J'ai pour l'instant dépeint le portrait d'une femme forte. Cependant, en observant bien, Bérénilde n'existe que par le prisme des hommes (Thorn, mais on l'a déjà dit) et de fonctions « féminines » (je mets volontairement les guillemets). Je m'explique.
Pour les périphrases permettant de désigner des hommes, j'ai le choix avec leur métier, comme « intendant », « ambassadeur »... Avec Bérénilde, et c'est très révélateur, je me retrouve uniquement avec « la tante de Thorn » ou « la favorite de Farouk ».
Bérénilde n'a pas eu le choix. Elles sont rares les aristocrates qui peuvent exercer une profession comme Cunégonde ou Hildegarde. Cette vision de Bérénilde est donc essentiellement due au fonctionnement du monde sexiste dans laquelle elle a évolué et qui ne lui a pas permis d'être autre chose. Si pardon, j'exagère : elle pouvait être bienfaitrice en province, comme on a pu le voir aux Sables d'Opale dans le Tome 2. Cela n'a rien d'étonnant, dans l'Histoire de France et d'ailleurs, le financement de bonnes œuvres était aussi l'occupation des femmes nobles ou bourgeoises. Etait-ce d'ailleurs une manière pour Bérénilde de compenser la cruauté et l'absence de moral dont elle pouvait faire preuve à la Cour ? Je vous laisse en débattre.
Cette membre du clan des Dragons est la figure de la mère dans les romans de Passe-miroir, plus encore que peut le représenter la mère d'Ophélie. Ces deux figures s'opposent d'ailleurs sur plusieurs points mais se recoupent : elles protégeront bec et ongle leur enfant jusqu'à permettre à ces derniers de prendre eux-mêmes leur envol. Parce que l'a mère d'Ophélie l'aime, il n'y a qu'à voir à quel point elle est bouleversée de ne pas avoir su la protéger dans le Tome 4. Les pères sont absents, mais les figures maternelles dans la Passe-miroir constituent réellement des soutiens pour la génération suivante. Ce sont des figures capitales dans le développement de leur enfant. Leur cran et leur courage est en effet digne de respect et d'admiration.
Je reviens un instant sur les différence entre la mère d'Ophélie et Bérénilde : « rouge et matérialiste » pour la mère d'Ophélie, « Blanche et éthérée » pour Bérénilde. Leurs caractères sont bien différents : « Crier et courir » semblent être les deux grands piliers d'éducation pour la mère d'Ophélie (elle me faisait souvent penser à Mrs Bennet d'Orgueil et Préjugé dans sa manière de vouloir lui trouver un mari...), tandis que la seconde fait montre d'un calme impressionnant. Les deux ont su cependant protéger l'héroïne, la première en lui offrant une belle enfance et la seconde en la protégeant à la Cour.
C'est d'ailleurs, en voulant la protéger que Bérénilde prend une des décisions les plus lourdes de conséquences pour un personnage de ce roman. A la fin des Fiancés de l'hiver, Bérénilde décide de se mettre sous la protection de Farouk. Elle se remet entre ses mains et perd son indépendance pour Thorn et Ophélie. Elle va jusqu'à s'enfermer dans le gynécée : à présent, sa vie est Farouk et rien que lui. A partir de cet instant, elle dépend de l'Esprit de Famille. S'il lui retire ses faveurs, elle n'a plus rien. Toute sa place et sa légitimité ne dépend plus que de lui. Pour une femme aussi forte, c'est une lourde et grave décisions, et demeure pour moi, une incroyable preuve de l'affection qu'elle porte à Thorn et à Ophélie.
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L'Analyse de personnages - La Passe Miroir
De Todo« Au commencement, nous étions un ». C'est ainsi que commence le premier tome de la Passe-miroir. Lorsque j'ai lu cette phrase, j'ignorais que j'allais découvrir un aussi beau roman et me trouver autant transportée dans son univers. Et ce qui m'a l...