Sur le chemin du village

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Retour au point de vue de William Schofield.

Je suis Blake en prenant le temps de redresser mon équipement sur mon dos. La poussière me chatouille encore la gorge et me fait tousser. Je crache pour essayer de faire disparaître cette sensation de gêne. Nous arrivons sur une longue passerelle de bois, aménagée par les allemands, sûrement pour faciliter le passage et limiter la boue. Des deux côtés de cette passerelle, des douilles d'obus par grande quantité jonchent le sol ainsi que des cadavres de tanks. Blake observe cette scène d'un air étonné.

- Regarde ça. Ils ont détruit leur armement.

- Ils ont détruit leurs tranchées, aussi.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Je crois qu'ils voulaient qu'on passe par là. Ils voulaient nous enfouir là-dessous.

Plus nous avançons sur la passerelle et plus l'armement détruit devient important. Ce ne sont plus seulement des tanks mais aussi des canons, des restes de chars.. Les mêmes sacs que ceux utilisés pour fortifier les tranchées sont aussi empilés sur le sol. Des rats s'amusent d'ailleurs à se balader dessus. Blake pose son regard dessus en passant à côté.

- Putain de saloperie de rats.

Je porte mon fusil sans le pointer dans une direction précise. En voyant tant de matériel détruit, je me doute bien que les allemands sont définitivement partis de cette position. Je pense que notre trajet ne sera pas perturbé pour un bon moment.

- Hé, on t'a raconté l'histoire de Wilko ? Qui a perdu son oreille ?

- Je suis pas d'humeur. Quitte pas les arbres des yeux, au sommet de la crête.

Je garde la tête levée, les yeux ne lâchant pas un seul instant les arbres. Elle est bien belle l'histoire de Blake mais si des allemands sont cachés en hauteur, dissimulés par le feuillage, elle ne les empêchera pas de nous tuer facilement. Il en fait de même quelques secondes et rebaisse la tête en se désintéressant complètement des arbres. Génial.

- Il t'a dit que c'était un shrapnel ?

Et merde, il a réussi à capter mon attention avec cette phrase. Je n'ai qu'une envie, connaître la suite.

- Hm.. C'était quoi, en fait ? 

- Bah, tu sais que sa fiancée est coiffeuse hein ? Et il se plaignait du manque d'installations sanitaires, quand il lui écrivait. Tu te rappelles les goguenots infects, à Arras ?

Arrivés à la fin de la passerelle, nous avons commencé à monter sur la fameuse crête dont je parlais quelques instants plus tôt.

- Ouais.

- Bref, elle lui envoie de l'huile pour cheveux. Ça a une bonne odeur sucrée. C'est comme du miel. Wilko, adore ce parfum, mais il veut pas trimballer ça dans son paquetage. Alors il s'en tartine une bonne grosse couche partout sur les tifs. Il s'endort. Et au milieu de la nuit, il se réveille. Y'a un gros rat qui est installé sur son épaule et qui lèche l'huile sur sa tête. Wilko est pris de panique. Il se lève d'un bond. À ce moment-là, le rat lui arrache sa putain d'oreille d'un coup de dent et il se débine avec.

Nous rions de bon coeur à cette histoire. Je suis tellement plongé dans le récit de Blake que je remarque à peine que nous avons déjà passé la montée et qu'une grande étendue d'herbe verte se dresse devant nous.

- Non ?

- Il a fait un de ces baroufs ! Il braillait, il gueulait.. Le plus beau, c'est que il s'était foutu tellement d'huile qu'il pouvait plus s'en débarrasser. C'était comme un aimant. Les rats nous laissaient peinards mais ils pouvaient pas se passer de lui. Pauvre type..

Au bout de 2 ou 3 pas supplémentaires, nous nous arrêtons et nous observons des avions passer au loin dans le ciel. Je les identifie comme des avions anglais. Ce qui est sûr, c'est que je ne les lâche pas du regard.

- Ils repartent au pays. Je me demande ce qu'ils ont vu.

Je tourne la tête vers Blake. Nos regards se croisent un moment puis il détourne le sien avant de reprendre la marche.

- Surveille la ligne de crête.

Nous foulons enfin l'herbe bien verte. Je rattrape Blake et marche à ses côtés.

- Bon, t'as ta médaille en poche, alors ?

- Qu'est ce que tu veux dire ?

- Le caporal Blake, avec un courage exceptionnel, a sauvé son camarade d'une mort certaine, bla bla bla...

Je prends grand soin de bien employer un ton à la limite du sarcasme.

- Tu crois ?

- Oui.

- Ben, ce serait bien. Vu que t'as perdu la tienne.

- Je l'ai pas perdue.

- Où elle est passée alors ?

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?!

Je baisse la tête pour passer sous un arbre. Les question de Blake commencent sérieusement à m'agacer alors il se pourrait certainement que je vienne d'hausser le ton et de me montrer agressif dans ma question..

- Pourquoi t'en as rien à faire ?

- J'ai fait un échange avec un capitaine français.

- Tu l'as échangée ??

- Hm hm.

- Contre quoi ?

- Une bouteille de vin.

- Pourquoi t'as fait ça ??

- J'avais soif.

- Quel gâchis ! T'aurais dû.. la rapporter chez toi. T'aurais dû.. la donner à ta famille. Des hommes l'ont payé de leur vie ! Si j'avais une médaille, je la rapporterais. Pourquoi t'as pas fait ça tout bonnement.

Bon. Je n'en peux plus de ses leçon de vie et de ses questions.

- Écoute, c'est un bout de fer blanc, rien d'autre. Ça te rend pas important. Ça change rien pour qui que ce soit.

- Bien sûr que si. Et c'est pas qu'un bout de fer blanc. Y'a un ruban avec.

Je ris à sa remarque. Nous avons déjà bien avancé dans la vaste étendue d'herbe. Je m'arrête d'un coup, soupire, et me retourne vers Blake.

- Rentrer ça a été horrible. J'ai détesté. Quand j'ai su que je devais y retourner, que je ne pouvais pas rester et qu'ils ne me reverraient peut-être plus jam..

Je reste bloqué sur ce mot. Je refuse de le dire. J'ai espoir de pouvoir rentrer un jour alors je refuse catégoriquement. C'est trop dur rien que d'y penser. Je suis impuissant face à ce sentiment. Je reprends mon souffle et regarde le sol. Je repars devant sans jeter un regard vers Blake, resté derrière moi, qui regarde dans le vide avec un air pensif. Je pense qu'il a enfin compris ce que représentait cette médaille pour moi. J'espère qu'il a compris que je ne voulais pas en parler et qu'il accepte le choix que j'ai fait. J'arrive au niveau d'un mur de pierre, détruit par endroits. Blake m'y rejoint.



Je vous l'accorde, ce chapitre est court mais je ne pouvais pas faire plus long. Je sépare les chapitres en fonction des moments clés du film. Ce n'est pas non plus le chapitre le plus intéressant mais il montre le ressenti de Schofield par rapport à sa médaille. On comprend clairement comment Blake voit l'obtention d'une médaille et comment Schofield la voit lui. Deux points de vue différents que je trouve intéressants parce que le mien comporte des arguments des deux.

Enfin bref, si vous remarquez des fautes, des incohérences, des tournures de phrases étranges, n'hésitez pas à me le signaler en commentaire ou en message Wattpad  ^^

1917Où les histoires vivent. Découvrez maintenant