Chapitre 37 ❄ Encerclés

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❄❄❄❄ Erra ❄❄❄❄

Je me réveillai, mal de crâne dissimulé par incompréhension. J'étais allongée sur quelque chose de dur, mais ma tête reposait sur autre chose. J'essayai de me relever tant bien que mal, m'appuyant sur le béton sur lequel j'étais étendue. J'aperçus Le visage inerte de Leyn à côté de moi, et me remis debout hâtivement. Ma tête était en fait posée au dessus de la cage thoracique du garçon. Et je ne l'avais pas senti respirer. Pourtant, son cœur battait indubitablement. Je regardai l'heure sur mon portable. 15h37, je n'étais pas restée longtemps inconsciente. Le délai était passé, tout était terminé. Mais pourquoi ? Aucun humain n'aurait pu survivre, et puis... Leyn ne respirait plus. J'aurais pu être écroulée de ne pas être immortelle, mais non. Mes sentiments me faisaient être inquiète pour autre chose. Pour la vie de Leyn. J'essayai alors de le remettre debout. Je saisis son bras et le mis derrière mon épaule pour le transporter. Heureusement, l'immeuble était à deux pas de là, et il n'y avait personne dans les rues. Je hissai alors non sans peine Leyn jusque là. Les marches imposantes se dressaient devant moi, me désespérant. Je posai alors ma cargaison - ou plutôt m'écroulai par terre en le laissant s'écraser - sur le côté, de façon à ce que personne ne puisse le voir. Puis je montai les marches quatre à quatre pour arriver essoufflée à l'appartement de Madame Taylor. J'enfonçai la porte pourtant ouverte. Pourvu qu'elle soit là. Une main se posa sur mon épaule.

- Erra ? Que fais-tu encore là ? Tu devrais déjà être partie !

Elisa Taylor se tenait derrière moi, sur le pas de la porte, l'air inquiet.

- Venez !

Je la tirai par le bras et l'emmenai jusqu'en bas de l'escalier, où Leyn attendait sagement, sans avoir bougé. Quand Elisa l'aperçut, ses yeux s'agrandirent.

- Mais... Il ne respire plus ! Il est mort ! Pourquoi tu... Pourquoi tu n'es pas devenue immortelle ? Ça n'a aucun sens !

- Son cœur bat... soufflai-je, la tête baissée.

Elle m'aida à transporter Leyn jusqu'à son appartement à elle, où nous l'étendîmes sur un matelas. Tandis que j'allais chercher un verre d'eau, Madame Taylor s'assit à côté de lui et posa une main sur son front.

- Non... lâcha-t-elle. Ce n'est pas possible ! Comment ?

Je posai mon verre d'eau sur la table à côté du lit, fixant intensément la vieille Elisa, qui, apparemment très troublée par ce qu'elle venait d'apprendre, renouvela son diagnostic en reposant à nouveau sa main sur le front de Leyn. Je n'osai dire mot de peur de la brusquer. La seule chose qui comptait réellement pour moi à cet instant, c'était qu'il aille bien. Je me fichais de ce que Madame Taylor venait d'apprendre, tant que cela ne concernait pas la santé de Leyn... C'était comme si, à partir du moment où j'étais devenue humaine, j'avais compris le vrai sens de la vie, comme si je m'étais rendu compte de tout ce qui s'était passé jusqu'à présent.

Finalement au bout d'un demi-douzaine de minutes je commençai tout de même à m'impatienter.

- Elisa... osai-je. Pourriez vous me dire... Ce qui se passe ?

Madame Taylor soupira, comme pour se convaincre qu'il ne servait à rien de douter de sa découverte, qu'il fallait simplement l'accepter.

- Ce n'est pas de ta faute, Erra. L'attaque que tu lui as lancé... Aurait été fatale, si...

Elle hésita un instant, mais, voyant mon regard à présent rempli de larmes, elle ne pu me cacher la vérité plus longtemps.

