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Février 2016 - 4 ans plus tôt

- Charlie ? Charlie, c'est bien toi ?

Que devais-je répondre devant son rire moqueur ? Était-ce moi la cible de ce regard plein de jugement ?

- T'es pas Charlie, c'est pas possible !

- Si, Maria. Lui dis-je. C'est moi.

Maria... Ma fidèle amie, à l'époque. La plus belle de jeunes filles que j'ai connues. Grande, fine, élégante. Perchée sur ses talons hauts, ses cheveux blonds flottant dans l'air au rythme de ses pas confiants. Elle était la perfection, à mes yeux. Rien ne pouvait l'égaler. J'aimais être avec elle. Nous nous connaissions depuis le lycée. Dès notre première rencontre, elle a voulu en savoir plus sur moi. Et je l'ai suivie. J'aurais pu la suivre jusqu'au bout du monde, tant je l'aimais. Elle était mon roc, celle avec qui je partageais mes confidences, mes peines, mes peurs, mes doutes... mon bonheur.

- Tu es laide.

Mais elle ne m'aimait pas. Elle ne m'a jamais aimée. Elle me détestait.

- Je ne suis pas en forme en ce moment, Maria.

- Peu importe, répondit-elle, je t'ai toujours trouvée laide.

- Qu'est-ce qui t'énerve, Maria ? Qu'est-ce qui te rend si détestable ?

- Toi, Charlie. Toi et uniquement TOI ! J'ai été impatiente de te retrouver pour t'adresser ces mots, tu sais ? Je ne veux pas de toi, je ne te supporte pas ! Tu es une voleuse ! Une voleuse, tu m'entends ???

- Mon opération à Paris s'est bien passée, si tu veux savoir. Mais j'ai une cicatrice douloureuse sur le torse, je n'ai pas la force de te crier à quel point je suis déçue de tes paroles.

- J'm'en branle de tes problèmes ! T'aurais dû crever ! Ta maladie ne change rien, je te déteste toujours autant ! Mais, maintenant... Je veux te tuer, Charlie. Je veux juste te tuer.

- Je pensais qu'en revenant, tu m'acceuillerais les bras ouverts. Je pensais que tu serais heureuse. Moi, j'avais hâte de te revoir et de te raconter ce que je viens de vivre. Mais je me suis trompée. Malheureusement, on ne peut pas tout prévoir.

- Kilian a déménagé, dit Maria avant de fondre en larmes avec désespoir. Et tout ça c'est de ta faute ! Si tu n'étais pas partie faire ton opération aussi loin, il serait peut-être resté !

- Kilian... Le mec qui me cours après ?

- TA GUEULE ! Ça fait des années que je l'aime, ce garçon ! Six putains d'années que j'essaye de me faire remarquer ! Tous les mecs me désirent, pourquoi a-t-il fallu que celui dont je tombe amoureuse ne m'accorde pas la moindre attention ? Et, bien sûr, tu es arrivée ! Puis je l'ai vu. Je l'ai vu te regarder avec des yeux doux ou tenter de t'inviter à sortir. Mais toi, aveugle, tu n'as même pas compris son jeu et tu lui foutais des râteaux à chaque fois, sans le vouloir.

- Tu aurais dû m'en parler.

- TAIS-TOI !!! Il était fou de toi, tu m'entends ??? Il était raide dingue de toi ! Toi, la vermine, la fragile, l'incapable ! Toi, Charlie. La voleuse, l'escroc, la vipère. Tu ne l'a pourtant jamais calculé. Kilian était à tes pieds et tu ne voyais rien. Et moi, j'étais impuissante. J'ai eu l'idée de venir te parler pour essayer de comprendre comment on pouvait aimer une telle ordure, mais c'est parti trop loin. Tu t'es trop vite attachée à moi.

- Maria... T-tu... Tu n'as jamais voulu être mon amie ?

- Non. Tu étais juste la chose qui me permettait de me rapprocher de Kilian. Lorsqu'il venait te parler, j'étais là. Et j'en profitais pour créer des liens.

- Je ne suis que ton joujou, c'est ça ? Un simple joujou qu'on peut utiliser à sa guise ?

- Naïve comme tu es, tu es facilement manipulable. Mais tu es partie. Tu es partie à Paris pour cette opération. Je crois que ton départ lui a fait réaliser qu'il ne voulait plus vivre ici. Donc il est parti, lui aussi. Il est parti je ne sais où. Il est parti... Et tout ça par ta faute.

Je n'avais jamais vu son mascara couler autant. Cette histoire abominable m'a donné des hauts-le-cœur. J'étais fendue en deux. Mon cœur était brisé.
Maria n'a donc jamais été mon amie. Elle était mon maître. J'étais son chien. Je ne le savais pas.

- Tu es laide. Répète-t-elle avec colère. Tu es bien trop laide pour être aimée. Même avant cette opération tu étais laide. Tu avais de la poitrine, tu avais le teint frais, les cheveux flamboyants... Mais tu étais laide. Et là, tu es encore pire. Tu es plate, sans aucune forme. Tu es pâle, fatiguée, salie par les énormes cernes sous tes yeux. Et tes cheveux... c'est un désastre. Comment peut-on t'aimer ?

Jusque là, elle m'avait toujours rendue heureuse. Elle me consolait lorsque j'étais triste. Elle le faisait si bien. Ce soir-là, j'ai eu l'impression de rencontrer une nouvelle personne. Je pensais connaître Maria, mais ce qu'elle me montrait pendant notre amitié n'était que mensonges.

- Tu n'es qu'une incapable ! Espèce d'incapable ! Je te déteste ! Je ne veux plus jamais revoir ta sale tête ! Dégage !

- Adieu Maria. Réussissai-je à dire en m'éloignant.

Suite à cette conversation, je passai ma soirée à me lamenter. Je me fichais de souiller mon visage pâle de grosses perles salées. Pleurer. Ça faisait mal de crier ma tristesse. Mal au cœur. Pleurer. J'avais mal au cœur, oui, il était brisé par ce monstre. Ce monstre auquel j'ai accordé trop d'amour inutile.

J'ai compris plus tard qu'un monstre ne méritait pas d'être pleuré. Alors j'ai cessé mes larmes, seule, j'ai pris ma décision.

Ce soir-là, j'ai appelé ma mère.
Ce soir-là, elle a accepté de m'aider.

"Maman, je veux quitter Brest. Je veux laisser cet endroit. Je veux partir loin, ailleurs. Je veux vivre par moi-même, éloignée de tous ceux qui m'ont détruite. Je veux recommencer ma vie. La refaire. Je veux devenir la nouvelle Charlie. Celle qui a surpassé un cancer. Celle qui fait tout ce qu'elle veut. Celle qui n'a plus peur de la trahison.
Pour être le nouveau moi, il me faut la nouvelle vie."

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Maintenant vous comprenez pourquoi Charlie a mis du temps avant de se refaire des amis...

Bonne nuit mes p'tits kiwis ! 💙

AGENT C13 - 𝚓𝚘𝚢𝚌𝚊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant