Chapitre 6

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Les jours continuent de défiler et Neji et moi sommes maintenant habitués à notre train-train quotidien. Chaque jour, je me lève aux aurores pour aller à l'hôpital, Neji m'accompagne, m'embrasse la joue et repart en ville. Nous nous sommes petit à petit rapprochés, tellement qu'il m'a un jour avoué que cette couverture l'énervait. Pour quelqu'un qui ne critique jamais les missions, aussi pourries soient-elles, cela m'a grandement étonnée et je me suis immédiatement excusée de l'ennuyer autant. J'assimilais sa colère à la banalité de ma présence, mais il n'a pas compris de quoi je m'excusais. Nous nous sommes observés bizarrement avant qu'il ne continue sur sa lancée pour d'éviter tout malentendu. J'ai finalement compris qu'il parlait de son sois disant métier d'architecte. 

-"L'architecture ici est tellement différente de celle de Konoha que je ne m'y fait pas", m'avait-il avoué. "Je n'arrive pas à apprécier la ville, alors comment chercher à l'embellir ?"

J'avais ri un bon coup histoire de faire partir la tension qui m'avait habitée, et avait tapoté sur son épaule.

-"Ce n'est pas si grave, ce n'est qu'une couverture.", avais je répondu.

Il avait bougonné quelque chose et -d'après ce que j'avais compris-, il désirait se rendre utile de la même manière que moi je me rendait indispensable à l'hôpital. Il voulait servir à quelque chose. 

-"Mais tu n'es pas inutile ! Comment est-ce que je trouverai le motivation de me lever le matin si tu ne le fais pas en même temps que moi ? Pourquoi je rentrerai à la maison si tu ne m'y attend pas ?"

J'avais balancé toute cette tirade d'un coup, sans penser aux conséquences de mes paroles. Lorsque j'avais reporté mon regard sur lui, ses yeux avaient changés. Je ne saurais dire quoi, mais ils brillaient d'une étrange luminosité qui me faisait me sentir... fébrile. Ma lèvre tressauta légèrement, prise d'un soubresaut soudain, et ses pupilles se posèrent immédiatement dessus. Comment échapper à son regard ? Je me sentais mise à nu et laissée dans la plus petite pudeur qu'il m'a été donné d'être. Je fondait, j'avait chaud et je mourrais d'envie qu'il me serre for- pardon ? 

Le claquement des doigts devant mes yeux me réveilla. 

-"Il est temps de partir.", fit-il en coupant court à mes réflexions.

***

Un petit garçon sur un brancard passe les portes de notre service, en urgence. Devant les cris, je me redresse et me penche devant mon nouveau patient, un sourire sur mon visage et prête à faire la discussion avec un jeune enfant. Mais ce sourire part bien vite quand je vois l'état dans lequel il est. Petit, six ans tout au plus, il se tient au centre du drap blanc comme déjà mort. Il convulse mais ses yeux restent clos, ses lèvres sont bleues et gercées comme s'il avait froid mais sa température excède les quarante degrés. Paniquée, j'appelle d'autres médecins autour de moi. Leurs réactions ne se font pas attendre et tout le monde commence sa part du travail. On commence par le brancher sur un respirateur artificiel, on prend des échantillons de sang, son poul et sa tension, et on panique car tout est déréglé. L'organisme de l'enfant chauffe encore, et il semble bouillir entre nos mains. Que pouvons-nous faire ? Tout se passe en quelques secondes seulement et il est déjà là, immobile. Tout le monde se tait, à l'affut du moindre signe de vie, mais rien. On continue nos analyses, et quelques médecins triés sur le volet pratiquent les manipulations de dernières nécessités. Mais au bout du compte, personne ne peux ramener un mort à la vie. 

Le corps est transporté dans un sas en attente d'une future étude. Quant à moi, je reste figée au milieu de la pièce, totalement immobile. Une forte nausée me prend alors que je comprend enfin ce qu'il vient de se passer devant mes yeux. Ma supérieur m'autorise quelques minutes de pause et je file sans demander mon reste. Une fois devant l'hôpital, je me laisse tomber par terre et sanglote silencieusement. Je ne comprend pas, tout s'est passé si vite... tout ce qu'on a pu faire s'est révélé inutile, et je pense à sa famille. Comment leurs expliquer tout ça ? J'ai le moral en miette et j'aimerai tellement que Neji me serre fort dans ses bras...

Je finis d'expulser toute l'eau de mon corps à travers mes yeux et me dépêche de reprendre mon service, fébrile. Mais nous n'avons le droit qu'à quelques minutes de pause avant que des cris ne parviennent de l'entrée. Aucun de nous ne bouge ; nous sommes docteurs et ce n'est pas notre rôle de jouer les concierges, mais une des dames de l'accueil accourt à toute vitesse vers nous. 

-"DES ENFANTS... DES ENFANTS... PLEIN !", hurle-t-elle, complètement défaite.

Personne ne comprend vraiment ce qu'elle dit, pourtant nous bougeons tous. Non. Ca ne devait pas recommencer. Et pourtant les brancards défilent à la vitesse de l'éclair, sans même que le visage des enfants ne s'impriment dans ma rétine. Que se passe-t-il pour qu'autant d'entre eux meurent ? Est-ce un virus ? Pourquoi n'est-il dans aucune base de donnée ? L'étrange parade funèbre pousse tout le monde à bout et nous ne sommes plus que quelques une encore saines d'esprit. Nous nous lançons un regard plein de tristesse et d'incompréhension. Pourquoi ? Comment ? Personne ne sait.

***

Le soir, je rentre à la maison les épaules basses comme si je portais tout le fardeau du monde. Neji fronce les sourcils à ma vue et s'approche rapidement, la mine soucieuse. Je le sens qui m'inspecte sous toutes les coutures, comme à chaque fois que je rentre, et ses yeux rejoignent enfin les miens. Les larmes coulent toutes seules tandis que je me remémore l'hécatombe passée. 

-"Ils étaient cinquante-deux...", commençais-je la voix fracassée.

Neji me regarde avec attention, ne s'attendant pas à ce que je lui raconte ma journée avec le secret médical qui nous lie, nous médecins, à nos patients. Mais il écoute, et je lui suis reconnaissante pour ça.

-"Ils étaient cinquante-deux", repris-je avec plus d'assurance, "seuls six ont survécus."

Un sursaut secoue ses épaules et il ne bouge pas. Je renifle, les yeux brillants, et ouvre grand mes bras. J'ai besoin de réconfort. Il devine immédiatement mes intentions et me saisis la taille tout en plongeant ma main dans mes cheveux. Il défait mes deux chignons d'une main experte et commence ses papouilles. Je me détend en un clinc d'oeil, mais ce n'est pas suffisant pour me faire oublier les atrocités de la journée. Je reste ne nez enfouis dans son épaule et il me guide silencieusement dans toute la maison, vigilant à chacun de mes pas. Il pointe la cuisine mais je secoue la tête, donc il m'amène dans notre chambre. Il me borde et je m'endors sous ses caresses d'un sommeil blanc, sans rêve ni enfant.

-CORRIGE

Simple missionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant