La menace du Rhûn

1. Le roi du Gondor

Les reconstructions après la bataille du Mordor avaient été longues et douloureuses. Les pertes de nombreux habitants et soldats se faisait ressentir à Minas Tirith. Les femmes, laissées de côté pendant les batailles du Gondor et du Rohan, se donnaient corps et âme à reconstruire les villes, jadis sintillantes et regorgeantes de trésors, de joie et de vie. Elles s'étaient faites la promesse que leurs enfants vivraient dans un monde en paix, où les tracas et peines ne seraient que de lointaines légendes. Un monde sans guerres, un monde gai, un monde calme et prospère. Des gens heureux. Une sérénité à tous prix. Pour cela, les habitants comptaient sur leur roi, Aragorn, fils d'Arathorn, descendant d'Isildur. Lors de la bataille, il avait mené à la victoire les armées et les citoyens lui menaient un culte et un dévouement sans limite. Un roi bon et fort, malgré sa récente perte. Sa femme, Arwen, était décédée en donnant la vie à un petit garçon, qui, loin de sa mère, n'avait pas survécu.

Aragorn avait dès lors tenté de fuir le Gondor, menant des expéditions dans le Mordor à la recherche d'un ennemi se trouvant là. Mais il n'avait rien trouvé. Il devait s'occuper l'esprit à chaque instant de la journée, ne voulant pas céder à la dépression le menaçant. L'inaction et le règne n'étaient à l'évidence pas pour lui, mais là était son destin, et il l'accomplissait, non sans regret. Combien de fois avait-il voulu rejoindre Legolas et Gimli, dans leurs voyages chez l'un et chez l'autre... Mais il n'avait pu à ce moment se soustraire de ses devoirs, et maintenant qu'ils s'amoindrissaient, ses amis ne donnaient plus signe de vie.

Il recevait de temps à autres des lettres de Frodo, et de Sam, ainsi que d'Elrond parfois mais rien de ses compagnons de route. Cela l'attristait grandement, mais en un sens, il comprenait. Legolas et Gimli avaient toujours été très proches, une amitié dont il s'était parfois senti exclu. Il enviait la position de Gimli auprès de Legolas. Il aurait aimé lui, chevaucher derrière son ami, cheveux au vent et s'accrochant autour de la fine taille de l'elfe. Tant de rêves jamais vécus, dans un grand regret. Il avait vécu de très belles années pendant son mariage, mais maintenant qu'il était vain, la visite du prince et du nain l'aurait empli d'une joie certaine.

Mais il devait cesser d'espérer. Ils ne viendraient pas.

Un matin comme les autres, il se dit que, puisque personne ne venait à lui, ce serait lui qui irait à eux. Il inventa une histoire de marché et de commerce pour justifier son départ et laissa le Gondor sous le commandement de Faramir et Eowyn. Il avait pleine confiance en eux.

Il prit son fidèle cheval aux écuries, sourd aux protestations de ses valets, le priant de se faire accompagner, pour éviter les mauvaises rencontres. Mais Aragorn refusait la présence de quiconque à ses côtés. Il était un rôdeur. Il savait se déplacer.

Il ne savait pas où se déplacer en premier lieu. À Erebor, où se trouvait sûrement Gimli, ou à Mirkwood, où était Legolas. Il se décida pour cette seconde destination, légèrement plus proche. À cheval, il mettrait pourtant plusieurs semaines avant d'atteindre son but. Il décida de partir pour un mois. Il n'avait pas beaucoup visité le Rhûn et d'étranges rumeurs parlaient en mal de la mer de l'est. Aragorn voulait être sûr que rien d'inquiétant ne s'y passait.

Il emporta assez de provisions pour tenir plusieurs mois et promit à Eowyn de donner régulièrement de ses nouvelles. Il trouverait sûrement sur son chemin des messagers consentants à apporter les messages du roi du Gondor.

Après longues discussions sur son trajet, il finit par partir, de nuit, comme à son habitude. Il souhaitait arriver au plus vite et attendre une nuit aurait été inutile à ses yeux ; il voulait être au plus vite avec ses amis. Il avait même écrit à Gimli pour lui signifier sa venue chez Legolas. Le messager était parti peu avant lui, mais se ferait relayer. Le fait que Gimli soit à Gran' Peur avant lui était donc très probable, ce qui n'avait rien pour lui déplaire.