- Si Leyn avait été un humain normal.

Je n'étais pas vraiment sûre de comprendre. Normal ? Ce mot ne signifiait rien. J'allais demander quelques précisions à ma gardienne, mais celle-ci, en voyant mon air décontenancé et troublé, précisa d'elle-même sa pensée.

- J'ai clairement ressenti dans son esprit une puissance magique. C'est cela qui t'a empêché de le tuer.

- Mais... Que voulez vous dire ? Quelle sorte de magie ?

En réalité, c'était évident. Mais je ne pouvais pas comprendre, ni même y croire. J'avais besoin que Madame Taylor me le dise d'elle même, pour que mon cerveau soit prêt à l'accepter.

- Je veux dire qu'il détient en lui un pouvoir de gardiens. De gardiens de l'air, d'après ce que j'ai cru comprendre. Je ne sais pas comment cela a pu arriver. C'est... impossible.

Un gardien ne peut pas en tuer un autre à l'aide de ses pouvoirs. Il peut éventuellement l'affaiblir, ou même lui retirer sa vie durant quelques secondes, comme il m'était sûrement arrivé l'autre jour, quand je m'étais battue contre le gardien du feu. Mais Leyn n'étais pas complètement un gardien. Il n'était pas mort, certes, mais je ne savais pas ce qu'il adviendrait de lui par la suite. "Et de moi ?" Aurais-je pu me demander. Mais ne devenant humaine j'avais pris conscience que la vie était plus importante que le pouvoir. Et j'avais appris aussi la signification du mot "solidarité". Alors à cet instant précis, je voulais juste savoir si Leyn allait se réveiller.

- Ramenons le à sa famille. Peut-être saura-t-elle plus de choses que nous, souffla la vieille femme en faisant avaler de force l'eau au garçon.

- Mais si ce n'est pas le cas ? Qu'allons nous faire ? Ses parents vont s'inquiéter.

J'avais l'impression que tout ce qui importait la gardienne suprême, c'était de savoir d'où venait la puissance magique qu'elle avait ressentie. Mais elle n'écouta pas ma remarque et ferma les yeux. Elle tendit ses deux mains vers Leyn en répétant une phrase incompréhensible. Celui-ci disparut alors, sans crier gare. Mes yeux s'agrandirent, et je regardai Madame Taylor dans les yeux, avant de crier, la voix secouée par la peur :

- Qu'est-ce que vous lui avez fait ?!

Elisa se tourna vers moi pour me rassurer.

- Ne t'inquiète pas, il est juste devenu invisible, pour que nous puissions de transporter plus facilement.

Je ne savais pas que les gardiens suprêmes savaient faire cela. Tout de même, l'appartement de Leyn était juste à côté, cela ne servait à rien d'user de cette magie. Je le fis remarquer à Madame Taylor, qui me regarda d'un air rempli de malice.

- Tu vas voir, attends un peu.

Je lui obéis et attendis. Une minute passa, puis deux... Et je tournai vivement la tête vers Elisa au bout de la troisième.

- Mais... Vous avez retiré le sort ?

Elle secoua la tête.

- Non, c'était juste le temps que cela fasse totalement effet. À présent, tous ceux possédant une quelconque magie pourront le voir. Cela permettra...

- Que nous puissions confier Leyn à une personne connaissant le secret, continuai-je, les yeux remplis d'admiration.

Madame Taylor me sourit, et m'aida à lever Leyn. Puis nous nous dirigeâmes vers la porte d'entrée. Une personne apparemment stressée nous coupa la route. L'homme sortait à première vue du studio d'à côté, alors Elisa lui demanda s'il était le père de Leyn. L'autre acquiesça, et, sans demander son reste, partit en prétextant une urgence.

Leyn avait raison. Son père n'avait même pas demandé s'il allait bien, ce qu'il se passait. Mais le mystère qui tournait autour de la famille du garçon avait-il un lien avec sa particularité exceptionnelle ?


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Fille de l'eauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant