Sunny Diyam
J'arrête ma voiture devant le vieux portail, qu'autrefois mes parents et Moon galéraient à ouvrir, afin de répondre à mon téléphone qui hurlait la sonnerie débile que ma sœur avait « oublié » d'enlever le mois dernier. Cette nana est complètement... tarée. Il n'y a pas d'autres mots. Je me demande bien pourquoi papa et maman l'ont appelée « Moon », d'ailleurs... Je fouille dans mon sac Eastpak posé sur le siège passager, attrape mon téléphone et décroche au plus vite.
– Allô ? je demande en prenant une petite voix timide.
– Allô... Mademoiselle Diyam ? C'est monsieur Costa, le notaire.
– Oh bonjour monsieur Costa. Que puis-je pour vous à une heure si tardive ?
– Je, euh... J'ai oublié de vous dire que j'avais reçu la copie authentique. Vous savez... pour la maison rue... rue Duchenne.
– Oh. Quand voulez-vous que je passe la chercher ? J'imagine que je dois la conserver pour que la maison soit définitivement mienne... Je viens d'arriver, justement.
– C'est exact. Eh bien, comme il vous plaira...
– Je suis libre demain. À quelle heure pouvez-vous me recevoir ?
– Hum, dit-il d'un air penseur. Je pense que dix heures et demi suffira, finit-il par dire au bout d'une minute.
– C'est parfait. Au revoir, monsieur Costa.
Après quelques bafouillements, j'ai juste le temps de l'entendre bredouiller un petit « au revoir » que déjà il raccroche précipitamment. Bizarre... Le mec m'appelle à onze heures moins vingt parce qu'il a « oublié de m'informer qu'il avait reçu la copie authentique », et tout ça dans un charabia de bredouillements... OK... Bah, j'imagine qu'il était distrait. Bon, c'est pas tout ça, mais je crois qu'il est grand temps de rejoindre mes sœurs ! Tandis qu'un large sourire se dessine sur mon visage, j'attrape mon sac tout en enlevant les clefs du contact, ouvre la portière du conducteur et sors en jetant mon Eastpak sur mon épaule. Après avoir glissé mon portable dans la poche arrière de mon jean, je galère, à mon tour, pour ouvrir ce foutu portail vieux de vingt ans. Ma première rénovation, d'ailleurs... Je parviens enfin à ouvrir la bête en ferraille et pénètre dans un jardin plongé dans l'obscurité quand j'entends un cri, qui ressemble à s'y méprendre à celui d'un zèbre mélangé à un... Oh et merde, un bruit chelou, quoi !
– STARYA !!! Y'A LA SAUVAGE DE L'ESPACE QUI VIENT D'ARRIVER !!!!
– T'as entendu le cri que t'as fait Moon, sérieux ? C'est toi, la sauvage de l'espace dans toute l'histoire de la savane ! rigole une voix qui m'est particulièrement familière et chère.
C'est alors que je vois sortir un petit rond de lumière qui se dirige dans ma direction et qui se rapproche dangereusement de moi. Je fronce les sourcils sous l'effet de l'incompréhension la plus totale.
– Moon, qu'est-ce que tu fous avec une lampe frontale sur la tronche ? Tu pouvais pas allumer la lumière de la terrasse, plutôt ?
– La flemme ! Fais-moi un câlin ! me supplie-t-elle en me prenant dans ses bras.
– J'espère que t'as pas trop fait de conneries dans ma maison en mon absence, quand même... je rétorque en la serrant rapidement.
– Non t'inquiète, je l'ai tenue en laisse ! plaisante la nouvelle venue, après avoir allumé les lumières de la terrasse.
– Starya, tu es un amour. Merci d'avoir géré cet ouragan.
– Je t'en prie. Comment tu vas, princesse ?
Je me blottis dans les bras de la douce voix qui s'était portée à mon secours. OK, OK, on va faire un petit arrêt sur image. Moon, c'est la chose qui me sert de grande sœur. C'est aussi une infirmière âgée de 27 ans. Comme vous avez sûrement dû le constater, je suis moins proche d'elle que de Starya, ma cousine. Oui : je sais que tout à l'heure j'ai dit « mes sœurs », mais je la considère comme telle... C'est la personne la plus chaleureuse que j'ai jamais rencontrée de toute ma vie. Je suis désolée, mais cette fille, c'est la douceur et la gentillesse incarnées dans un corps de perfection ! En plus, elle est super connue grâce à ses bouquins. Elle dé-chire. Bref, elle s'appelle Starya Diyam, elle est écrivaine et vient de fêter ses 26 ans. Nos pères étaient frères, donc c'est pour ça qu'on a le même nom de famille.
– Je vais bien. Enfin, je vais bien mieux depuis que je respire l'air de l'océan... Ça me fait du bien !
– Bon les petites, c'est pas tout ça, mais moi je repars demain à l'hôpital de Bordeaux : faudrait que je dorme. Non pas que vous me faites chier... Mais six heures et demi du mat', ça pique.
– Je t'avais dit de ne pas attendre Sunny, mais t'en fais qu'à ta tête !
– Nia nia nia !
– C'est pas grave Moon, ça m'a quand même fait plaisir de te revoir. Bonne nuit !
– 'Night ! me lance-t-elle après quelques secondes. 'Nuit, Stari ! reprit-elle après un temps d'arrêt.
– Je suis pas un pokémon. Respecte un peu mon prénom, espèce de lune.
– Eh oh, je sais bien que nos parents étaient tous fans des astres, mais on va s'arrêter là, d'accord ? Starya, viens avec moi dans le salon : je dois te parler.
Tandis que Moon lui dit au revoir, Starya hoche vivement la tête et, une fois seules, je lui prends la main et l'entraîne dans le salon. Tandis qu'elle s'occupe de fermer la maison et les lumières, je dépose mon sac sur le sol et me vautre sur le canapé moelleux de notre grand-mère. J'attends ça depuis des semaines : un petit peu de repos ! Cette maison m'a beaucoup manqué. Il me tardait de retrouver ce vieux plancher qui craque quand on se lève la nuit, ces petits oiseaux en fer blanc qui pendent au lustre du salon, la télé qui bugue chaque fois qu'on marche trop fort et trop près d'elle... Même cette vieille maison de poupée encore recouverte du drap, que notre grand-mère s'obstinait à mettre pour éviter qu'elle prenne la poussière, m'a manqué. D'ailleurs, nous n'avons jamais compris l'utilité de ce geste, étant donné que nous avons très peu joué à cette maison de poupée... Mais bon. Starya revient tranquillement dans la pièce, s'assoit dans le fauteuil à motif floraux en face de moi, et me sourit tendrement. Ah... Voilà ce qui manquait. Son sourire.
À suivre...
VOUS LISEZ
Fake Your Idiocy
Short StoryC'est l'histoire d'une jeune fille, Sunny, qui doit jongler entre son rôle d'amie, de sœur et de potentielle petite amie. Mais quand l'homme qu'elle trouvait enfin à son goût déraille, sera-t-elle capable de lui pardonner ses idioties ? Ou devra-t-e...