄❄❄❄ Erra ❄❄❄❄

- Pardon ? Il a fait quoi ?

Ce matin j'étais allée voir Madame Taylor avec la ferme résolution de lui dire la vérité sur cet Alexandre, le gardien du feu.

À peine rentrée, madame Taylor ne m'avait pas laissé le temps d'ouvrir la bouche et de dire quoi que ce soit. Elle m'avait forcée à m'assoir et m'avait fait face, l'air grave. J'avais pensé qu'elle savait, qu'elle m'en voulait de ne pas lui avoir dit.

Mais ce n'était pas cela. Elle n'avait pas même pris la peine de lire dans mes pensées pour voir si je lui cachais quelque chose. Sans prendre la peine d'introduire son discours, elle m'avait lancé: "c'est Leyn, il est rentrée dans mon appartement pendant mon absence".

J'avais mis quelques minutes avent de réaliser, et de lui demander de répéter.

- Erra, il aurait pu tout comprendre.

Revenue de mon état de choc, je répliquai:

- Madame Taylor, comprendre quoi ? Il ne sait pas que nous existons, tout ce qu'il peux comprendre, c'est qu'il est en danger, rien de plus. Mais tous ces cadres dans votre salon ne l'aideront en rien à comprendre quoi que ce soit.

- C'est toi, qui ne comprend pas, lança-t-elle en haussant le ton.

Je n'avais jamais vu ma gardienne dans cet état. J'aurais voulu protester, mais voyant ses yeux qui viraient au rouge - trahissant sa colère - je me ravisai.

Voyant mon air apeuré, elle reprit sa respiration, attendant de se calmer, puis continua.

- S'il est entré dans mon appartement, reprit elle, c'est qu'il cherchait quelque chose. Des... des preuves, peut-être.

Elle parlait cette fois à voix basse, murmurant presque.

- Des preuves... Mais de quoi ? osai-je. Que pourrait-il soupçonner ? J'ai été le plus discrète possible, je vous le jure.

Cette fois ses yeux virèrent au vert, la couleur de la compassion.

- Je sais, mon enfant, fit-elle tendrement en posant une main rassurante sur mon épaule. Tu n'y es pour rien, je ne sais pas comment il a pu avoir un doute. Mais fais tout de même attention.

Elle s'enfonça dans son siège, en soupirant.

- Cet humain est une perle rare. Il possède plus d'énergie que n'importe lequel des humains précédents que j'ai désignés pour cibles. Mais il fallait s'attendre à ce que la tâche se complique. As-tu un plan pour ta prochaine tentative ?

Je hochai la tête brièvement. Pour mon plus grand étonnement, elle ne me posa pas de question sur le sujet, et bifurqua sur la raison première de ma venue.

- S'il se doute de quelque chose, c'est sûrement à cause du gardien mystérieux, et des visions qui vont avec. C'est d'ailleurs très étrange qu'il garde longtemps dans l'esprit les visions d'éléments. Cela fait peut-être partie du prix à payer pour récupérer son énergie phénoménale. Elle te permettra de rendre tes pouvoirs plus puissants que n'importe qui d'autre.

Elle sourit, puis ses yeux reprirent une couleur normale.

- Des nouvelles du gardien ? Car c'en est bien un, n'est ce pas.

Soudain je me rendis compte que toute l'assurance que j'avais accumulée avant de venir voir ma gardienne, et dans l'objectif de lui dire la vérité, avait disparue. Sûrement s'était-elle enfuie en voyant la colère dont était capable Madame Taylor.

Je pris tout de même une grande inspiration silencieuse, hésitant à chaque seconde. Puis je me décidai enfin.

- Non, rien de nouveau.


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Fille de l'eauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant