AU REVEIL, j'avais la bouche pâteuse et la désagréable sensation que le monde tournait quand j'y posais le pied. Sentiment qui me revenait souvent, malheureusement.
A mes côtés, Daphné dormait encore à poings fermés. Gene, en revanche, était assise à son bureau. Elle fixait le vide, ses écouteurs dans les oreilles.
"Bien dormi ? demandais-je en me relevant sur les fesses."
Au vu de ses yeux rougis et de la mine fatiguée qu'elle affichait, j'en doutais pas mal.
"Ce que j'ai dit hier...
- Mh ?
- Je sais plus vraiment ce que j'ai dit, mais j'aimerais vraiment qu'on en reparle plus. Ok ?
- Ca marche."
Je m'extirpais de la couette étouffante de Geneviève et m'assit en tailleurs à côté d'elle.
"Je suis pas forcément d'accord avec Daphné, objectais-je.
- Rochelle, j'ai vraiment pas envie d'en parler.
- Mais tu peux pas fuir, intimais-je durement. Tu peux pas éviter la conversation. Eviter la conversation, c'est nous dire qu'on a raison et que t'es pas prête à le dire. C'est fuir."
Les lèvres de Geneviève se pincèrent.
"Si je voulais une séance de psy, j'irais voir quelqu'un qui a un diplôme. Pas une nana de mon âge qui fuit dès qu'on manifeste un tant soi peu d'intérêt à son égard."
J'encaissais. Ca ne servait à rien de s'énerver pour si peu.
"Si tu t'intéresses à moi, dis le moi clairement. J'ai pas de temps à perdre avec cette connerie d'amour.
- Je m'intéresse à toi quand tu te mêles de ce qui te regarde, affirma-t-elle sans une once d'hésitation."
Je croisais son regard, si fatigué deux secondes auparavant. Il débordait d'assurance, il me soutenait et je me sentis mal à l'aise.
"Alors maintenant, quoi ? On va plus jamais entendre parler l'une de l'autre ?"
Je ne répondis pas, essayant de savoir quoi dire.
"C'est bien beau, de faire des leçons, affirma Geneviève avec une certaine aigreur. Mais quand t'agis comme de la merde, ce serait pas mal de le reconnaître."
Je prenais assez mal le fait qu'une fille que je ne côtoyais que deux jours par an me donne des leçons de vie.
"Alors c'est pas réciproque, affirmais-je froidement."
Je réunis les quelques affaires que j'avais éparpillé et les fourrais dans mon sac. Geneviève me fixa, longtemps. Elle se heurta à l'acier de mon regard. Elle y espérait une faille, quelque fragilité qui fasse vaciller ma voix.
Elle cherchait quelque chose qui lui ferait ressembler à moi.
Mais elle et moi n'étions pas du même moule. Elle cachait sa fragilité tout en l'exposant aux yeux de tous. Et moi, je ravalais mes sentiments si bien que je n'avais plus l'impression d'en avoir réellement.
Je ne me sentais guère peinée de ce que je venais d'annoncer, d'une voix si dure pourtant. Je n'allais pas verser de larmes, peut-être éprouver une pointe de regret.
"Donc, tu fuis, constata-t-elle avec une colère maîtrisée."
Je la voyais bouillonner, de colère ou de peine ou un hasardeux mélange des deux. Ses sourcils s'agitaient, sa bouche tremblaient mais elle s'efforçait de paraître impassible.
VOUS LISEZ
D'amour et d'eau salée.
Dla nastolatkówRochelle a tout juste dix sept ans, un mépris de son prénom, de son frère jumeau et du village de Saint-Palais où ses parents l'emmènent tout les étés. Heureusement qu'à Saint-Palais il y a ses amis d'enfance pour lui permettre de passer deux semai...